Depuis quelques années, une technique ancestrale japonaise fait son grand retour en étant de plus en plus plébiscitée par les architectes et designers du monde entier, tant pour ses avantages techniques que ses possibilités esthétiques et écologiques. Quand on brûlait la façade de sa maison pour la protéger, (re)découverte du Shou-sugi-ban : le bardage en bois brûlé japonais !
Au Japon, le Shou-sugi-ban, appelé également Yakisugi, consiste à brûler superficiellement le bois brut de bardage qui recouvre la façade d’une maison. Traditionnellement, c’était le cèdre japonais (sugi) que l’on traitait de cette manière assez originale. Aujourd’hui, d’autres variétés peuvent être employées, depuis le cèdre rouge, au sapin de Douglas, jusqu’au mélèze en passant par le pin ou le chêne. C’est cette technique ancestrale qui donne cette teinte inimitable aux bâtiments traditionnels japonais comme les machiya de Kyoto ou certaines kominka. Mais pourquoi brûler la surface extérieure de sa maison ?
Les bénéfices d’une telle technique sont en réalité multiples. Tout d’abord, la partie carbonisée et durcie du bois forme une couche protectrice naturelle contre les rayons ultra-violets, principaux responsables du vieillissement du bois et donc de la détérioration anticipée des habitations. Ainsi, comme dans la vie, faut-il parfois se brûler pour mieux se renforcer !
Une finition à l’huile naturelle rend la surface hydrophobe et met l’habitat à l’abri des intempéries. Ironiquement, le bois brûlé en surface est également mieux préservé du feu, son pouvoir ignifuge étant renforcé par la pré-carbonisation du bois. Cerise sur la gâteau, ce bois résiste également mieux à la pourriture et aux insectes qui peinent à le grignoter.
Le plus important, c’est probablement que ceci soit possible sans utilisation de produits pétrochimiques, sur base d’une ressource locale et d’un savoir-faire ancestral. Grâce à ce traitement, la durée de vie du bois peut-être portée à plus de 80 ans selon les spécialistes ! Mais quand on observe d’anciennes structures japonaises, on réalise que ça peut aller bien au delà avec un entretien spécialisé. En outre, sa couleur est définitivement fixée (hormis une dégradation physique inévitable).
La technique est visuellement impressionnante. Jugez par vous même :
À l’origine, selon la tradition japonaise, les planches verticales étaient liées par trois, formant un triangle à la base duquel on allumait le feu (voir vidéo). Mais on peut aussi les placer deux par deux sur un lit de braises ou les passer sous le feu d’un chalumeau. Les planches sont brûlées de manière homogène pendant une dizaine de minutes environ, selon le résultat esthétique souhaité. Puis, on brosse la poussière de charbon résiduelle avant de rincer les planches à l’eau douce. Eau qui, grâce au traitement, n’imprègne plus le bois.
C’est donc une technique emblématique, pratiquement oubliée, que nous enseignent les japonais à travers le survivance du Yakisugi. Acquérir une protection contre le feu, à travers le passage par le feu : le sacrifice renforçant la durabilité de l’habitat. Tout un symbole !
Naturellement, la pratique est plus complexe qu’elle n’en a l’air et réclame un certain savoir-faire technique. Un bois excessivement brûlé perdra totalement ses bienfaits. En variant l’essence du bois, la durée d’exposition au feu et l’intensité du grattage, il est possible d’obtenir tout un panel de nuances de noir, du mat au brillant jusqu’au gris. Une variété qui fait le bonheur des designers qui ont récemment repris cette technique de protection jusqu’à concevoir des décorations intérieures ou des meubles originaux.
Si le coloris sombre qui en résulte irrémédiablement ne vous rebute pas, vous ne pourrez qu’être séduits par cette technique jugée écologique, durable et source de créativité. Car, en plus d’être relativement abordable, si vous êtes bricoleur, il vous sera possible d’étudier la technique pour l’expérimenter chez vous, par exemple, sur de vieux meubles, avec un simple chalumeau. Naturellement, dans le respect des règles de l’art et de sécurité…
S. Barret & Mr Japanization
Cet article existe grâce à vous. Soutenez Poulpy sur Tipeee !
Sources : offgridquest.com / habitatpresto.com / espritcabane.com