L’ingénieux système japonais contre les attaques de ninjas

De nos jours, les japonais ont des systèmes d’alarme ultra-sophistiqués et des caméras de surveillance à chaque coin de rue pour les prémunir contre la violation – pratiquement inexistante – de leur domicile. Bien entendu, rien de tel n’existait à l’époque Edo (1603-1868), si ce n’est l’ingéniosité des japonais. Il fallait imaginer un moyen simple mais efficace pour détecter les intrus voulant s’introduire sur la propriété d’un puissant. Pour se faire, les menuisiers de l’époque ont rivalisé d’imagination et d’ingéniosité en créant : les planchers « rossignol ».

À l’ère Edo, le Japon est un état au fonctionnement féodal. Le pays est divisé en fiefs chacun administré par un puissant seigneur local, le daimyô. Tous les daimyôs doivent obéissance au shôgun, le véritable détenteur du pouvoir central, l’empereur n’ayant plus de fonction politique mais seulement le rôle de gardien des traditions. Le Japon est enfin un pays unifié et pacifié après une longue période de troubles entre le milieu du XVème siècle et la fin du XVIème siècle connue sous le nom « d’époque Sengoku » (« l’ère des provinces en guerre »). Mais ce temps de paix n’empêche pas les inimitiés et les rivalités de se développer entre daimyôs, entre vassal et suzerain, pouvant conduire jusqu’à l’assassinat de l’ennemi détesté. Pour cela la discrétion était de mise, car il n’était pas question de supprimer son adversaire en plein jour, au risque d’être arrêté, jugé et forcé au seppuku (le suicide rituel). Il était préférable de l’éliminer discrètement de nuit, pendant son sommeil. Le seul obstacle qui se posait alors était de pénétrer à l’intérieur du château où il résidait.

Le célèbre château blanc d’Himeji. Source : flickr

Le château japonais était pourvu d’un solide mur d’enceinte en pierre, de douves, de tours de garde. Ces dispositifs défensifs étaient efficaces pour repousser une puissante armée, mais un homme seul pouvait toujours trouver le moyen d’escalader ces obstacles et de tromper la vigilance des gardes pour pénétrer dans l’enceinte. On pense surtout aux ninjas, maîtres de la discrétion, qu’un seigneur pouvait engager pour faire assassiner discrètement un ennemi à priori bien à l’abri dans le donjon de son château. Conscient de ce risque, les daimyôs ont fait poser des « planchers rossignol » dans leur demeure pour détecter les intrus. Nommé « uguisubari« , « la fauvette qui monte la garde », ce type de plancher a été conçu par d’habiles artisans en utilisant simplement des tiges métalliques et des clous. Tout réside dans l’illusion…

La voie semble libre, et pourtant… (château de Nijô)

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Le fonctionnement de ce système d’alarme est aussi simple qu’ingénieux : des tiges de métal sont accrochées aux poutres sous les lattes du plancher. Les tiges sont munies de deux trous traversés par un clou en fer. Sous le poids d’une personne, les lattes viennent toucher les tiges de métal qui bougent et frottent contre les clous produisant alors un bruit significatif pour révéler la présence d’un intrus, quelle que soit la précaution que ce dernier mettrait pour se déplacer silencieusement. Et le son qui en sort n’est pas anodin !

Un système d’alarme efficace à base de bois et de clous seulement ! (château de Nijô). Source : flickr

Ce grincement ressemblant étrangement au chant du rossignol japonais, il a donné ce nom au mécanisme. Un nom approprié car cet oiseau, discret par nature, affectionne se cacher dans les feuillages et possède un cri qui porte. Quoi de plus symbolique ? Restait un problème à résoudre : pouvoir identifier la personne qui faisait grincer le plancher. Car cela pouvait être autant un garde qu’un assassin. Pour faire la différence, une solution simple fut à nouveau mise au point : les gardes adoptaient un rythme de marche prédéfini pour les différencier des importuns. Restait à ne pas se faire « voler » l’information secrète.

Le dispositif de tiges métalliques sous le plancher qui le faisait « chanter » au château de Nijô à Kyôto. Source : flickr

Ce dispositif de sécurité, que seuls les plus aisés pouvaient s’offrir, s’est répandu dans les châteaux et aussi les temples souhaitant protéger leurs trésors, comme les temples Daikaku-ji et Chion-in à Kyôto. Mais c’est au château de Nijô, (construit en 1603 pour le premier shogun Tokugawa à Kyoto) que l’on trouve l’installation la plus aboutie. Si leur fonction est aujourd’hui révolue, les visiteurs du château de Nijô et du temple Chion-in notamment peuvent encore s’amuser à faire chanter le sol sous leurs pieds, sans risquer d’y perdre la vie.

https://www.youtube.com/watch?time_continue=5&v=BiyCggADjJc

S. Barret


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Sources : thevintagenew / soranews24.com / amusingplanet.com