L’écrin de ce film brille des mille éclats d’une beauté chère à la campagne japonaise : il s’agit bien de « Anzu, chat-fantôme ». Une épopée qui émeut et nous fait réfléchir, encore plus quand la spiritualité nippone s’en mêle. Sans spoiler, voici notre avis sur ce long-métrage d’animation à découvrir en salle française depuis le 21 août.

Anzu, chat fantôme est réalisé par Yoko Kuno et Nobuhiro Yamashita sur un scénario de Shinji Imaoka. Il s’agit d’une adaptation libre du manga de Takashi Imashiro.

On y suit Karin, 11 ans, abandonnée par son père chez son grand-père, moine d’une petite ville de la province japonaise. Ce dernier demande à Anzu, son chat-fantôme joyeux et serviable, bien qu’assez capricieux, de veiller sur sa petite-fille. La rencontre de leurs caractères bien trempés provoque des étincelles, du moins au début…

Un héros qui ne manque pas d’air

Joviale, gaffeur, parfois égoïste mais le cœur sur la main, son rire franc et contagieux nous donne envie de suivre Anzu dans sa bonne humeur quasi permanente. Même s’il s’adonne aux flatulences et a une addiction au pachinko, il a un grand cœur dans lequel il accueille Karin avec plaisir, elle qui a bien besoin de réconfort dans ce monde loin de Tokyo où elle n’a plus aucun repère.

La jeune fille se retrouve en effet dans un paysage rural, vivant du jour au lendemain dans le temple de son grand-père. Elle s’y ennuie et a du mal à comprendre comment on peut, par exemple, pêcher dans une mer où il est quasiment impossible d’attraper un poisson. Tout est lent dans cette campagne verdoyante, et ce, encore plus quand on y sent seule.

Loin de son père dont elle attend le retour avec impatience, elle se perd dans les souvenirs qu’elle a de sa mère décédée et le manque n’en est que plus grand. Grandir sans cette chaleur maternelle est toujours aussi douloureux même après trois ans sans elle.

Sa relation avec son père est d’autant plus compliquée que ce dernier est loin d’être un modèle. Dans le film, Karin l’appelle d’ailleurs par son prénom, Tetsuya, pour bien lui montrer qu’elle ne le considère plus comme une figure paternelle. Le long-métrage nous fait donc suivre sa longue étape vers la guérison de son âme, le pardon et l’acceptation.

Un univers de folklore

Dans le monde de Anzu, chat-fantôme, toutes les créatures ont leur place et personne ne semble vraiment trouver ça étonnant. Il y a bien sûr cet ami félin dont la présence est acceptée depuis bien longtemps. Le grand-père moine de Karin explique simplement avoir recueilli un chat qui, au bout de 30 ans, a grandi, s’est levé et est devenu celui qu’il est. Quelque chose vous choque ? Ce n’est pas le cas des habitants du village.

Mais autour du chat géant, d’autres créatures s’invitent, que ce soit la grenouille-fantôme, des esprits de la forêt, un jizo, un tanuki, le dieu du malheur, Enma le dieu des enfers… Le long-métrage met en avant les croyances japonaises et leur fait une place de choix au milieu des humains, exactement comme le font les Nippons au quotidien.

Oui, sur l’archipel, les dieux sont partout et c’est le cas dans cet univers aussi, pour le plus grand bonheur des amoureux de ce folklore si foisonnant. Ils évoluent en plus dans un monde chaleureux et magnifique.

Tableaux magnifiques d’une vie quotidienne et fantasmée

Anzu, chat-fantôme est assez sublime techniquement. Les réalisateurs ont pris le parti de travailler énormément les arrière-plans. Ceux-ci sont fixes et, 95% du temps, seuls les personnages sont en mouvement au milieu de ce qui ressemble à de beaux tableaux très détaillés. Ce choix artistique, bien que réussi, est probablement aussi économique, évitant les animations qui auraient assommé le budget global.

La production a préféré, avec intelligence, soigner l’aspect sonore. Chaque scène est ainsi soulignée par le bruit des cigales, du vent et des cormorans typiques de l’été dans les petites villes de la campagne japonaise. À Tokyo, ce seront plutôt les sons des klaxons, du trafic et de la foule, nous laissant imaginer plus que voir.

Mais ce qui fait du long-métrage une œuvre pas comme les autres, c’est le choix de la technique de la rotoscopie pour donner vie à leur univers. Ce procédé consiste à filmer de vrais acteurs dans des décors réels avant de se servir des séquences comme bases pour l’animation.

Un conseil : restez bien au bout du générique car vous verrez justement les lieux qui ont servis d’inspiration à la création du village. Ces quelques vidéos de making-of vous aideront à comprendre plus facilement et rendent bien compte de la somme titanesque de travail que cela demande.

Anzu, chat-fantôme est coproduit par la société française Miyu Productions à qui l’on doit déjà Saules aveugles, femme endormie sorti l’année dernière et que nous avions déjà beaucoup aimé. Une alliance franco-japonaise qui, nous l’espérons, en appellera de nombreuses autres.

Le long-métrage est aussi beau et drôle qu’il peut se montrer sombre quand les Onis s’en mêlent. Certaines séquences pourront ainsi effrayer les plus petits. Esthétiquement autant que narrativement, Anzu, chat-fantôme est une véritable réussite qui nous enchante et nous touche. Il sera le film estival parfait pour les amoureux d’animation japonaise.

Sorti au cinéma en France le 21 août.

– Stéphane Hubert