Il a mis du temps à arriver sur nos écrans hexagonaux, mais nous avons enfin la chance de découvrir « La Famille Asada », un long-métrage lumineux qui nous rappelle la force que peuvent avoir les photographies sur nos vies. De l’instant où elles sont prises au moment où elles deviennent un souvenir, c’est à travers le parcours du photographe Masashi Asada que l’on en pèse l’importance.
La Famille Asada est un long-métrage de Ryōta Nakano, déjà derrière la caméra de Her Love boils bathwater, un film que nous avions adoré. Toujours dans la même veine du Japon réaliste et contemporain, le réalisateur s’intéresse ici à Masashi Asada, un photographe qui s’est fait connaître sur l’archipel pour ses recueils de photos touchantes et au plus près de la pureté des émotions.
Dans sa famille, chacun porte en lui un rêve secret : le père se serait bien vu pompier, le grand-frère au volant d’une Formule 1 et la mère pourquoi pas épouse de yakuza ! Masashi, lui, va réaliser le sien en devenant photographe professionnel. Grâce à son talent, il va trouver une manière de donner vie à ceux des autres.
La Famille Asada : deux recueils pour une histoire
Le scénario est en effet articulé autour de deux recueils signés du photographe. Dans le premier, Asada-ke, il s’est justement amusé à mettre en scène les membres de sa famille dans des matérialisations mises en scène de leurs rêves inachevés. Avec beaucoup d’humour, tout le monde se prend au jeu et on rigole beaucoup de ces séquences où le côté enfantin de l’imagination et du jeu reprend le dessus. Comme quand on est petit, sur ces photos légères et très drôles, « on joue », on fait semblant. Il y a tout à coup une étoile éteinte depuis longtemps qui se rallume en nous quand l’objectif est braqué sur ce qui ressemble tour à tour à un restaurant, une campagne politicienne ou la reconstitution d’une scène du passé. L’idée est tout simplement brillante.
Le film séduit justement par ces scènes qui nous montrent combien cette idée du photographe va lui permettre de garder sa famille soudée à travers ses clichés, les membres attendant avec impatience la prochaine scène. On rigole autant que les modèles et Ryōta Nakano savent capturer ces moments de bonheur partagés que nous donnent le sourire. Néanmoins, son long-métrage n’est pas qu’un grand arc-en-ciel puisque le drame y a également une place prépondérante, tout en ne s’éloignant pas d’un iota du thème principal du film : la photographie.
Les vestiges du souvenir
Même si le film s’appelle La Famille Asada, il se focalise avant tout sur un de ses membres en particulier : Masashi. Ce dernier va vivre en 2011 un événement qui changera à jamais le cours de sa vie. Alors qu’il est en déplacement professionnel pour shooter une famille dans la région du Tōhoku, il se rend dans une ville côtière où le séisme de la même année a causé de terribles dégâts et fait de nombreuses victimes. Ravageant plus de 600 kilomètres de côtes, le tsunami qui en a résulté a fait plus de 18 000 morts.
Dans cette ville où il s’arrête par hasard, il rencontre un homme qui s’est donné comme mission de retrouver toutes les photos perdues dans les décombres afin de les rendre à leurs propriétaires. Il décide alors de lui prêter main forte et ce qui commence comme un petit stand extérieur sur une place se transforme peu à peu en marché de l’espoir. Cette action bénévole durera plus d’un mois pour le photographe.
Le film se concentre longuement et avec beaucoup de pudeur sur ce moment dont il tirera là aussi un recueil intitulé Album no chikara (Le Pouvoir des albums). Les scènes du film nous montrent combien ces photographies au départ souvent banales se transforment finalement, à l’heure de la catastrophe, en dernier refuge de certains souvenirs.
Ces instantanés du quotidien deviennent ainsi des trésors chéris à cause de la disparition de certains modèles qui les habitaient. Difficile aux spectateurs après la découverte du long-métrage de ne pas avoir envie d’ouvrir les vielles boîtes de photos poussiéreuses oubliées dans ses placards pour se réchauffer le cœur de sourires et d’anciens bonheurs partagés.
Avec La Famille Asada, le réalisateur nous offre un nouveau très beau film, humain comme on les aime et qui éblouit par cet équilibre parfait entre le drame et la légèreté. Le film débute ainsi sur un enterrement mais se termine sur une belle scène qui ne peut que nous mettre du baume au cœur. Ryōta Nakano nous offre une œuvre forte et magnifique que l’on prendra plaisir à voir et certainement à revoir !
Le film est à découvrir au cinéma en France depuis le 25 janvier et distribué par Art House. Et si vous êtes curieux de découvrir le recueil de photos qui a inspiré le film, il est disponible sur le site d’Hanabi.
Stéphane Hubert