En Occident, Noël est lié à la religion catholique puisqu’elle célèbre la naissance de Jésus, même si beaucoup le fêtent de manière laïque. Mais alors qu’en est-il au Japon où la croyance majoritaire est shintoïste ? Découverte !
La population japonaise comprenant à peine 1% de chrétiens, Noël aurait pu y garder une place confidentielle. Mais occupation américaine et considérations commerciales obligent, la fête de la Nativité a finalement trouvé sa place au pays du Shintoïsme. Avec quelques particularités que nous vous détaillons.
Une fête importée et « japonisée »
La célébration de Noël apparait à l’époque Meiji (1868-1912), alors que le Japon s’ouvre à l’Occident après deux siècles d’isolationnisme. Mais c’est avec l’occupation américaine à la fin de la Seconde Guerre Mondiale qu’elle prend vraiment de l’ampleur. Les Américains restent sept années au Japon, entre 1945 et 1952, un laps de temps suffisant pour que la culture occidentale sauce USA y infuse.
C’est ainsi que la Saint Valentin, Halloween et Noël s’y sont durablement implantés, tout en mêlant des traditions occidentales à l’identité japonaise. Dépourvues de racines religieuses ou culturelles, ces fêtes répondent surtout à une logique commerciale, ce qui fait la joie des magasins.

De fait, les Japonais célèbrent Noël comme le Nouvel An pour les Occidentaux, ou la Saint Valentin pour les couples. La fête de famille traditionnelle de fin d’année étant l’Oshôgatsu à laquelle nous avons déjà consacré un article.
« comme le 25 décembre n’y est pas férié, c’est principalement la veille au soir qu’on fête Noël »
D’ailleurs, comme le 25 décembre n’y est pas férié, c’est principalement la veille au soir qu’on fête Noël. Il y a d’ailleurs une prédilection pour la soirée romantique en couple, les célibataires s’amusant entre amis ou en speed-dating et soirées spécial Noël pour trouver l’âme sœur (avec qui passer le Noël suivant !), et plus rarement en famille.
Meri Kurisumasu
On ne perd pas de temps au Pays du Soleil Levant. A peine Halloween fini, les décorations de Noël s’installent dans les rues, les parcs, les vitrines des magasins et les centres commerciaux dès début novembre. C’est que les illuminations féériques sont très appréciées des Japonais qui vont les admirer en groupe.
Chaque année, les grandes villes et les complexes commerciaux du Japon mettent donc le paquet (de Noël !) pour éblouir les regards émerveillés à coups de kilomètres de guirlandes lumineuses recouvrant les bâtiments, les arbres, les monuments… Et les oreilles ne sont pas oubliées avec la diffusion de chants de Noël !
Au mois de décembre depuis 1995, la ville de Kobe honore les 6 437 morts du grand tremblement de terre du 17 janvier avec les illuminations du festival Luminarie dont les bénéfices sont reversés aux victimes.
En plus de récolter des fonds, ce spectacle a contribué à relancer le tourisme à Kobe et à réconforter les habitants après le traumatisme du séisme. Initialement prévu pour une unique édition, son succès fut si important que le festival a finalement perduré d’année en année.

Nagasaki déploie ses illuminations dans son Royaume de Lumières aux 13 millions de LEDs ainsi qu’un marché de Noël européen dans le parc à thème Huis Ten Bosch. On y ressent la proximité historique entre Nagasaki et la Hollande, quand les marchands hollandais étaient autorisés à y accoster (à condition de se cantonner sur l’île de Dejima) pendant la fermeture du pays à l’époque Edo (1603-1868).
La ville de Gotemba vaut le détour pour ses illuminations Toki No Sumika au Gotemba Kogen Resort avec un tunnel illuminé d’environ 450 mètres de long, complété d’une fontaine aux jets dansants et de sculptures tout aussi lumineuses.

D’autres magnifiques illuminations prennent place à Kyoto, Osaka, Sapporo, Nara, Kanazawa… Mais si toutes rivalisent en féerie, c’est évidemment à Tokyo que la démesure est de mise.
La capitale vous offre l’embarras du choix entre celles de la Shibuya blue cave, du Tokyo Dome City, de la rue Omotesando, du complexe Tokyo Midtown d’Akasaka, du Starlight Garden de Roppongi Hills… Seule contrainte : ne pas craindre la foule, extrêmement nombreuse à s’y presser.
De même au Tokyo Disney Resort entre le 15 novembre et le 25 décembre. Déjà très prisés en temps normal, les parcs Tokyo Disneyland et DisneySea mis à l’heure de Noël croulent sous les visiteurs. Si vous avez la chance de vous rendre à Tokyo Disneyland, n’y ratez pas la parade Disney Christmas Stories : Fond Farewell de jour, et la Electrical Parade Dreamlights à la nuit tombée. Des attractions s’offrent des variations pour l’occasion et le spectacle Disney Christmas Greeting accueille les visiteurs à Tokyo Disney Sea.

Pour retrouver une atmosphère occidentale, direction les marchés de Noël. Ils ouvrent les portes de leurs chalets pour proposer des spécialités européennes comme du vin chaud, du pain d’épices, des décorations et autres cadeaux…
Le marché de Noël de Tokyo au parc Hibiya est même directement soutenu par l’Association allemande du tourisme et l’ambassade d’Allemagne. Celui de Sapporo dans un parc Odori illuminé jouit aussi d’une belle réputation. C’est un jumelage entre les villes de Sapporo et de Munich qui le fit naître en 2002.

Les Japonais installent aussi un sapin chez eux mais le père Noël « Santa Kurōsu » サンタクロース n’y dépose pas de cadeaux dans la nuit du 24. Au Japon, il s’agit avant tout d’une figure marketing, cantonnée aux vitrines commerciales.
Alors que les couples s’échangent des cadeaux à Noël, c’est davantage au Nouvel An que les enfants s’en voient offrir même si la pratique s’implante petit à petit.

Quel est le menu ?
Que mange-t-on pour Noël au Japon ? Eh bien cela dépend. Vous avez sans doute déjà entendu parler de la ruée vers le poulet KFC. Une coutume née d’une habile stratégie marketing alors que KFC venait de s’implanter au Japon en 1970. Son directeur, Takeshi Okawara, entendit des expatriés occidentaux regretter de ne pas trouver la dinde à laquelle ils étaient habitués. Pourquoi ne pas alors tenter de substituer le poulet à la dinde ?
En 1974, KFC lança donc une campagne publicitaire nationale avec le slogan Kentucky for Christmas ! pour un Bucket spécial et ainsi associer son image à celle de Noël. Cela réussit si bien que de nos jours, des millions de Japonais consomment le poulet du Colonel Sanders à Noël. Il faut donc y réserver son menu des semaines en avance pour s’assurer de l’obtenir !

Pour un Noël romantique, ce sont plutôt les restaurants qu’il faut réserver des mois en amont si on veut pouvoir y emmener sa moitié ou sa famille ce soir-là ! Noël n’étant pas ancré dans la tradition japonaise, il n’existe pas de repas spécifique à l’inverse du Nouvel An. Les Japonais consomment leurs habituels plats de célébration comme des sushis, des sashimis ou une fondue nabe.
« Si en Occident, nous avons l’indispensable bûche pâtissière, au Japon on lui préfère le Christmas cake « kurisumasu keeki » クリスマスケーキ «
Par contre, les Japonais ont créé leur propre dessert. Si en Occident, nous avons l’indispensable bûche pâtissière, au Japon on lui préfère le Christmas cake « kurisumasu keeki » クリスマスケーキ : une génoise recouverte de crème fouettée et décorée de fraises. Ce gâteau aux fraises a le bon goût d’être aux couleurs de Noël, blanc & rouge.

Il symbolise également l’opulence en souvenir du Japon de l’après-guerre, sous occupation américaine et marqué de fréquentes pénuries alimentaires. A cette époque, seules les personnes assez aisées pouvaient se permettre de confectionner ce genre de gâteau dont les ingrédients inhabituels pour la gastronomie nippone (lait, sucre, beurre) étaient rares donc chers. C’est avec l’envolée économique des années 70 que les classes moyennes y eurent accès et ce gâteau resta associé à l’abondance, à la prospérité.
En définitive, si vous avez l’opportunité de passer Noël au Japon, nous ne pouvons que vous conseiller d’en profiter. Vous y retrouverez une ambiance familière avec des touches japonaises uniques. Mais qu’importe où vous vous trouverez, nous vous souhaitons un Joyeux Noël !
– S. Barret

Image d’en-tête : illuminations au Tokyo Dome, flickr