Il y a des concepts télévisuels qui font la singularité du Japon et qui montrent bien que ce pays n’est définitivement pas comme les autres… « Comme les grands », disponible sur Netflix, est de ceux-là. On y suit des enfants – très jeunes – livrés à eux-mêmes, alors qu’ils doivent aller faire des courses tout seuls pendant qu’une voix commente leurs aventures.
Comme les grands (Hajimete no Otsukai) est une des émissions les plus anciennes de la télévision japonaise. Depuis 1991, elle est diffusée en un long programme de 3h00. De nos jours, ce sont deux numéros qui rythment chaque année : un pour la fête de Seijin no Hi (deuxième lundi de janvier) et un autre pour celle d’Umi no Hi (troisième lundi de juillet).
Le principe est très simple : un enfant âgé entre 2 et 6 ans se voit confier une mission de course alimentaire par ses parents. Il doit alors la remplir en se rendant au magasin sans l’aide de personne ! Abandonné à lui-même, les spectateurs suivent les aventures de l’enfant filmé secrètement par des cameramans dissimulés. Cette série culte de l’archipel est aujourd’hui disponible sur Netflix.
Comme les grands : le courage des petits bouts de choux dans un monde adulte
Le principe de laisser un enfant se balader dehors et aller faire des courses seul – et encore plus à un si jeune âge – peut paraître sur le papier un peu dangereux. Mais ce serait mal connaître les Japonais que de croire que c’est le cas. L’émission Comme les grands est ainsi largement préparée en amont avec les parents et le chemin choisi pour la « mission » l’est en fonction de la sécurité des voies empruntées.
De plus, près d’une dizaine de caméramans sont toujours présents autour des petits héros, déguisés en passants, pêcheurs, ouvriers et autres. Plus d’une centaine d’enfants sont filmés pour chaque émission et seulement 10 sont finalement sélectionnés pour apparaître à l’écran. Tout est vraiment fait pour préserver le bien-être des mini acteurs malgré eux.
Comme les grands est une véritable aventure pour les missionnés en culotte courte qui doivent parfois trouver le courage au fond de leurs petits cœurs encore fragiles. Ils se promènent dans des rues qu’ils connaissent déjà bien et font la fierté des passants et des propriétaires de boutiques (avertis à l’avance) qui les croisent l’air de rien.
Tout ça donne naissance à des séquences très touchantes, avec des enfants parfois au bord des larmes qui vont chercher la force en eux-mêmes parce qu’ils ne veulent pas décevoir leurs parents. Ces derniers sont souvent eux aussi rattrapés par l’émotion en voyant leurs bambins s’émanciper et se débrouiller tout seuls. Et il n’est vraiment pas courant de voir des japonais en larmes de façons si sincère. L’épisode 10, qui se passe à Tomiura dans la préfecture de Chiba, est un modèle du genre avec la petite Koiki qui traverse la ville pour amener le dîner à son père qui pêche avec son grand-père. Les deux sont très complices et vous aurez à votre tour les yeux bien humides à la fin de cet épisode. De l’amour, du vrai, du pur, le tout dans un cadre japonais « local » qu’on aime redécouvrir.
Pour encore plus de proximité, les enfants portent sur eux des micros cachés dans des amulettes porte-bonheur. Nous entendons ainsi avec délectations leurs dialogues et leurs réflexions en direct lors de leurs périples qui ne durent parfois que quelques dizaines de mètres, voire consistent à simplement descendre et remonter un escalier. Mais pour de si petites jambes et des âmes aussi innocentes, ces quêtes du quotidien sont toujours de grandes aventures.
Sur les routes du Japon
Pour nous, occidentaux, Comme les grands est un véritable voyage touristique à travers l’archipel. L’émission a en effet l’intelligence de se balader aux quatre coins des îles nippones. S’il y a bien des épisodes se déroulant à Tokyo, les autres musardent et nous font découvrir les beautés du Japon côtier et plus sauvage. Des champs de mandariniers de Miyazaki à l’île de Sado en passant par les montagnes d’Enshu-Mori, la ville portuaire d’Akashi ou celle fortifiée de Mameda, c’est une grande expédition à travers les paysages les plus authentiques du pays qui nous est proposée.
Même constat en ce qui concerne les boutiques et les métiers que nous rencontrons. Nous passons dans les couloirs colorés des marchés, grignotons aux comptoirs des restaurants de sushis et naviguons sur les ports de pêche. Un vrai ravissement pour les yeux et les papilles.
Le terme Kawaï est souvent utilisé à tort et à travers pour parler – parfois sans raison – du Japon. Pourtant, difficile de ne pas l’associer ici à Comme les grands. Ces enfants sont tout simplement adorables et n’en finissent jamais de nous surprendre. Quand on les voit sourire de joie et de fierté, nous ne pouvons que nous sentir heureux à notre tour.
Le programme est disponible aujourd’hui en streaming sur Netflix qui nous en propose 20 épisodes courts d’une durée comprise entre 7 et 20 minutes. Pour voir d’autres épisodes, il faudra le câble japonais… ou rechercher les termes はじめてのおつかい sur Youtube. D’ailleurs, on vous laisse immédiatement avec un épisode d’un niveau de mignonitude élevé !
Poulpy se permet de rappeler que Comme les grands est une émission de télé-réalité avec encadrement et mise en scène. L’émission ne représente pas le quotidien des enfants au Japon, même si l’animé Kotaro en solo pourrait lui aussi nous faire croire le contraire. Pourtant, il n’est jamais rare de croiser des enfants qui prennent le train pour se rendre à l’école seuls, sans un adulte ! Mais ce n’est pas une généralité nationale. Ce qui est moins connu, c’est qu’une grande partie des parents japonais ont, au contraire, tendance à surprotéger leurs enfants en les couvant excessivement, ce qui peut générer une peur sociale à l’âge adulte ou une grande timidité. Une fois encore, le Japon brille par ses contrastes extrêmes…
Stéphane Hubert & Mr Japanization