Tout adolescent traverse dans sa vie une période de questionnement. « Qui suis-je exactement ? »… Voilà ce que se demande « Ito », l’héroïne nipponne qui donne son nom à ce film vibrant et attachant. Découverte.
Ito est un film japonais de Satoko Yokohama sorti en 2021 et adapté du roman Itomichi de Osamu Koshigaya. Si cette date vous semble déjà éloignée, c’est car il s’agit d’un petit trésor caché, passé sous les radars.
Nous y suivons Ito, une lycéenne qui vit avec son père et sa grand-mère dans la préfecture d’Aomori, au nord du Japon. La jeune fille, très introvertie, a peu d’amis. Elle n’a pas touché depuis longtemps à son shamisen, un instrument qui lui a été remis après la mort de sa mère, et qui se transmet de génération en génération.
Sur un coup de tête, elle postule pour un emploi à temps partiel dans un « maid cafe » et est embauchée. Sa quête d’identité peut alors commencer.
Ito sort de sa coquille
Quand on la découvre dans les premières minutes du film, on se dit que la vie de Ito semble assez paisible. À 16 ans, elle vit à Itayanagi, une petite ville de campagne du nord du Japon. Elle partage son quotidien entre le lycée et son foyer où elle vit avec son père et sa grand-mère maternelle. Mais très vite, le vrai visage de la jeune fille nous est dévoilé. Elle est ainsi très timide, a quelques problèmes d’élocutions et de sociabilité. Voilà qui parle à un certain nombre de jeunes Japonaises et Japonais d’aujourd’hui. Pas facile alors d’évoluer à un âge où l’on commence justement à réfléchir à qui nous sommes vraiment.
Mais la Japonaise a de la ressource et du courage, assez pour postuler dans un Maid-Café à Aomori, la grande ville de la région. Ito nous montre la force dont elle va devoir faire preuve pour sortir de sa zone de confort et se découvrir elle-même. Au contact de ses collègues de travail et de clients protecteurs, elle va petit à petit s’épanouir, jusqu’à redonner une place à une passion mise depuis longtemps de côté.
Le son de la transmission
Ito est en effet une très bonne joueuse de shamisen. Cet instrument est joué avec brio par les femmes de la famille. Il est surtout associé au seul souvenir que la jeune fille garde de sa mère, morte à 32 ans alors qu’elle n’était encore qu’une enfant. Une image s’est ainsi imprimée dans sa mémoire : sa mère assise sur la terrasse, jouant du shamisen alors que le vent balaie les rideaux d’une douce journée de printemps.
Ito est ainsi une histoire d’hérédité et, encore plus, de transmission. On connaît l’importance qu’elle a aux yeux des Japonais et le vecteur d’émotion et de lien social qu’elle représente. Même si la lycéenne se trouve ridicule quand elle en joue avec son visage crispé et ses jambes écartées, elle va petit à petit redonner de la place à ce shamisen qui la lie à sa mère et sa grand-mère.
Une étape essentielle à son évolution alors qu’elle cherche encore sa place dans le monde.
Faites-moi une place
Si Ito est en effet en pleine construction d’elle-même, encore faut-il qu’elle comprenne aussi quelle est sa place dans ce monde un peu abstrait qui l’entoure. Face à l’incompréhension de son père, elle se fend ainsi d’un « Papa, tu n’entends pas mon silence. » qui en dit beaucoup. Même si elle ne dit rien, elle ne veut pas que l’on oublie qu’elle est bien là.
Elle explique même sa position à sa seule amie de lycée, lui confiant « Plus tu parles, plus tu te sens seul. » Sa façon de communiquer et d’être va passer par d’autres moyens, à commencer par le son de son shamisen. Et sa tristesse intérieure de laisser le soin à d’autres sentiments de grandir dans le cœur de l’adolescente.
Ito est un très beau film joué avec justesse par une troupe d’acteurs talentueux, à commencer par Ren Komai. La comédienne incarne en effet le rôle-titre avec ce mélange d’étrangeté, de maladresse et de fougue fulgurante qui la rend aussi attachante. Un joli et tendre moment de cinéma qui a en plus la bonne idée de nous inviter à découvrir la région d’Aomori, un coin parfois oublié qui déborde pourtant d’une beauté simple et de Japonais au grand cœur.
Comme Bread of Happiness il y a quelques semaines, Ito est à retrouver en streaming gratuit sur le site du Japan Film Festival jusqu’au 31 juillet.
Stéphane Hubert