Faire rire avec la mort, voilà un des objectifs du manga « Toutes nos condoléances ! ». Il serait pourtant bien étrange de réduire l’œuvre de Tobio Mizuno à ce seul trait. Touchant et humain, il nous dévoile en effet les dessous d’un métier pas comme les autres, encore moins au Japon, celui des pompes funèbres.
Toutes nos condoléances !! est un manga écrit et dessiné par Tobio Mizuno, publié au Japon en 2004. Nous y suivons Jirô, qui travaille comme croque-mort dans l’entreprise familiale.
Depuis tout petit, cette proximité avec la mort lui pèse, victime de brimades à répétition. Mais il faut bien vivre et il apprend donc son métier dans des conditions difficiles, souvent rejeté, détesté par la population qui ne voit en lui et sa famille que des profiteurs de mort.
À travers ses missions, Jirô va finalement en apprendre beaucoup sur la condition humaine et même son père, dont il a souvent eu une mauvaise opinion. Heureusement, il va aussi connaître de petits bonheurs, faire des rencontres inoubliables et donner parfois un peu de chaleur humaine face aux drames qui l’entourent.
Toutes nos condoléances : prière de rire !
Quand on choisit un sujet aussi étonnant et original que celui de la vie d’une entreprise de pompes funèbres, autant le faire avec une once de légèreté ! C’est le choix de Tobio Mizuno qui réussit à nous faire sourire là où on s’y attend le moins.
Jirô se fait amener à l’école par son père qui roule en corbillard, une veuve trafique tellement la photo de son mari que plus personne ne le reconnait sur le portrait lors de ses funérailles, un cercueil se retrouve plein de fleurs dans une manigance pour gagner du temps… Malgré la lourdeur du sujet, on rit beaucoup dans Toutes nos condoléances !!, l’humour noir omniprésent aidant à faire passer des situations, vous vous en doutez, souvent pesantes.
De l’absence
L’entreprise familiale dans laquelle Jirô travaille avec son père se trouve dans une petite ville de province. Ainsi, tout le monde se connaît et chaque disparition marque les esprits des uns et des autres plus ou moins profondément. Chaque chapitre traite ainsi d’un décès et de ses répercutions sur le quotidien de ceux qui restent. Avec beaucoup de finesse, le mangaka sait trouver les mots justes (et les dessins) pour nous montrer la douleur et parfois même la colère que les personnages ressentent.
Difficile devant cette approche très humaine de ne pas se sentir impliqué dans les intrigues. Il y en aura, évidemment, toujours une qui nous parle plus qu’une autre alors que personne n’est épargné par l’inévitable. Et si le manga parle du quotidien de l’entreprise de pompes funèbres, elle raconte également le cheminement personnel d’un jeune homme qui avait bien d’autres rêves que celui de vendre des cérémonies funéraires.
Quand le destin s’en mêle
Jirô, comme on l’apprend dès les premières pages, avait en effet une autre idée en tête : devenir médecin. Son objectif était donc plutôt d’empêcher la mort plutôt que de voir en chacune une opportunité de contrat. Mais après trois échecs consécutifs au concours d’entrée en école de médecine, il est bien obligé de tenir sa promesse de reprendre les rênes de l’entreprise familiale. Il suit ainsi les pas de son père qui avait fait de même avant lui. On le sait, au Japon, la succession est très importante et le socle de bien des sociétés qui sont tenues depuis parfois plusieurs siècles par la même famille.
Notre héros, bien qu’y allant à reculons, va néanmoins apprendre à voir le positif dans ce métier pas comme les autres. Il va même y voir petit à petit son importance dans la société et le caractère aussi essentiel qu’humain et presque philosophique de cette tâche à la si mauvaise réputation.
Son histoire croisera celle de Shiori, ancienne camarade de classe qui travaille dans l’hôpital de la ville et qui, elle aussi donc, côtoie la mort au quotidien. Une histoire d’amour au milieu des crémations ? Nous vous laissons le découvrir par vous-même.
Concernant le dessin, bien que publié au début des années 2000, le style du mankaga se rapproche plus de celui des années 80-90, rappelant parfois celui de Rumiko Takahashi, la maman de Maison Ikkoku, Ranma ½ et Inu-Yasha. Les expressions des visages sont souvent à mourir de rire et exagérées. De quoi arrêter les larmes qui pointent parfois le bout de leurs gouttes le long des 11 chapitres clairsemés sur deux tomes.
À noter que le deuxième comprend également deux histoires courtes de l’auteur qui n’ont rien à voir avec le sujet de départ. Dommage, on aurait bien aimé savoir comment allait évoluer le destin de Jirô.
Qu’à cela ne tienne, la lecture de Toutes nos condoléances nous aura déjà bien assez enchantés pour que nous vous le conseillions de tout cœur. À poser à côté d’autres œuvres adultes comme La Vie d’Otama et Fleur de l’ombre.
Édité en 2013 par Black Box, vous le trouverez facilement d’occasion sur les sites spécialisés.
– Stéphane Hubert