« Bubble » était très attendu par les fans d’animation japonaise. Il faut dire que son équipe créative réunit quelques-uns des grands noms du domaine de ces dernières années. Si sur la forme l’œuvre est indéniablement une réussite, c’est bien son scénario qui risque d’en laisser beaucoup sur leur faim.

Quand Bubble a été annoncé, nous avons tous été un peu subjugué par la somme des talents des personnes impliquées dans sa production. A la réalisation, nous retrouvons Tetsuro Araki qui a excellé sur des œuvres majeures comme Death Note et L’Attaque des Titans. Le character design a été confié à Takeshi Obata qui a, lui aussi, officié sur Death Note, ainsi que sur le très culte Hikaru No Go. Enfin, les clés du scénario ont été confiées à Gen Urobuchi, qui a fait des merveilles sur des créations complexes comme Puella Magi Madoka Magica, Psycho-Pass ou encore Fate/Zero. Nous étions donc très aguichés, à raison, par ce film qui les réunissait tous pour la première fois. Après l’avoir enfin découvert sur Netflix, nous sommes finalement plutôt déçus, même si le long-métrage vaut tout de même largement le coup d’œil.

Bubble : vertige et folie des couleurs

C’est en effet le sens de la vue qui sera probablement celui qui sera le plus conquis par ce Bubble. Nous vous rappelons que le film se déroule dans une réalité alternative où Tokyo se voit subitement être « attaquée » par une pluie de gouttes d’eau plus ou moins grosses. En plus de cela, un énorme dôme finit par la recouvrir et les eaux montent tellement qu’il devient difficile d’y vivre. Le gouvernement décide même finalement de la rendre interdite aux humains. La nature y reprend donc ses droits et des trompe-la-mort se mettent à y organiser des courses de parkour clandestines. C’est lors de l’une d’elles qu’Hibiki a un accident et se retrouve sous l’eau, au bord de la noyade. Il faut l’intervention miraculeuse d’une étrange jeune fille mi-humaine, mi-bulle, pour le sauver. Elle le suit à la surface et finit par être surnommée Uta (« chant » en japonais) car elle chante souvent une chanson que seul le jeune garçon pensait entendre.

Il y a dans ce résumé plusieurs aspects qui permettent au réalisateur de faire de son film un éblouissement pour les yeux. Tout d’abord grâce à ce côté « retour en force de la nature ». La capitale nippone a rarement été aussi verdoyante, éclatante et florissante. Les parterres de fleurs sont magnifiques et les rayons du soleil se reflètent avec grâce dans ces bulles en suspens. Le travail sur les ombres et la lumière est sublime et Bubble est comme enveloppé d’un halo poétique soyeux, calme et chaleureux. Certaines scènes purement contemplatives nous subjuguent par leur beauté et ce silence qui n’est brisé que par le chant des oiseaux. L’apesanteur de la ville étant altérée, cela offre également des plans étranges et surnaturels où il n’est pas rare de voir un train flotter dans les airs.

Bubble

Enfin, le scénario s’articule autour de courses de parkour et on y sent alors l’expérience acquise par Tetsuro Araki  grâce à son travail sur L’Attaque des Titans. Difficile en effet de ne pas faire le parallèle entre les combats de la série phénomène et les courses de Bubble. Ces dernières sont chorégraphiées au rythme de la musique et nous offrent frissons de vertige et rushs d’adrénaline. La réalisation de ces phases d’action est époustouflante et le mélange entre 2D et 3D fonctionne à merveille en en magnifiant le dynamisme. Nous vous déconseillons d’ailleurs de regarder le film sur un smartphone ou une tablette car vous pourriez perdre ici une grande partie de son intérêt.

Techniquement, vous l’aurez compris, le long-métrage se place vraiment dans le haut du panier de l’animation japonaise grâce au travail remarquable de WIT Studios. Hélas, on ne peut pas en dire autant de son histoire.

Un conte loin du compte

Vous vous apercevrez très rapidement -le personnage d’Uta y faisant de toute façon ouvertement référence- que l’histoire est une relecture de La Petite Sirène version Andersen. Nous nous retrouvons donc plongés dans une histoire d’amour contrariée qui ne laisse finalement pas grande surprise. C’est mignon, romantique, mais l’alchimie ne semble pas vraiment fonctionner. Dans le même style nous lui préférons par exemple Ride your Wave, lui aussi prenant l’eau comme thème principal mais hautement plus inventif.

Ce qui joue surtout en défaveur de Bubble, c’est cette présence presque incongrue des phases de courses. Il y a cette compétition qui donne certes des scènes incroyables mais qui n’amène pas grand-chose si ce n’est du spectaculaire gratuit. Il y a même des équipes rivales mais nous nous rendons vite compte qu’elles ne sont là que pour introduire plus que maladroitement des éléments sans lesquels l’intrigue serait encore plus bancale. Tout cela court-circuite finalement les vrais mystères que l’on aimerait comprendre : la présence de ces bulles et de ce dôme sur Tokyo. Le long-métrage a le celluloïd coincé entre deux chaises et ne parvient pas vraiment à fasciner par son histoire. Le mélange des styles est contreproductif et n’arrive pas à masquer un certain manque de personnalité.

En cela, le character design -pourtant confié à une sommité du genre- déçoit encore plus que l’histoire. Nous avons droit à tous les poncifs du genre, avec le gamin qui semble échappé de Digimon, le voyou avec un bandana, le gentil géant, la scientifique à lunettes…Tout cela sent un peu trop le réchauffé. Même le héros, avec son casque toujours collé sur les oreilles, nous rappelle celui de Nos Mots comme des bulles. Seule Uta s’en sort bien, avec son esprit espiègle, innocent et surprenant. Elle est craquante à souhait et c’est le seul personnage dont nous nous soucions finalement vraiment.

Bubble doit donc s’apprécier pour ce qu’il est : un film d’animation divertissant, esthétiquement sublime et à la réalisation souvent ébouriffante mais à l’histoire loin d’être captivante. Espérons que Tetsuro Araki trouvera pour son prochain projet un scénario à la hauteur de son talent de réalisateur.

Le film est disponible depuis le 28 avril sur Netflix.

Stéphane Hubert