Des japonais s’attaquent aux banques qui financent l’oléoduc Dakota Access

Photo : 350.org Japan

Depuis le début de 2016, le projet de construction de l’oléoduc Dakota Access (DALP) a soulevé de vives réactions et de nombreuses manifestations. Ces dernières ont conduit à des centaines d’arrestations, et cela partout aux États-Unis, souvent chez les minorités amérindiennes. Si cette construction paraît être un problème concentré à une échelle régionale propre à l’outre-Atlantique, de nombreuses banques internationales, y compris françaises, ont choisi de financer le projet, révoltant leur population. Trois banques japonaises se retrouvent au cœur de la polémique. 

Considérées comme les trois plus grandes banques japonaises et celles qui étendent le plus leur influence à l’échelle mondiale, la Mizuho Bank, la Bank of Tokyo-Mitsybishi UFJ et le groupe financier Sumitomo Mitsui sont visés par une pétition de la part de la population japonaise. En effet, plus de 11 300 signatures ont été récupérées depuis décembre dernier afin que ces dernières arrêtent de financer la construction très controversée du pipeline. Une mobilisation rare chez les japonais généralement assez passifs pour ces questions. Mais depuis quelques années, on observe chez eux un regain d’indignation contre les grands projets polluants, particulièrement depuis la catastrophe de Fukushima qui aura peut-être été l’étincelle allumant la mèche.

Originellement, cet oléoduc était destiné à acheminer du pétrole entre le Dakota du Nord et de l’Illinois, en passant par le Dakota du Sud et l’Iowa. Aujourd’hui presque achevés, les 1825 km de l’oléoduc doivent passer par dessous des rivières et lacs, traversant les terres ancestrales des Sioux de la réserve indienne de Standing Rock. Comprenant les enjeux humains de cette construction, la population commence à largement débattre de sa nécessité comme de ses conséquences potentielles sur l’environnement, la santé et la culture des natifs américains. La pétition « Japanese Big Banks: Stop Funding Human and Environmental Rights Abuses at DAPL Now ! » exprime clairement l’avis de nombreux japonais sur la question.

Face à ce que beaucoup considèrent comme une atteinte aux droits de l’Homme, une réponse protestataire a émergé de la population nippone. Par exemple, la population Ainu s’est montrée particulièrement touchée par le sujet. Au même titre que les natifs Américains, les Ainu sont un groupe ethnique minoritaire Japonais persécuté et marginalisé tout au long de leur histoire. Akemi Shimada, une femme Ainu à la tête du projet de Greater Tokyo Ainu Community House, a exprimé son mécontentement face à cette « violation contre les droits des peuples autochtones », affirmant que « Trump devrait comprendre les droits qu’ont les peuples autochtones de vivre harmonieusement avec la nature (…) En tant que Ainu maintenant vivant sous les traditions de nos ancêtres, je voudrais demander aux banques de signer et de mettre fin au DAPL (Dakota Access Pipeline) immédiatement ».

Photo : 350.org / Flickr

Il est clair que les Japonais sont indignés par les choix économico-centrés de leurs banques. Et c’est un fait d’autant plus remarquable que les conséquences pèsent à un niveau international. Ces dernières financent un projet qui menace des populations étrangères avec un capital qui est composé de leurs dépôts, et cela sans que personne ne s’en rende compte. « Plus de personnes devraient être au courant », affirme Ian Shimizu, un organisateur qui travaille en partenariat avec 350.org Japon.

En plus de ne pas respecter la volonté d’une partie non négligeable de leurs clients, ces banques ne respectent pas leurs propres principes. En effet, il est possible de lire dans une section de la pétition que « le pipeline DAPL est contraire aux valeurs des droits de l’Homme citées par Mizuho ». Effectivement, cette banque cite qu’elle travaillera à minimiser les conséquences des activités « nouvelles » sur les droits de l’Homme. La Bank of Tokyo – Mitsubishi UFJ et le groupe financier Sumitomo Mitsui ont des politiques similaires. De toute évidence, ces critères ne paraissent pas respectés aux yeux de beaucoup de leurs clients. À ce jour, les trois banques n’ont pas révélé le montant investi dans le projet. Cependant, d’après Food&Water Watch, une organisation non gouvernementale basée à Washington, elles auraient investi plus de $1,4 milliards dans le projet.

Aujourd’hui ce sont les Japonais qui se sont levés. Peut-être serez-vous les prochains ? De nombreuses banques françaises sont aussi concernées par le financement du pipeline : le Crédit Agricole, Natixis, la Société Générale ou encore la BNP Paribas. Ce sont plus de 1 milliard de dollars de placements des français qui sont concernés.

– S.Grouard


Sources : japantime.co.jp / wikipedia.org / shingetsunewsagency.com