L’art du bonsaï fut importé de Chine au Japon à l’ère Heian (794-1185) où cette manière de restreindre et façonner la croissance d’un arbre se transformera sous l’influence du bouddhisme zen en véritable pratique spirituelle et art de vivre jusqu’à nos jours. Après s’être développé initialement dans les classes dirigeantes éprises de raffinement, il s’étendra à toutes les couches de la société au XIXème siècle. De nos jours, l’art du bonsaï est l’un des plus connus de la culture traditionnelle japonaise. Parmi les maîtres de cet art botanique rigoureux, Masahiko Kimura s’impose comme l’un des plus talentueux de sa génération et dont le style bouscule la tradition.
À ses débuts, Masahiko Kimura fut perçu par ses pairs comme un original dont les créations s’éloignaient des règles traditionnelles de l’art du bonsaï. Des règles qui fixent rigoureusement les tailles et les formes que peut prendre un bonsaï et que Masahiko Kimura décida de ne pas suivre pour exprimer sa propre sensibilité et son rapport à ces arbres miniaturisés. C’est en bousculant les règles qu’il deviendra à son tour un maître en la matière.
Né en 1940, le destin de Masahiko Kimura semble tracé dès sa naissance car il voit le jour et grandit à Omiya, un arrondissement de la ville de Saitama célèbre pour ses pépinières à bonsaïs. Suivant le souhait de sa mère, à l’âge de 15 ans et pendant 11 ans jusqu’en 1966, il se forme à l’art du bonsaï auprès du maître Motosuke Hamano qui a fondé le jardin de bonsaïs « Toju-en ». Par la suite, il n’hésitera pas à transgresser la tradition pour se créer un style propre. Et le mot « transgresser » n’est pas peu fort au Japon. Par exemple, il fera partie des premiers à façonner la forme de bonsaïs en un seul jour grâce à l’utilisation notamment d’une petite scie électrique, un outil jugé peu conforme aux pratiques traditionnelles, rythmées par les saisons.
En définitive, ses bonsaïs se caractérisent par une apparence plus élaborée que celle que l’on trouve dans la Nature et que l’art du bonsaï est censé reproduire. Mais ces prises de risques et de libertés paient, la majorité de ses bonsaïs recevant aujourd’hui encore des prix pour leur beauté. Ainsi, après avoir été décrié à ses débuts pour son non-respect des conventions, Masahiko Kimura est finalement reconnu à son tour comme un maître du bonsaï contemporain.
Parmi les bonsaïs qu’il crée avec passion, Masahiko Kimura aime particulièrement mêler du bois mort artistiquement sculpté avec le bois vivant de l’arbre même, créant des variations de teintes subtiles. Sa réalisation la plus célèbre représente une forêt de cyprès « hanoki » et de genévriers « shimpaku » d’Itoigawa en pente grâce au maintien de deux ardoises (voir ci-dessous). Cette pièce impressionnante, Masahiko Kimura l’a longtemps conservée et choyée avant de la vendre fin 2018 pour 15 800 dollars. Il en avait toutefois réalisé d’autres entre temps sur ce même modèle qui ont pu à leur tour être acquises par des amoureux des bonsaïs et de ce style singulier.
Ces derniers ne sont pas sans connaître le jardin du maître à Omiya qui attire connaisseurs et experts réputés. Nombre des bonsaïs qui y sont présentés – une bonne centaine – ont vu leur photo publiée dans des magazines reconnus ou sur internet, signe de l’immense popularité de leur créateur. Masahiko Kimura a une préférence marquée pour les genévriers « shimpaku » qui représentent la majorité de ses bonsaïs primés. Dans ce jardin merveilleux, on peut voir aussi beaucoup de pins, son autre espèce favorite. En revanche peu de bonsaïs à feuille caduques.
Le jardin de bonsaïs de M. Kimura en vidéo :
Les amateurs de bonsaïs de passage à Tokyo pourront faire l’aller-retour dans la journée à Saitama pour visiter le jardin de Maître Kimura à l’adresse suivante.
S. Barret
Pour un média libre et indépendant sur le Japon, soutenez Poulpy sur Tipeee !