Les Jeux Olympiques de 2020 et le flot d’étrangers qui va déferler sur l’Archipel à cette occasion poussent les autorités japonaises à faire évoluer, ou du moins réfléchir, les mentalités de ses citoyens sur certains sujets épineux de la société nipponne en décalage avec le reste du monde (occidental, ne nous le cachons pas). Ainsi, après avoir lancé un appel à la tolérance envers le tatouage, les autorités japonaises tokyoïtes s’attaquent désormais aux discriminations envers les personnes LGBT.
Dans un précédent article Poulpy avait longuement détaillé les discriminations et le rejet auxquels doivent encore faire face les minorités sexuelles au Japon, à l’exception de certaines régions où l’acceptation y est extraordinaire. Nous avions également vu que ce rejet n’était pas culturellement justifié dans l’histoire du Japon, bien au contraire. Une étude réalisée en 2016 par la Confédération des syndicats de travailleurs japonais révélait qu’une personne sur trois ne voudrait pas travailler avec une personne homosexuelle ou bisexuelle. En 2015 une enquête réalisée avec le soutien de chercheurs et du ministère de la Santé, du Travail et des Affaires sociales pointait aussi un nombre important de Japonais chez qui la découverte de l’homosexualité d’un voisin, d’un collègue ou de son enfant serait mal perçue (respectivement 39%, 42% & 72%). De cette enquête on note toutefois un rejet d’autant plus fort que la personne sondée est âgée, signe que les mentalités chez les jeunes générations sont en train d’évoluer.
Et en ce sens les actions de sensibilisation menées par des associations amènent un résultat indéniable : ainsi l’opinion japonaise est maintenant majoritairement favorable (58% selon un sondage Ipsos de 2015) à une forme d’union entre personnes du même sexe via un certificat d’union (la notion de mariage fait encore débat). Différentes autorités locales ont commencé à délivrer ces certificats suivant l’exemple de celles de l’arrondissement tokyoïte de Shibuya en avril 2015. Sur le sujet de l’adoption, la ville d’Osaka a envoyé un message fort le 22 décembre 2016 en autorisant un couple gay à devenir famille d’accueil d’un garçon que le couple avait accueilli en février de la même année. Si les mentalités changent, les structures également.
Image de la Tokyo Rainbow Week 2018
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S’inscrivant dans ces démarches progressistes locales, ce 5 octobre, l‘Assemblée métropolitaine de Tokyo a adopté -malgré des critiques- une ordonnance pour lutter contre les discriminations à l’égard des personnes LGBT et dont l’entrée en vigueur est prévue pour le mois d’avril 2019. Il s’agit pour les autorités de se mettre en conformité avec les principes fondamentaux de la Charte olympique qui prône le respect des droits de l’Homme : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Charte olympique doit être assurée sans discrimination d’aucune sorte, notamment en raison de la race, la couleur, le sexe, l’orientation sexuelle, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ».
Par cette ordonnance les autorités veulent se donner les moyens d’empêcher les discours de haine à l’égard des minorités sexuelles dans l’espace public, la possibilité de supprimer du contenu haineux de sites internet ainsi que de divulguer les noms des individus & groupes répandant des propos appelant à intolérance. Des mesures qui ont fait réagir le Parti libéral démocrate opposé à cette ordonnance, ce dernier arguant qu’il s’agit d’une restriction de la liberté d’expression. Avec d’autres opposants, ont été souligné – à tort ou à raison, avec plus ou moins de bonne foi – l’absence de dispositions pénales rendant l’ordonnance inutile et la précipitation avec laquelle celle-ci a été conçue alors que le sujet aurait du faire l’objet d’un débat plus approfondi.
Au delà de cet aspect répressif, sont prévues des campagnes de prévention et d’éducation pour sensibiliser la population à l’acceptation des personnes LGBT+. Concernant directement ces dernières, l’accès aux couples de même sexe aux visites hospitalières et la location partagée d’appartements en famille seront facilités. L’ouverture de centres de soutien aux personnes LGBT en difficulté est aussi au programme, une étape significative alors que le Japon ne dispose pas de lois au niveau national pour protéger les droits des minorités sexuelles. Un programme qui semble vraiment ambitieux.
Plusieurs partis politiques ont soutenu l’ordonnance (Tomin First no Kai, Komeito, le Parti constitutionnel démocrate et le Parti communiste japonais) dans une volonté d’aller au devant des autorités nationales dont le calendrier d’action sur ce sujet reste vague selon les mots de Hirotaka Motohashi, membre du parti local tokyoïte Tomin First no Kai (« le premier parti des Tokyoïtes »). Pour M. Motohashi, assurer l’égalité des droits des minorités sexuelles deviendra un héritage des Jeux de 2020. Difficile de ne pas partager ses convictions et son optimisme alors que tant de personnes souffrent encore, au Japon et à travers le monde, de leur simple différence. Nulle doute que la sphère réactionnaire ne tardera pas à monter au créneau pour dénoncer un quelconque complot satanisto-mondialiste pour détruire la famille. Tous les coups sont bons pour distiller un peu de haine dans les cœurs qui craignent le changement.
S. Barret
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Sources : japantimes.co.jp / nippon.com