Quand on parle de geishas, on croise encore trop souvent des personnes persuadées qu’elles sont des prostituées de luxe, ce qui est faux de nos jours. On rencontre tout autant d’amoureux du Japon qui savent que les geishas sont des artistes, ce qui est vrai mais pas seulement… Il s’ensuit généralement une discussion houleuse. Dans un cas comme dans l’autre, la confusion est compréhensible, l’histoire des geishas étant complexe et souvent ambiguë. Essayer d’avoir une réponse complète nous oblige à nous pencher plus en détail sur leurs origines historiques et voir comment elles sont devenues l’incarnation de la beauté traditionnelle nippone que nous connaissons.

La naissance des geishas

L’histoire des geishas réserve son lot de surprises et de chocs, le premier est sans doute de réaliser que les premières geishas étaient… des hommes. Au XVIIème siècle, le geisha est un artiste masculin qui travaille dans les maisons de plaisirs de Yoshiwara, le quartier réservé d’Edo (anciennement Tokyo). Son rôle était de divertir les clients en attendant l’arrivée des courtisanes. Ce n’est que plus tard que ces danseurs et amuseurs furent remplacés par des femmes. Le terme geisha (« personne de l’art ») ne précise d’ailleurs pas le sexe de l’artiste, c’est pour cette raison que dans les premiers temps on précisait onna geisha (« femme geisha ») quand il s’agissait d’une femme. Et à l’inverse, quand les femmes devinrent majoritaires à la fin du XVIIIème siècle, ce sont les hommes qui prirent le nom d’otoko geisha (« homme geisha »). La norme l’emporte.

La fonction de geisha consistait alors uniquement en la maîtrise de la danse, des arts et du shamisen (luth japonais à trois cordes). Vendre son corps lui était strictement interdit. Son rôle était séparé de celui de la courtisane à qui elle ne devait pas faire concurrence. D’ailleurs, le gouvernement distincte officiellement les deux métiers en 1779. 

Défilé d’une courtisane dans le quartier réservé de Yoshiwara par Hiroshige en 1856. Source : ukiyo-e.org

La confusion avec les anciennes courtisanes de haut rang comme les Tayû ou les Oiran est compréhensible aux yeux des étrangers et des amateurs. Dans les deux cas on retrouve des coiffures complexes, les kimonos luxueux et le fameux maquillage blanc à base de plomb. Sur le plan physique la différence est assez simple finalement, la courtisane portait le nœud de l’obi (la ceinture du kimono) sur le devant et sa coiffure était ornée de nombreux ornements en écaille de tortue. La geisha porte le nœud de son obi dans le dos, sa coiffure est moins complexe, les motifs et couleurs de son kimono plus discrets et elle porte généralement son shamisen à la main. Il existait bien sûr d’autres différences mais elles étaient moins faciles à repérer. L’autre différence essentielle est que la courtisane vendait ses charmes (même s’il fallait y mettre les formes et le prix) tandis que la geisha vendait le service de ses arts (et éventuellement plus, mais elle tombait alors dans l’illégalité). Il existait des danseuses et des musiciennes avant l’époque Edo : au VIIIe siècle déjà, à la cour de l’empereur Kanmu, on trouvait des artistes femmes. Mais la geisha et son art sont étroitement liés à la culture urbaine d’Edo et ne se confondent pas.

Au XVIIIème siècle, les geishas sortirent des quartiers des plaisirs officiels et commencent à officier dans les ryôtei, des restaurants de luxe, lors de banquets et de repas commandés par de riches personnalités. Leur rôle est toujours de divertir par leurs chants et leurs danses mais aussi de servir le client et de garantir que tout se déroule dans une ambiance sereine. Les clients de ces restaurants étant des personnages instruits qui payaient des fortunes pour être divertis, les geishas se devaient de maîtriser la culture classique, la poésie, l’histoire, la littérature etc.

La geisha était une femme instruite, son succès dépendait de sa capacité à entretenir une conversation intéressante dans un groupe d’intellectuels. La plupart de ces geishas travaillaient dans les Hanamachi (littéralement « quartiers des fleurs ») d’Edo à Fukagawa et Yanagibashi. Elles avaient aussi un protecteur officiel, le danna, qui subvenait à leurs besoins tel un mécène. C’était le seul homme qui avait droit aux faveurs intimes de la geisha qu’il entretenait. Son choix pouvait revenir à la geisha mais il était le plus souvent imposée par la gérante (« okasan ») de l’établissement où elle vivait et avait été formée. Les geishas de quartiers moins prestigieux pouvaient aussi entretenir discrètement des relations intimes avec certains de leurs clients pour augmenter leurs revenus. Mais de manière générale, les geishas disposaient d’une autonomie et une liberté de choix que n’avaient pas les courtisanes.

Portrait de geisha par Utamaro Kitagawa, grand amoureux des beautés d’Edo. Source : ukiyo-e.org

C’est durant le XVIIIème siècle que les geishas devinrent les championnes de la culture urbaine de l’époque Edo à la place des grandes courtisanes perçues comme démodées et trop inaccessibles aux yeux des amateurs de plaisir. Elles prirent alors l’apparence que nous connaissons avec leurs kimonos furisode (à longues manches), leurs coiffures et leurs codes de couleur. On les retrouve ainsi représentées par les grands maîtres de l’estampe comme Utamaro. Elles incarnaient une élégance subtile basée sur la suggestion et un jeu de séduction codifié. Par exemple, les coiffures complexes des geishas pouvaient laisser échapper une mèche folle qui évoquait des activités plus échevelées. Le col tombant à l’arrière de leurs kimonos, dénudant la nuque, suggérait le moment où elles quittaient leurs vêtements, car pour les Japonais, la nuque est une zone sexuellement attirante. Autant de détails qui provoquaient la fascination du spectateur.

La geisha se devait de faire preuve de vivacité d’esprit, d’éducation et de détachement envers l’amour. Ce détachement naissait de l’acceptation de la brièveté des sentiments, de la mélancolie des amours passés et de la résignation sur leur sort. La plupart avaient d’ailleurs des histoires personnelles tristes, ayant souvent été achetées enfant à des familles pauvres pour être formées dans une maison de geishas, l’okiya, à laquelle elles devaient rembourser une dette (leur achat, la nourriture, les vêtements, leur formation…). Il leur fallait dissimuler la souffrance sous un masque de frivolité, avoir eu le cœur poli et endurci par la dureté de leur vie pour la supporter et en tirer le meilleur parti.

Une scène du quartier de Fukagawa par Utamaro Kitagawa. Source : bijutsuecho.com

L’idée de l’amour (toujours perdu et recommencé) et des relations sexuelles était centrale dans l’art et l’esthétique des geishas. La cérémonie qui faisait passer la maiko (l’apprentie) au rang de geisha n’était autre que sa perte de virginité, vendue aux enchères au plus offrant. Cette cérémonie, le mizuage, était un grand évènement mais indiquait moins un statut de prostituée qu’un rite de passage qui contribuait à donner à la nouvelle geisha l’état d’adulte. La prostitution n’était cependant pas exclue, il n’était pas rare que les geishas entretiennent des relations tarifées avec des clients. Il n’y avait pas de code professionnel régentant les conduites des geishas, il existait donc des artistes pratiquant une prostitution occasionnelle, cela devait cependant rester discret car la prostitution était interdite par la loi en dehors des quartiers officiels. Il existait aussi un bon nombre de femmes se proclamant geishas mais sans toutes les compétences artistiques et pour qui la prostitution était la principale source de revenus, on parlait de machi geisha, geisha des rues. Le gouvernement du shogun faisait d’ailleurs la chasse à ces femmes, en 1843, 900 d’entre elles furent raflées à Edo et envoyées dans les quartiers réservés à la prostitution. Figure de l’élégance de l’époque Edo, les geishas n’allaient cependant pas tarder à devenir des gloires nationales durant l’époque Meiji.

L’apogée des geishas

L’univers des geishas se trouva fortement mêlé aux luttes politiques de la fin de l’époque Edo, ce qui, d’une certaine manière était logique, les maisons de thé étaient des lieux fermés qui pouvaient être loués pour des repas accompagnés par des geishas dont la règle d’or était de ne jamais révéler ce qui s’était dit lors de ces réunions. C’était l’endroit rêvé pour les samourais pour discuter politique loin des oreilles indiscrètes. A Kyôto, Gion était devenu le quartier des geikos (terme local pour geisha dans le Kansai) de nombreux partisans de la restauration impériale qui s’y rencontraient pour y échanger leurs plans et leurs idées. En parallèle, les partisans du shogun se retrouvaient dans les Hanamachi d’Edo.

Parmi les partisans du Sonnô Jôi (expulser les barbares, révérer l’empereur) de nombreux samourais avaient pour maîtresses des geikos. Kido Tadayoshi, l’un des pères du Japon de l’époque Meiji, resta connu pour sa relation avec la geiko Ikumatsu, qui le cacha de la milice du shogun en 1864 ; ils se marièrent après la restauration Meiji. Même après la chute du shogunat, les geishas conservèrent leurs opinions et les nouveaux maîtres du Japon ne furent jamais bien les bienvenus dans les maisons de thé d’Edo qui avaient soutenu le camp adverse. Une conséquence fut qu’un grand nombre des nouveaux hommes politiques du Japon moderne entretenaient des liens rapprochés avec le demi-monde des geishas et il n’était pas rare qu’ils entretiennent des concubines ayant un passé de geisha, comme le premier ministre Itô Hirobumi avec Kawakami Sadayakko. Ces anciennes geishas devenues concubines ou épouses légitimes devinrent des personnalités pouvant disposer d’une influence et faire les modes. La geisha de renom devint ainsi un personnage protégé qu’il fallait nettement différencier de la prostituée ou de la courtisane.

Kido Matsuko, ancienne geisha de Gion sous le nom de Ikumatsu. Source : Wikimedia Commons

A la fin de l’époque Meiji, la geisha devint un modèle de féminité et de délicatesse, une spécificité japonaise inimitable par l’étranger. Le Japon de cette époque adoptait le nationalisme à l’occidentale et cherchait à définir les caractères purement japonais. Les arts et l’esthétisme des geishas furent célébrés comme la quintessence de la beauté japonaise, de la femme japonaise dans ce qu’elle avait de plus pur, débarrassé de toute connotation sexuelle. L’image romantique de la geisha était d’autant plus utile qu’elle était connue en Europe où elle incarnait l’exotisme d’un Japon traditionnel à travers les estampes ou les récits de voyageurs.

La geisha devint non seulement protégée mais fut glorifiée au même titre que les cerisiers en fleurs. C’est d’ailleurs à cette époque que furent fondés la plupart des festivals de danses des geishas comme le célèbre Miyako Odori à Kyôto. Les geishas, elles-mêmes gagnées par le nationalisme, célébrèrent par leurs poèmes et leurs danses les soldats japonais et furent invitées aux célébrations des victoires comme en 1905, après la défaite de la Russie. En 1912, certaines furent même présentes lors de la cérémonie d’intronisation de l’empereur Taishô, célébrant l’évènement face aux portes du palais. Dans le même temps les geishas étaient omniprésentes dans les représentations, les romans et jusque dans les publicités.

Photo d’un groupe de jeunes maikos souriantes dans les années 1930. Comme à l’époque des estampes, les représentations de belles geishas étaient toujours très populaires. Source : flickr

Il persistait pourtant une grande différence entre l’image encensée de la geisha et ses réalités. Il existait bien sûr une catégorie de geishas célèbres vivant de leur art, une sorte d’aristocratie du métier, mais elle ne doit pas cacher que la plupart des geishas étaient loin de correspondre au modèle idéalisé. Officiellement les geishas étaient d’ailleurs toujours rangées au même rang que les prostituées, elles devaient disposer d’une licence de prostituée en plus de leur licence de geisha et elles étaient soumises aux mêmes contrôles médicaux. La nouvelle morale japonaise imitée de l’Europe les fit rentrer dans la catégorie des femmes de mauvaise vie, sauf pour celles qui étaient protégées. De nombreuses courtisanes et prostituées s’étaient d’ailleurs reconverties après la fin de l’époque Edo en se rebaptisant geishas. Certaines renonçaient totalement à la prostitution mais la plupart continuèrent à l’exercer discrètement par manque d’alternatives.

La pauvreté continuait à drainer son lot de filles des campagnes ou même de filles d’anciens samourais appauvris, vendues par leurs familles, emmenées vers les villes où elles étaient formées rapidement (ou pas du tout) avant de les qualifier de geishas et de les mettre au travail. À l’époque, il n’existait pas de contrôle ou de diplôme pour vérifier les compétences artistiques et les mœurs. Une période chaotique qui va donner naissance à d’autres types de geisha. On les baptisa de noms divers comme makura geisha (geisha d’oreiller) ou encore les onsen geisha qui divertissaient (et généralement plus) les hôtes dans les petits villages d’onsens à la campagne. Elles étaient forcément moins sophistiquées que leurs sœurs des villes et ne bénéficiaient pas de l’aura de la geisha modèle. Dans ce contexte, le nombre de geishas explosa, passant de 25 000 en 1895 à plus de 80 000 en 1905, la plupart d’entre elles recourant à la prostitution de manière plus ou moins discrète.

Dans les années 1920-1930, cette situation empira alors même que des geishas étaient expédiées sur le continent pour « servir » les officiers de l’armée impériale. Il faut dire que la clientèle aussi avait changé, beaucoup de Japonais de l’époque ne comprenaient plus grand-chose aux codes et à la subtilité de leur élégance sophistiquée (ce qu’on nommait l’Iki), ou ne s’en souciaient guère, préférant des spectacles plus crus et méprisant celles qui étaient désormais considérées comme des femmes perdues. Il existait un idéal de la geisha célébré qui correspondait parfois à la réalité mais dans la majorité des cas la geisha réelle était devenue une femme réprouvée, rarement à la hauteur de son image, déclassée. Cette période trouble pour les geishas est pourtant assez peu connue des occidentaux.

Les publicités mettant en avant les geishas étaient souvent liées aux alcools et à la musique, rappelant la fonction d’accompagnatrices des geishas. Ici une publicité pour la bière de marque Kirin, en 1915. Source : Pinterest

Les geishas au musée

Cette période trouble s’acheva en même temps que la Seconde Guerre Mondiale. La défaite du Japon impérial et l’occupation américaine avaient entraîné la fin d’une idéologie nationaliste dont les symboles furent bannis par les vainqueurs. La geisha, symbole d’une prétendue supériorité féminine japonaise, fut considérée par l’occupant comme le reliquat d’une nostalgie subversive et cessa d’être mise en avant. Les liens entre le monde politique ou industriel influent et le demi-monde des geishas furent défaits et ces dernières ne retrouvèrent jamais leur influence culturelle (même si dans les années 70, le premier ministre Tanaka Kakuei fut contraint à la démission par des scandales dont l’un impliquait une geisha). La geisha devint le symbole du passé dont les traditions semblaient archaïques et dont la séduction n’était plus en phase avec les goûts de l’époque.

Geikos et maikos de Gion lors d’une représentation du Miyako Odori, le festival de danse annuel du hanamachi. Source : Miyakoodori.com

C’est aussi dans l’après-guerre que le lien entre geishas et prostitution fut finalement coupé définitivement pour revenir à une situation plus proche des origines du métier. En 1958, le Japon rendit illégale la prostitution et ferma ses quartiers des plaisirs, et les geishas redevinrent uniquement des artistes (voire éventuellement les maîtresses de leur danna). A partir de ce moment, être une geisha devint un choix professionnel de se spécialiser dans les arts traditionnels japonais et d’en vivre. Les traditions furent adaptées dans ce sens : si le rite de passage de la geisha, le mizuage, existe toujours il se limite généralement à une aînée reconnaissant que sa cadette a atteint le rang de geisha et peut changer son col rouge d’apprentie en col blanc d’artiste confirmée. Cependant, le cinéma américain continuera de donner une image biaisée des geisha où les fantasmes se mêlent à la réalité.

Les geishas travaillent désormais sous un statut indépendant en lien avec une okiya qui fait office d’agent, le système de la dette ayant été aboli. A Kyoto, ville restée au plus proche de la tradition, les apprenties, « maikos », vivent en internat dans l’okiya où elles sont formées à partir de 16-17 ans. Les jeunes filles ont l’obligation légale de terminer leur scolarité au collège avant de se dédier à l’apprentissage de ce métier. Le passage du statut de maiko à geiko se fait durant l’année des 20 ans de la maiko. Vingt ans étant l’âge de la majorité au Japon, il symbolise le passage de l’enfance à l’âge adulte, ce dernier amenant de plus grandes responsabilités au sein de la communauté et durant les banquets. Ce moment crucial, nommé « erikae » (« le retournement du col ») a lieu avec l’approbation des aînées et professeurs qui jugent si la maiko a acquis suffisamment d’expérience et de capacités artistiques pour devenir professionnelle.

Affiches de cinéma américain en 1972. Le cinéma a largement influencé l’image occidentale de la Geisha.

Les geishas sont indépendantes, souvent réunies en associations professionnelles, mais sont parfois soutenues financièrement par un danna. La moralité des geishas étant un sujet avec un lourd passif historique, les apprenties résident en internat dans leur okiya où aucun homme n’a le droit d’entrer, hormis l’habilleur qui les aide à revêtir leur tenue pour les soirées. Le choix de leurs relations amoureuses est entièrement personnel, une femme mariée peut d’ailleurs continuer à exercer selon les circonstances (c’est par exemple chose possible à Tokyo mais pas à Kyoto). Progressivement le métier s’est codifié de manière de plus en plus disciplinée, recentré sur la pratique d’un répertoire fixe focalisé sur la pratique du shamisen (et d’autres instruments comme la flûte et le tambour), de la danse ainsi que d’autres arts comme la cérémonie du thé, la calligraphie, l’ikebana…

Les geishas actuelles sont devenues un élément du patrimoine culturel japonais. Elles sont généralement associées à la ville de Kyôto comme ornement de l’ancienne capitale, alors qu’elles sont apparues et prospérèrent à Edo/Tôkyô. Kyôto compte cinq quartiers dictincts (Gion Higashi, Gion Kobu, Miyagawachô, Pontochô et Kamishichiken) mais il existe des geishas en petit nombre dans d’autres villes du Japon comme à Kanazawa. On recense actuellement environ 2 000 geishas en activité dans tout le Japon. La patrimonialisation des geishas amenant un renouveau dans le recrutement, on compte aujourd’hui 71 maikos à Kyôto seulement alors que le chiffre était tombé à 25 à la fin des années 60.

Les geishas sont cependant redevenues à la mode au le Japon des années 2000 avec pour effet l’afflux des foules de touristes, notamment étrangers, à Gion qui perturbent l’activité des dernières geishas. Cela a aussi entraîné un glissement de l’attention se focalisant sur les apprenties, les maikos, plutôt que sur leurs aînées. Présentées comme ambassadrices de Kyôto et du Japon dans le monde, elles sont en quelque sorte dépossédées de la profondeur de leur métier au profit d’une simple image commerciale. C’est principalement dû au jeune âge de ces dernières mais aussi à leurs kimonos plus colorés et leurs coiffures traditionnelles plus ornées que celles des geishas. La geisha artiste, entrée au musée, reste cependant un objet de l’érotisme attirant les étrangers par son exotisme et les Japonais par l’aura de pureté. Une pureté de la tradition mais aussi pureté physique qui reste un attrait pour beaucoup d’hommes japonais.

Une maiko traquée par les touristes dans les rues de Gion. Source : The Japan Times

Les geishas actuelles sont devenues des pièces de musée vivantes, conservatrices des arts traditionnels mais qui ne sont plus forcément en accord avec l’esprit de l’Iki animant leurs aînées des siècles passés. Une autre cause est le manque d’intérêt de la plupart de leurs clients pour les arts traditionnels, une absence de connaissances les empêchant d’apprécier tout l’art des geishas à leur juste valeur. Rares sont les banquets où l’esprit d’autrefois est encore présent. Mais les geishas n’en restent pas moins merveilleuses.

Romain Albaret

Pour aller plus loin :

-Ma vie de geisha de Mineko Iwasaki et Rande Brown, 2003. (Mineko Iwasaki fut la maiko puis geiko la plus célèbre de sa génération dans les années 1970).

-Geisha : une tradition vivante de Kyoko Aihara, 2001.

-L’esprit de plaisir de Pierre-François Souyri et Philippe Pons, 2020. 


Pour un média libre et indépendant sur le Japon, soutenez Poulpy 🐙 sur Tipeee !