Un inquiétant phénomène qui va aller croissant avec le vieillissement inéluctable de la population nippone : les femmes approchant un âge avancé sont de plus en plus susceptibles de sombrer dans la pauvreté quand elles n’ont pas été mariées. Pourquoi les femmes principalement, et qui plus est, célibataires ? Explication.
Selon l’organisation traditionnelle de la société japonaise (certes remis en question par les jeunes générations), le mari travaille pour subvenir aux besoins de sa famille tandis que l’épouse reste à la maison, pour s’occuper du foyer et de l’éducation des enfants. Un mode de vie qui ne pose pas de problème en soi à partir du moment où il est pleinement choisi. Le souci étant qu’au Japon la tradition pèse encore d’un tel poids que les femmes sont conditionnées pour ce rôle, voire poussées à l’endosser contre leur gré (une problématique que nous avons déjà abordé ici). Leur liberté est donc toute relative.
Et cette organisation familiale privilégiée entraîne un effet pervers dont seront victimes les femmes célibataires ou divorcées arrivées à l’âge de la retraite. En effet, l’actuel système de pension japonais leur accorde une retraite moins importante qu’aux femmes mariées qui ont pourtant moins cotisées pour leur retraite contrairement aux femmes célibataires et divorcées restées ou redevenues actives. En termes simples : plus les femmes cotisent par leur travail, moins elles reçoivent d’aide à la pension. Au contraire, le mariage assure une pension plus confortable. Le système même oriente donc le choix des femmes par une forme de « chantage à la précarité » dont seuls les hommes sortent gagnants.
Cela est du à un système de retraite datant de l’après-guerre qui favorisait les femmes au foyer dans un contexte où le pays avait besoin d’un renouvellement rapide de sa population après la mort de 3 millions de Japonais pendant la Seconde Guerre Mondiale. Un système qui n’est donc plus adapté à la réalité de la société nippone qui a depuis les années 80 vu le taux de mariage diminuer inexorablement alors que celui du divorce a augmenté dans le même temps. Par ailleurs, on observe un nombre croissant de femmes désirant faire carrière et s’exprimer en société par une activité ce qui implique toujours, le plus souvent, à renoncer au mariage et à avoir des enfants (même si les lignes commencent à bouger de ce côté). Les femmes trop indépendantes restent ainsi mal considérées tant socialement que par les structures de la société qui refusent d’évoluer. Nécessairement, ces mêmes structures sont dirigées essentiellement par des hommes qui peinent à comprendre cette évolution.
Cette organisation des retraites non réformée depuis plus d’un demi-siècle va à court terme plonger dans la pauvreté un grand nombre de femmes âgées selon un rapport publié par Frontiers in Physics : l’outil de simulation INAHSIM utilisé pour cette étude révèle qu’une Japonaise âgée sur quatre vivra sous le seuil de pauvreté d’ici cinquante ans malgré sa pension de retraite. Ce chiffre pourrait atteindre 50% pour les femmes divorcées et celles restées célibataires contre 10 à 20% des veuves et femmes mariées. En comparaison, la pauvreté ne touchera que 10% des hommes. Bien entendu, la pauvreté est inacceptable dans une société moderne et développée, qu’importe le pourcentage et le type de personnes touchées, mais cette disproportion extrême ne peut qu’interpeller sur un système inadapté à la réalité du terrain.
Seiichi Inagaki, l’auteur de l’étude qui est aussi chercheur à l’Université internationale de la santé et du bien-être au Japon, prévient ainsi : « L’arrivée d’une société extrêmement âgée attend le Japon dans un avenir proche et l’appauvrissement des gens est notre principale préoccupation ». Il ajoute : « Au bout du compte, de nombreuses femmes jamais mariées ou divorcées vivront dans la pauvreté à cause d’un système de retraite public qui leur est défavorable et du plus grand risque de vivre en ménage monoparental. Ce qui fait que le taux de pauvreté général augmentera ». Et de conclure : « Ces résultats impliquent que le système de sécurité sociale actuel n’est pas adapté pour ces femmes ». « J’espère que le gouvernement envisagera une réforme du système et prendra des mesures appropriées pour elles. »
Espérons qu’il sera entendu !
S. Barret
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Sources : blog.frontiersin.org / frontiersin.org