« Golgo 13 » est un des mangas les plus connus du Japon et dans le monde, même si en Europe, seuls les véritables initiés semblent reconnaître son héros inspiré de James Bond. Celui-ci a traversé les décennies en s’adaptant aux événements qui chamboulent notre monde. Modèle de longévité, il est devenu en 2021 le manga le plus long de l’histoire de la bande-dessinée japonaise avec 201 numéros ! (Update : Takao Saitō est décédé ce 24 septembre 2021)

En 1964, Takao Saitō a 28 ans. Il reçoit une commande pour adapter en manga 4 romans de Ian Fleming : Vivre et laisser mourir, Opération Tonnerre, Au service secret de sa Majesté et L’homme au pistolet d’or. Il passe donc beaucoup de temps avec James Bond et cela lui donne des idées pour la suite de sa carrière. Quatre ans plus tard sort dans les pages de Big Comic le premier chapitre de Golgo 13. Le succès est immédiat et ne va jamais se démentir.

Golgo 13 : franc-tireur d’élite

Duke Togo, qui se fait surnommer Golgo 13 (ゴルゴ13), possède de nombreux traits communs avec le célèbre agent britannique. Comme le veut l’époque, il est fort, ouvertement macho et n’a pas trop de problème avec les coups d’un soir (même s’il doit parfois payer pour ça, culture japonaise oblige). Le personnage charismatique vit selon ses propres règles.

Par contre, là où le matricule 007 a officiellement le permis de tuer, Golgo 13 se l’octroie de lui-même puisqu’il est tueur à gage. Mais pas n’importe lequel : le meilleur ! Il fait d’ailleurs figure de dernière chance pour ses clients, étant celui que l’on appelle la plupart du temps pour les tâches considérées comme impossibles. Il faut parfois aussi penser, sous nos latitudes, au personnage de Léon (1994).

Bien qu’illégale, il régit son activité selon des règles strictes, et en cela suit un modèle discipliné « très japonais » digne d’un samouraï. Il ne rencontre par exemple son client qu’une seule et unique fois. Le tueur doit également connaître pourquoi il doit tuer et avoir toutes les informations sur la mission qui, une fois qu’il l’aura acceptée, ne pourra plus être annulée par le commanditaire. Le trahir ou tenter de le recruter dans un groupe d’assassins est une très mauvaise idée et se solde souvent par la mort de celui qui a pris ce risque. Professionnel jusqu’au-boutiste, son comportement s’en ressent dans sa vie quotidienne. Il ne sert jamais la main pour garder les siennes libres et si vous avez le malheur de passer dans son dos discrètement, attendez-vous à vous recevoir un coup de poing gratuit en représailles.

Des règles comme celles-là, on pourrait en citer des dizaines et c’est aussi la force de la création de Takao Saitō qui a créé une vraie mythologie autour de son personnage qui en fait pratiquement un Dieu invincible qui fascine autant qu’il effraie.

L’autre attrait de l’œuvre et qui en explique la longévité, ce sont les histoires que le mangaka raconte, ancrées dans les époques traversées. Des éléments de l’histoire réelle se mélangent en effet aux aventures de Golgo 13. Il sera le témoin privilégié de faits historiques marquants comme, entre autres, la guerre du Vietnam, la chute du Mur de Berlin ou la mort de Lady Di. Le tueur n’hésite pas non plus à voyager à travers le monde et posera même le pied en France pour quelques missions, foulant les rues de Marseille, Bordeaux, Nice et Paris.

Saitō privilégie les récits courts. Il n’y a ainsi aucune obligation d’avoir lu tous les tomes pour apprécier Golgo 13 dans son ensemble. C’est aussi ce plaisir immédiat autant que fulgurant qui en a fait le succès. Le tueur à gage se consomme sur le pouce. La sortie du dernier volume est en cela une nouvelle preuve de la place historique de cette œuvre fleuve dans le paysage du manga japonais.

201 dans la mire

Le volume numéro 201 des aventures de Golgo 13 vient en effet de rentrer dans l’histoire puisqu’avec lui, la série devient la plus longue de tous les temps au Japon.

Le précédent record était détenu par Kochi Kame d’Osamu Akimoto qui s’était arrêté en 2016 au bout de 200 tomes. En 2015, Takao Saitō avait suggéré qu’il pourrait mettre un terme aux péripéties de son personnage mais il a finalement continué et ne semble pas prêt à mettre le tueur à gage à la retraite. A 84 ans, le mangaka marche dans les pas de Golgo 13 qui devrait en toute vraisemblance disparaître en même temps que son créateur. Il pose aujourd’hui fièrement à côté du certificat du Guinness Book des records qui valide sa performance hors du commun. (Update : Takao Saitō est décédé ce 24 septembre, quelques jours après la parution de cet article).

Golgo 13 est également la cinquième bande-dessinée la plus vendue au monde avec plus 300 millions de tomes distribués. Il faut comprendre que c’est là bien plus que Dragon Ball, Naruto ou Les aventures de Tintin dont les œuvres sont, il faut bien le dire, moins fournies.

Néanmoins, il est dommage que le bébé de Saitō n’ait pas droit à un peu plus de reconnaissance en France. Seul deux compilations, Best13 of Golgo 13, sont disponibles dans l’hexagone chez Glénat. La première regroupe les histoires préférées votées par les lecteurs alors que la deuxième rassemble les favorites de l’auteur lui-même. À noter qu’une troisième existe au Japon, collection des préférées d’autres mangakas, mais sa sortie n’est pas prévue sous nos latitudes.

Golgo 13 a eu également l’honneur d’être adapté deux fois en long-métrage et autant de fois en film d’animation. On le retrouve également dans des publicités japonaises ou sur l’étiquette d’une bouteille de sake. Pour les 50 ans de la série en 2008, une série animée est sortie en 50 épisodes, disponible, elle, dans l’hexagone en DVD.

Stéphane Hubert


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