Par définition, le chamane est un être humain qui fait l’intermédiaire entre l’humanité et les esprits de la nature. Il a, selon les croyances, une vision holistique du monde. Le chamane se veut être à la fois sage, thérapeute, conseiller, guérisseur et voyant. Le chamanisme est courant en Asie : de la Mongolie à la Sibérie, en passant par la Chine, la Corée du Sud et, plus surprenant : le Japon. Okinawa ne rime donc pas seulement avec charmes tropicaux, plages et cocotiers. Sur l’île, le chamanisme est une chose courante.
À Okinawa, les femmes sont considérées comme possédant un pouvoir spirituel, ce que l’on appelle Onarigami. Sur l’île, on distingue deux types de chamanes: les Yutas et les Noros. La différence entre les Yutas et les Noros est que les Yutas sont des chamanes indépendants, alors que le rôle des Noros est surtout d’effectuer les rituels communautaires. Les Yutas traitent généralement des affaires privées et familiales tandis que les Noros ont un rôle beaucoup plus global, elles se préoccupent essentiellement du monde, de la société en général de même que des questions liées à la terre, à la nature, au cosmos. Je dis « elles » car à Okinawa, 99% des chamanes sont des femmes.
Je vous présente Shizuko Tokashiki, alias Koushu-Sama, une chamane de 91 ans qui a eu la gentillesse de nous recevoir.
Koushu-Sama est une Noro mais pas seulement. Elle est aussi maître des Noros. Dans leur dogme, elle est une maîtresse de lumière, de la lune, du soleil, des planètes, des Dieux, du cosmos et de la nature. Elle communique et est connectée avec toutes ces choses. La légende dit qu’elle a reçu ce don du ciel depuis toujours. Un très gros choc dans sa vie, confie-t-elle. Koushu-Sama a d’abord renié ce « don », mais son destin en a voulu autrement. Elle prie tous les jours depuis 62 ans pour le monde et la terre. À ses yeux, sa mission est donc gigantesque. Elle nous dit encore avoir besoin de 30 ans pour finir cette mission. Elle aurait alors 120 ans ! Ce qui n’est pas chose impossible ici. Elle prie dans des lieux de dévotion comme les divers sanctuaires au Japon en faisant des rites et des cérémonies propres au chamanisme.
Koushu-Sama est également conseillère officielle pour la petite ville d’Uruma et ses habitants. Et ici, on débarque sans prendre rendez-vous. Les consultations sont publiques et libres. Mais on vient aussi de tous les coins de l’île pour la consulter. Toutes les générations se pressent : seul, en groupe, en famille, entre amis… Elle ne vit que de donations libres. Son rôle, explique-t-elle, est donc de diffuser les messages qu’elle reçoit des forces cosmiques et de la nature. Ici, de nombreux croyants prennent la chose au sérieux. Pour les habitants de l’île, aller régulièrement consulter une chamane contribue au bien-être de la famille et de la santé mentale. C’est un programme global pour le bien-être quotidien. Mais Koushu-Sama est aussi enseignante. Elle transmet ses connaissances à des personnes intéressées par le chamanisme, pour que la tradition perdure après elle.
Son message peut se résumer en quelques mots : le monde doit se reconnecter. La planète est une grande famille ; nous sommes tous humains. Nous étions “un” auparavant mais, avec les années, cette donnée essentielle s’est perdue au profit de la division. Selon elle, il est indispensable que les humains retournent à cet état antérieur pour vivre dans un monde en paix. Revenir à l’essentiel.
Son message au monde : “Don’t fight ! No weapons anymore. No competition, only collaboration. Make peace, love, heart. The world is a big family” (“Ne vous battez pas ! N’utilisez plus d’armes. Ne plus être dans la compétition mais seulement dans la collaboration. Faites la paix, vivez d’amour et de coeur. Le monde est une grande famille”).
Et quand on lui demande si elle est heureuse ? Elle l’est seulement si tout le monde est heureux sur terre…
– Pascale Sury
Toutes photographies à la discrétion de Pascale Sury pour Mr Japanization