Véritable OVNI dans le paysage du cinéma japonais et même mondial, « Junk Head » est le résultat d’un projet pharaonique issu du génie d’un réalisateur Japonais : Takahide Hori. Critique enjouée d’une œuvre hors du commun à découvrir absolument.

Junk Head est un film déjanté réalisé par Takahide Hori. Il se déroule dans un futur lointain où, à force de manipulations génétiques, l’humanité a réussi à atteindre une sorte d’immortalité. Cependant, elle a perdu la fonction de reproduction et court à l’extinction. Afin d’enquêter sur les secrets de la procréation, un homme est envoyé au plus profond de la terre, là où vivent des clones mutants prêts à se rebeller contre leurs créateurs.

Junk Head : de Hori en Héros

Il aura mis du temps à arriver sur nos écrans mais Junk Head a enfin eu les honneurs d’une sortie en France en 2022 ! Il a pourtant fait ses premiers pas en 2017 et quels premiers pas ! Le long-métrage est reparti avec une valise de récompenses prestigieuses à travers le globe dont le prix Satoshi Kon du meilleur long-métrage d’animation au FanTasia de Montréal et celui du meilleur réalisateur au Fantastic Fest d’Austin.

Il faut dire qu’il a tout pour impressionner le chaland, que ce soit dans sa réalisation ou sa production. Ce qu’il faut en effet bien comprendre, c’est que Takahide Hori l’a commencé tout seul avec sa seule créativité, ses petites mains, ses créations et sa caméra personnelle ! Et pourtant, le résultat est grandiose.

Utilisant la technique du stop-motion image par image, il aura fallu plus de 7 ans au Japonais pour aller au bout de son défi fou. Oui, il recevra un peu d’aide extérieure au bout de 4 ans mais il en signe tout de même ici le scénario, la musique, les décors, la photographie, le montage et la mise en scène, bien entendu. Et comme l’artiste est ambitieux quant au rendu final et pas avare de ses efforts, il a souhaité filmer à 24 images par secondes au lieu des 12 habituelles dans l’animation de ce genre. Résultat : plus de 140 000 prises de vues pour les 101 minutes que dure Junk Head ! Un tour de force dont on se demande comment il en est sorti vivant.

Et à l’écran, ça donne quoi ? Disons que c’est tout bonnement incroyable que ce soit dans les mouvements des personnages fluides ou les petits détails par milliers sur chaque plan. Une vraie claque à rendre jalouses certaines productions à gros budget qui font pourtant travailler des dizaines de personnes !

Ce making-of d’un seul plan nous donne en images une petite idée de l’étendue pharaonique du projet.

Beau, oui, mais pas que !

Junk Head ne pourrait être qu’une brillante coquille vide mais il n’en est fort heureusement rien. En plus de sa majesté plastique, son scénario est bien écrit et assez malin. L’histoire est très humaine et on sent que le thème de l’acceptation de la différence est très central pour Hori qui en saupoudre son script avec beaucoup de finesse.

L’apparition du personnage au capuchon rouge est une vraie bouffée d’émotion tellement nous en ressentons la souffrance intérieure. Sa relation avec Junk Head est très belle et la complicité dans la mélancolie de ces deux êtres qui ne sont pas à leur place touche au cœur. Dans ces moments-là, le film nous dévoile tout à coup une face plus sensible de son auteur. Il y défend le droit à la singularité de ceux qui se retrouvent mis de côté par la société à cause d’elle.

Néanmoins, au-delà de ces moments un peu sombres, le long-métrage est parsemé de grands éclats de rire.

Un sourire, s’il vous plaît !

Oui, Junk Head est en effet incroyablement drôle et son absurdité vous fera souvent rigoler comme des baleines. Hiro a un vrai sens du rythme comique et les quelques silences qui précèdent les chutes vous préparent toujours au pire. Il y a un véritable équilibre entre scènes comiques et moments plus dramatiques qui font que le film fonctionne sur tous les registres.

La galerie de personnages est aussi très vaste. Elle nous propose un vrai univers cohérent qui sait aussi rendre hommage à ses influences sans vraiment les copier. Un peu d’Alien par-ci, un visage à la I-Robot par-là… Tout n’est peut-être pas original à 100% et sa longueur le dessert à certains moments, mais au final, le charme du projet, sa singularité et sa beauté l’emportent sur les quelques défauts qu’on pourrait lui trouver.

On en veut d’ailleurs plus ! et on espère sincèrement que Takahide Hori aura la force de nous offrir une suite dans les années qui viennent. S’il se fait aider dès le départ, nous n’aurons peut-être pas à attendre 7 années de plus…

En attendant, Junk Head est disponible en France en Blu-ray et DVD depuis le 4 Octobre. Il est également à découvrir en streaming sur OCS jusqu’au 15 décembre.

Un de nos coups de cœur de l’année avec Belle.

Stéphane Hubert