Vous ne le savez peut-être pas mais Poulpy raffole de deux choses : le cinéma… et la littérature horrifique ! Mixez ces intérêts avec la culture japonaise et vous voilà avec une pléthore de sujets intéressants si pas effrayants. C’est notamment vrai dans le monde du cinéma japonais largement influencé par les monstres et yokaï hérités des temps anciens. Entre deux takoyakis, Poulpy s’est prêté au jeu en commençant par un top thriller/horreur très personnel. Voici notre top 10 des films d’épouvante japonais (un seul par réalisateur). 行くぜ !

N°10 : Ju-on : The Grudge (Takashi Shimizu, 2002)

Rika, assistante sociale, rend visite à une vieille dame. Arrivée au domicile, elle va trouver madame Tokunaga dans sa chambre, les yeux dans le vide… Pendant le ménage, elle entend des bruits étranges qui proviennent d’un placard à l’étage. En ouvrant celui-ci, elle tombe nez à nez avec un chat noir et un petit garçon nu. Avant de partir, elle voit une ombre se pencher au-dessus de la vieille dame… l’ombre se retourne et fixe Rika.

Difficile de résumer Ju-On : The Grudge. Ce film, issu d’une longue série qui à la base était destinée au marché vidéo, est le premier à sortir au cinéma. Takashi Shimizu (Tomie, Re-birth, Marebito), son réalisateur, décide de découper son film en petites parties horrifiques avec une enquête policière comme fil conducteur. La malédiction se propage au fur et à mesure des segments. Là où c’est intéressant, surtout les deux premiers opus cinéma, c’est que Ju-On représente un vrai condensé frontal d’histoires de fantômes, avec son lot de bruits bizarres et d’images qui marquent la rétine. Finalement c’est un peu une compilation de cauchemars japonais : Femme aux cheveux longs, enfants à la voix de chat, spectres, tout y est ! Par contre vous pouvez facilement vous arrêter à sa (très bonne) suite. Les films d’après sont construits comme des remakes commerciaux des premiers films (en moins effrayants). On notera qu’au Japon, le film fut produit à une période de l’histoire japonaise moderne où on constatait une explosion des violences domestiques, notamment sur les enfants. Les étrangers l’ignorent, mais Ju-On exprime indirectement les conséquences fatales de ces violences domestiques dans l’imaginaire japonais.

N°9 : Confessions (Tetsuya Nakashima, 2010)

L’institutrice Yuko Moriguchi n’arrive pas à retrouver goût à la vie depuis la mort de sa petite fille, noyée dans la piscine de l’école dans laquelle elle enseigne. La police conclura hâtivement à un simple accident… Mais Yuko suspecte deux élèves de sa classe…

Tetsuya Nakashima (Kamikaze Girls, Memories of Matsuko) met de côté son univers bariolé et éclatant en adaptant l’incroyable roman de Minato Kanae. Durant la première demi-heure, le réalisateur réussit à nous plonger dans un univers hyper sombre et malaisant où l’angoisse va venir s’installer partout où elle peut s’infiltrer. L’ambiance clair-obscur du film, ses nombreuses utilisations du ralenti et la réalisation ajoutent un cachet presque surréaliste au film. D’ailleurs, il n’est clairement pas à mettre devant les yeux des plus sensibles psychologiquement. Le film ira même plus loin en nous questionnant sur les conséquences de l’éducation. Film hyper stylisé, il réussit avec brio à nous emporter dans l’angoisse jusqu’à cette fameuse confession.

N°8 : Tetsuo (Shinya Tsukamoto, 1989)

Un homme s’entaille la cuisse et y enfonce un morceau de métal. Constatant des vers dans la blessure, il s’enfuit et se fait percuter par une voiture. Le conducteur se débarrasse du corps et prend la fuite. Le lendemain, il constate que son corps commence à changer et qu’un morceau de métal a « poussé » sur sa joue.

Dans la continuité de ses œuvres en 8mm, le célèbre réalisateur Shinya Tsukamoto (A snake of June, Nightmare Detective) va imposer sa vision du body horror avec Tetsuo. Si vous n’avez pas vu le film, c’est un peu le mélange entre Evil Dead de Sam Raimi et le cinéma viscéral de Cronenberg. Tsukamoto, qui a mis presque deux ans à réaliser son film, expérimente à chaque plan avec une énergie rare au cinéma. La caméra est folle, la musique de Chu Ishikawa (qui a notamment collaboré avec Takashi Miike) est industrielle et colle à la perfection à l’ambiance du film. En gros, Tetsuo c’est une gifle de 67 minutes qui transpire l’amour du cinéma par tous les tuyaux.

N°7 : Battle Royale (Kinji Fukasaku, 2000)

Faut-il vraiment le présenter ? Extrait des règles de Battle Royale :

Dans un Japon où les adultes redoutent la désobéissance et la violence des adolescents, le gouvernement vote la loi « Battle Royale » pour calmer tout ça. Le but ? Une classe de terminale est tirée au sort pendant leur voyage de fin d’année. Ils sont envoyés sur une île inhabitée et vont devoir s’entre-tuer jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un survivant. De quoi inspirer la peur chez les jeunes et rétablir l’ordre dans l’archipel.

Qui mieux que Kinji Fukasaku (la série Combat sans code d’honneur, Le cimetière de la morale) pouvait mettre en image le roman de Koshun Takami ? Célèbre réalisateur à l’origine du renouveau du Yakuza Eiga (film de Yakuza) dans les années 70, son approche brute et violente transformera à jamais le cinéma de genre. En 2000, il signe son dernier film avec Battle Royale (il mourra pendant le tournage de sa suite qui sera terminée par son fils Kenta).

Ce film au casting parfait des jeunes stars de l’époque en proie à un professeur fou (Magnifique Takeshi Kitano), va révolutionner le cinéma (et le jeu vidéo) et l’influencer profondément. L’élaboration du constat entre l’innocence de la jeunesse et la violence crue à laquelle elle doit se livrer a marqué les esprits jusqu’à devenir une référence outre atlantique. En effet, Tarantino n’hésite pas en parler comme un de ses films favoris !

N°6 : Kwaidan (Masaki Kobayashi, 1964)

Un samouraï est hanté par le souvenir de son ex-femme. Deux bûcherons face à une femme au souffle glacial. Un aveugle, vivant chez les moines, part toutes les nuits pour suivre un étrange guerrier. Un écrivain retranscrit l’histoire d’un samouraï qui voit flotter le visage d’un jeune homme dans son thé.

Film à sketch réalisé par le grand Masaki Kobayashi (Hara-kiri, la condition de l’homme), cette œuvre maîtresse dans le cinéma fantastique japonais va imposer sa vision du film de fantôme sur toute une génération. Chaque plan est un tableau, tantôt poétique, tantôt fantastique. Le travail esthétique sur ce film le propulse directement au statut de chef-d’œuvre. Outre son visuel, Kobayashi explore les méandres de la nature humaine mais aussi sa beauté contemplative. Pas forcément le film le plus effrayant de ce top, mais un incontournable pour ceux qui aiment le cinéma japonais, tous genres confondus.

N°5 : Freeze Me (Takashi Ishii, 2000)

Un soir, la jeune Chihiro Yamazaki se fait violer chez elle par Noboru, son ami d’enfance et ses deux copains. Traumatisée, elle quitte Tokyo pour refaire sa vie ailleurs. Cinq ans plus tard, Noboru la retrouve et décide de continuer ses agressions sexuelles. Chihiro arrive à se débarrasser de ce dernier… Mais les deux autres ne vont pas tarder à arriver !

Le choc sera brutal et le film n’est clairement pas à mettre devant tous les yeux. Freeze Me est un film assez méconnu, réalisé par Takashi Ishii. A l’origine de nombreux Pinku Eiga (films érotiques) et du très sympa Gonin (premier film où Kitano apparaît après son accident), le réalisateur signe ici un pure Rape and revenge. Le film est glaçant dans beaucoup d’aspects. D’abord graphique mais surtout psychologique. Harumi Inoue, l’actrice de Chihiro, nous met face à toutes les atrocités que subit son personnage grâce à une interprétation incroyable et un jusqu’au boutisme brutal. Un film qui marque assurément. Dans le monde réel, malheureusement, la majorité des victimes de viols au Japon n’ont jamais justice, d’où, peut-être, cette échappatoire culturelle d’une extrême violence qui exprime pourtant si peu la douleur ressentie par les victimes.

N°4 : Suicide Club (Sion Sono, 2001)

Autant aller dans le vif du sujet… Voici l’intro choc de Suicide Club. Gloups !

https://www.youtube.com/watch?v=CHk-CbpT8dw

Une fin de soirée tout ce qu’il y a de plus normale dans la fameuse gare de Shinjuku. Soudain, l’un des quais se remplit de 54 lycéennes qui finiront par sauter à l’unisson sous un train. La police qui enquête sur l’affaire va découvrir l’existence d’un site internet appelé « Suicide Club » qui semble comptabiliser la vague de suicides inexpliqués que connaît le Japon. De plus, les enquêteurs mettent la main sur un rouleau composé de morceaux de peau humaine cousus les uns aux autres…

Contrairement à ce qu’on pouvait croire, Suicide Club n’est pas adapté du manga Suicide Circle de Furuya Usamaru, mais bien d’un livre écrit par le réalisateur lui-même, alors en pleine déprime, expatrié à San Francisco. C’est à son retour au Japon que la production Omega Project (Ring), surfant sur la vague du J-horror et de sa popularité, laissera Sono Sion adapter son livre avec un budget (un peu) plus conséquent que ses précédents films. Le réalisateur porte alors un regard sur la société japonaise très noir et traumatisant.

Montrant les travers de sa société de consommation, de l’exploitation de la jeunesse, il nous parle du futur de son pays avec une vision très sombre. Sono Sion ne recule devant rien et fait passer son film dans tout un tas de genres différents. Il se permettra des passages de comédies, d’horreur pure qui frôle avec le grand guignol, mais nous retournera le cerveau sur les sujets abordés et leurs finalités. Un film à voir et revoir assurément afin d’y comprendre toutes ses nuances (rouge sang). Je vous conseille aussi vivement Noriko’s Diner Table, fausse suite à Suicide Club, qui aborde d’autres sujets tout aussi passionnants.

N°3 : Kairo (Kiyoshi Kurosawa, 2000)

Taguchi, un jeune informaticien, est retrouvé pendu dans son appartement. Ses collègues cherchent à en savoir plus sur son suicide inexplicable. Ils découvrent qu’il a laissé un mystérieux message sur une disquette. Celle-ci contamine ses utilisateurs comme un virus.

Surfant sur la vague des films horrifiques que connaît le pays suite au succès de Ring, de nombreux films tentent tant bien que mal à se faire un nom et une réputation. Kiyoshi Kurosawa, qui n’en est pas à son premier film (le magnifique Cure, c’est lui !), va proposer sa version des choses. On y retrouve tous les « trucs » de l’époque : le virus, les coups de téléphones, les fantômes… Sauf que ce n’est pas ce qui intéresse le réalisateur. Grâce à son matériau de base et à son jeune casting, Kurosawa va nous parler de la jeunesse tokyoïte, en perte constante de repères, se laissant contaminer par l’autre monde.

L’intrusion du monde des morts dans le réel se fera lentement mais sera impossible à stopper. Kairo est d’une très grande beauté esthétique et rares sont les réalisateurs à savoir composer l’image comme Kiyoshi Kurosawa. Le film est lourd, lent et glaçant dans la représentation du monde et de son évanouissement. Une très grande œuvre qui donnera naissance à un remake tout simplement honteux (comme de trop nombreux films d’ailleurs).

N°2 : Audition (Takashi Miike, 1999)

Shigeharu Aoyama est veuf et vit seul avec son fils. Producteur de films, il accepte, sur les conseils d’un ami, d’organiser une fausse audition pour trouver une nouvelle épouse. Il va tomber littéralement sous le charme de la jeune Asami qui va l’entraîner dans une véritable descente aux enfer psychologique… et physique !

Il n’y a pas un genre que Miike n’a pas abordé. Véritable bourreau de travail (plus de 100 films à son actif depuis 1991), habitué pendant de nombreuses années aux Yakuza Eiga un peu fauchés, c’est avec Audition qu’il va réellement faire parler de lui en-dehors du Japon tellement le film est un choc. C’est sa femme qui lui glisse l’idée que les films montrent tout le temps des hommes persécuter des femmes. Miike décide alors d’adapter l’œuvre de Ryu Murakami (à ne pas confondre avec Haruki) de créer le film d’horreur par excellence. Ses deux acteurs principaux contribuent considérablement au succès du film tellement leur interprétation est juste. Le rêve va faire basculer le personnage principal (et nous) dans un cauchemar dont on ne ressortira pas indemne. Audition nous mettra devant des scènes maintenant devenues cultes (comme celle du téléphone qui sonne avec ce gros sac par terre) et contribuera à réellement lancer la carrière de Takashi Miike qui continuera, lui, à aborder tous les genres possibles et imaginables au cinéma comme en vidéo. Kili kili kili !

N°1 : Ring (Hideo Nakata, 1998)

Trailer de folie de l’époque avec du Juno Reactor à la bande son :

Tomoko et Masami, deux jeunes lycéennes, s’amusent dans leur chambre en se racontant des histoires. Comme celle de la cassette vidéo qui, une fois visionnée, leur annonce leur mort dans 7 jours. Reiko Asakawa, une jeune journaliste, va enquêter sur la mort de sa cousine Tomoko (l’une des deux lycéennes) morte dans des conditions plus qu’étranges et va découvrir peu à peu le secret de cette fameuse vidéo maléfique.

Le voilà celui grâce auquel le monde entier a découvert le cinéma d’horreur japonais. On ne compte plus le nombre de films s’étant inspirés de Ring, que ce soit de sa scène d’ouverture, de Sadako, le fantôme aux cheveux longs, ou de la scène de la télé. Chef d’œuvre de la littérature (si si), Ring est avant tout une série en 5 volumes écrite par le romancier Koji Suzuki. Le film sort au départ comme un double programme avec Rasen (réalisé par Joji iida et adapté de la suite du romain de Suzuki). Mais le succès est pour Ring qui malgré un petit budget, va réussir à créer un univers qui hantera les Japonais et le reste du monde pendant de nombreuses années. Que dire de plus : c’est un indispensable du cinéma japonais… Et puis il y a San Ku Kai qui joue dans le film et ça… ça n’a pas de prix ! Alors sortez votre bon vieux magnétoscope et préparez-vous à voir l’un des meilleurs films de fantômes jamais créé. Play.

PS : Rassurez-vous, à la suite de cet article, Poulpy a bien fait une copie VHS du film à son ami Fugu Chan qui s’est empressé de le visionner… le pauvre…

BONUS : Cold Fish (Sion Sono, 2010)

Malaisant, choquant, perturbant. Les mots manquent pour décrire Cold Fish. Malheureusement, ce film est inspiré d’une histoire vraie. Une couple de psychopathes, propriétaires d’un magasin de poissons domestiques, empoisonnent certains de leurs clients, les découpent en petits morceaux et balancent les restes dans la rivière pour nourrir les poissons. L’effroi vient du contraste radical entre la façade reluisante et la richesse des protagonistes – qui réalisent le rêve économique japonais – face à leur cruauté soudaine et sans limite. Viol, hurlements, démembrement en famille dans une atmosphère des plus sérieuses, ce film n’est vraiment pas à mettre dans toutes les mains. Pourtant, il est également une satire saisissante de la société japonaise, des rapports intrafamiliaux complexes et des relations de soumissions complexes entre employés et patrons qui, en dépit de leur folie, inspirent le respect par leur statut social.


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