« Josée, le tigre et les poissons » , film d’animation diffusé en France au cinéma cet été, raconte une histoire pas comme les autres, abordant avec poésie et légèreté le sujet du handicap. Même si le long-métrage ne révolutionne pas le genre, sa fin vous fera inévitablement fondre en larmes… Découvrons ensemble ce petit chef d’œuvre d’animation.

Nouvelle épopée humaine dans le monde de l’animation japonaise, Josée, le tigre et les poissons est un film réalisé par Kôtarô Tamura dont c’est le premier long-métrage. Il n’en est pas moins un habitué de l’animation puisqu’il a travaillé comme storyboarder sur de très nombreuses séries animées, que ce soit Sword Art Online ou Full Metal Alchemist Brotherhood pour les plus connues. Il occupait également cette place sur les longs-métrages My Hero Academia : Two Heroes et Pokémon le film : Je te choisis ! Enfin, et c’est important de le signaler, il était assistant réalisateur sur l’incroyable Les Enfants loups, Amé et Yuki de Mamoru Hosada en 2012. A seulement 41 ans, Tamura ferait presque déjà figure de vétéran.

Vu les qualités de son Josée, le tigre et les poissons, l’avenir s’annonce prometteur pour le jeune Japonais !

Au-delà de la normalité

Tsuneo est un étudiant en océanographie qui travaille d’arrache-pied dans un centre de plongée pour pouvoir se payer ensuite des études au Mexique. Alors qu’il rentre chez lui, il sauve Kumiko, une jeune handicapée, d’un accident alors que sa chaise roulante dévale une rue d’Osaka. Il découvre que cette fille préfère qu’on l’appelle Josée, comme l’héroïne de romans de Françoise Sagan tels Dans un mois, dans un an ou Les Merveilleux nuages.

De fil en aiguille, alors que la grand-mère surprotectrice de Josée découvre que Tsuneo a besoin d’argent, elle l’embauche pour devenir l’aide à domicile de sa petite-fille.

Cette dernière voit d’un mauvais œil la présence de ce jeune garçon pourtant tout ce qu’il y a de plus serviable. Dure, dirigiste et un peu perverse, elle le traite comme son serviteur. Pourtant, elle apprend petit à petit à lire entre les lignes et voit en lui une porte de sortie vers un monde extérieur qui l’attire et la terrifie tout autant.

Adaptation selon ses propres règles

Josée, le tigre et les poissons est l’adaptation du roman du même nom de de Tanabe Seiko publié en 1985.

Le livre a déjà eu droit à une première adaptation en prises de vue réelle il y a 10 ans. Autant prévenir ceux qui l’ont vue, ils auront un peu de mal à retrouver l’âpreté et la désolation du traitement de l’époque. Dans ce film, par exemple, Josée dort dans un placard, et non dans une grande chambre aux murs colorés.

Dans le long-métrage de Kôtarô Tamura, l’histoire est en effet traitée comme un animé romantique, et non comme un drame, même si la dernière partie s’y aventure. Elle constitue d’ailleurs la meilleure partie du film et c’est celle qui vous mettra les larmes aux yeux pendant de longues minutes.

Auparavant, quelques moments visuellement assez magiques troublent par leur beauté, que ce soit le rêve de Josée qui nage comme une sirène au milieu des poissons ou ce passage dans lequel Tsuneo lui offre justement une lampe en forme de poisson. Lampe dont l’éclairage donne un côté venu des songes à la chambre de Josée qui est aussi son monde. Hélas, ces passages oniriques sont bien trop rares et c’est fort dommage tellement ils viennent ajouter au récit une fantaisie bienvenue.

A côté de ça justement, on ne peut pas dire que le film se fasse remarquer par l’originalité de son histoire qui reste sans réel rebondissement jusqu’à la toute fin. On ne regrettera cependant pas d’avoir été patient.

Mais la fin justifie les moyens… (spoilers)

Ce dénouement y est en effet traité avec justesse et émotion. On ne s’en doutait pas, mais c’est pourtant ainsi que l’on voulait que l’histoire se termine. On se prend au jeu et on se laisse porter par l’évidence.

Ce fil blanc pourtant assez évident qui nous amène vers la résolution attendue, notre cœur fait comme s’il ne le voyait pas et se focalise à la place sur ce sentiment de plénitude qui rôde enfin autour de Josée et Tsuneo alors que la vie ne les a jusque-là jamais épargnés. En soi, quand Josée retombe dans les bras de Tsuneo dans une scène qui fait écho à la première du film, on oublie toute envie de critiquer et on savoure ce joli moment romantique.

Ils se sont cherchés, trouvés, éloignés, perdus et les obstacles qu’ils ont rencontrés les ont finalement rapprochés et ont conforté leur amour naissant. Car ce que Josée appelle au départ de la serviabilité (elle appelle Tsuneo son « serviteur ») n’est autre que de l’amour pour celui qui lui ouvre les portes d’un ailleurs que la « prisonnière » ne pensait inaccessible.

Elle avait peur des tigres, au sens propre, mais aussi au figuré, ceux-ci désignant les autres êtres humains qui, dans les espaces urbaines, ne font pas attention à elle, ne l’aident pas, la bousculent et lui font peur. Josée, le tigre et les poissons n’oublie pas de montrer les difficultés que peuvent vivre au quotidien les personnes souffrantes d’un handicap se retrouvant dans un monde qui ne veut pas toujours s’adapter à eux. Comme Josée le dit avec justesse à Tsuneo : « Une personne valide ne peut pas comprendre. »

Sa rencontre avec Tsuneo et Mai, la bibliothécaire, va en cela lui faire dissiper sa défiance envers l’inconnu qui l’entoure. Les barrières se lèvent et Josée prend alors confiance en elle, se découvrant une vocation d’illustratrice et de conteuse d’histoires. Si cette destinée un peu convenue pour une personne évoluant au pays du Soleil Levant pourra en faire sourire certains, elle justifie une très belle scène à la fin du film dans laquelle Josée lit à des enfants un conte la mettant en scène avec Tsuneo sous la métaphore d’une sirène et de son sauveur ailé.

Au-delà de son manque flagrant d’originalité dans la construction de son récit, on s’aperçoit lors du générique du fin que l’on s’est attaché à tous les personnages et que l’on est soulagé de les savoir enfin heureux. Rien que pour cela, on peut dire que Josée, le tigre et les poissons est un film réussi et qu’il nous a offert un moment fort agréable, même si loin d’être mémorable.

Je pense néanmoins que ceux qui n’ont pas vu le film de 2011, et n’ont donc pas ces points de comparaison qui peuvent parasiter la manière d’appréhender cette version de 2021, l’apprécieront beaucoup plus pour ce qu’il est : un bon animé romantique.

Stéphane Hubert


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