Nous nous sommes récemment fait l’écho du scandale touchant les déchets plastiques et de leur recyclage au Japon. Outre le plastique, toutes formes de déchets proviennent en grande partie d’un gaspillage dû à un suremballage monstrueux et au gâchis de la nourriture dont les dates de péremption courtes entraînent quantité d’invendus à la poubelle. Le Japon semble poursuivre son rêve d’opulence alors que la crise écologique frappe à la porte. Pour dénoncer ce gaspillage évitable et proposer une alternative, le designer tokyoïte Kosuke Araki a crée une collection de vaisselle uniquement à partir de… ses déchets alimentaires !

« Ce que j’espère pour l’humanité est un futur avec moins ou sans plastique. C’est pourquoi, en tant que designer, je réfléchis constamment à la conception d’objets et à vivre selon le cycle naturel de la vie » explique-t-il au New York Times. Une phrase qui illustre sans détour la philosophie animant Kosuke Araki, qui précise : « La nourriture n’est pas une simple chose, c’est la vie ».

Une philosophie de la vie qu’il tente de propager au Japon depuis des années via ses créations à base de plantes, dont il veut tirer un matériau naturel pour remplacer le plastique. Pour sa thèse de fin d’études en 2013, il se fait repérer une première fois pour son projet « Food Waste Ware« . Sous la forme d’un livre de recettes et de moules, il détaillait la réalité du gâchis alimentaire sur les marchés, dans les magasins, chez soi, en proposant des méthodes pour transformer ces déchets en vaisselle. Et cette année, dans la continuité de ce projet, il a conçu un service de vaisselle sous le nom « d’Anima » qu’il a fabriqué à partir de restes de légumes carbonisés et de colle animale (faite d’os et de peaux bouillis récupérés dans les déchets alimentaires).

Les matériaux de base : déchets alimentaires réduits en charbon et colle faite d’os et de peaux.

Il a ensuite façonné ce mélange de charbon et de colle pour créer des tasses, des assiettes et des bols qu’il a recouverts d’une couche finale « d’urushi », la fameuse laque japonaise. Laque à laquelle, historiquement, on pouvait ajouter des restes de riz ou de tofu pour en améliorer la viscosité, explique Araki. Quant à sa matière première, les déchets alimentaires, ils sont issus de sa propre consommation : il en a ainsi accumulé 315 kilos de déchets en deux ans !

Araki a photographié ses propres déchets alimentaires.

Araki veut ainsi proposer une alternative au gaspillage alimentaire, du moins la part impropre à la consommation, qui termine dans les poubelles pour ensuite s’entasser dans des décharges ou finir incinérés : « Chaque jour, des déchets alimentaires sont produits à une échelle industrielle immense, ainsi qu’à une échelle domestique moindre », dénonce Araki, « et bien qu’une partie soit transformée en objets utiles, la plupart finissent dans des décharges, ce qui contribue à aggraver les problèmes environnementaux ». Il souhaite aussi changer le regard des gens sur ces déchets jugés laids et inutiles en les transformant en « quelque chose de beau et précieux » selon ses termes. Et son projet n’est pas terminé, Araki prévoit aujourd’hui de créer d’autres objets et de compléter son service de vaisselle pour un jour, peut-être, inspirer une généralisation de cette pratique.

En attendant, la vaisselle Anima fait partie de l’exposition « Révolution alimentaire 5.0 Design pour la société de demain » présentée au Musée des arts décoratifs de Berlin du 18 mai au 30 septembre 2018. L’exposition s’interroge sur ce que nous mangerons dans le futur alors que notre mode de vie basé sur une croissance sans fin contribue à un changement climatique qui bouleversera la production alimentaire mondiale, sans oublier la déforestation, la mort silencieuse de nos océans et notre incapacité à gérer les déchets. Pour réfléchir à cet avenir, une trentaine d’artistes a été conviée pour présenter leur vision du futur et partager leurs réflexions et propositions pour changer concrètement les choses.

S. Barret


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Sources : spoon-tamago.com / kosuke-araki.com / dezeen.com