Les traditions japonaises n’ont pas toujours la chance de traverser les frontières et de se dévoiler au public occidental… Sauf exception, la plupart des fables et des contes restent inconnus des étrangers. Grâce à « L’Enfant du mois de Kamiari » le monde de l’animation nous invite à prendre part à une belle aventure animée qui vous fera voyager dans l’archipel à travers ses croyances et son folklore si coloré.
L’Enfant du mois de Kamiari est un long-métrage écrit et réalisé par Toshinari Shinohe dont ce sont les débuts au cinéma. A la direction de l’animation, il est épaulé par Takana Shirai qui a déjà tenu ce poste sur des succès comme Les Enfants de la mer, Le Conte de la princesse Kaguya ou Les Enfants loups, Ame et Yuki.
Nous y suivons Kanna, une jeune fille qui vient de rentrer en sixième et qui vit seule avec son père après la mort il y a un an de sa mère Yayoi. Toujours inconsolable de cette perte, elle découvre que sa génitrice n’était pas une personne comme les autres. Elle était en effet Idaten-shin, une coureuse particulièrement rapide elle même descendante d’une divinité de la course. Sa mission ? Récupérer les dons de nourritures à travers le Japon pour les amener aux dieux qui se retrouvent chaque année au sanctuaire d’Izumo.
La petite Japonaise doit malgré elle prendre sa succession… C’est à son tour de parcourir l’archipel au pas de course pour nourrir les dieux. Pour réussir sa périlleuse mission, elle est accompagnée par Shirousagi, un lapin blanc, et Yasha, un démon rancunier. La collégienne profite également des pouvoirs du bracelet de sa mère qui lui permet de ralentir le temps. Elle se lance alors à corps et cœur perdus dans ce périple insensé, motivée par la promesse de pouvoir revoir Yayoi une fois arrivée sur le lieu du culte.
L’Enfant de Kamiari : dans la tradition divine
L’Enfant du mois de Kamiari prend ses racines dans une tradition nippone quasi inconnue des occidentaux : Kannazuki, le mois sans dieux, nom traditionnel du mois d’octobre. Une exception toutefois à noter pour la région de la ville d’Izumo qui l’appelle plutôt Kamiarizuki, le mois où les dieux se rassemblent. Les divinités en villégiature se retrouvent en effet, selon la légende, pour festoyer au grand sanctuaire d’Izumo Taisha. Pendant ce temps, ils sont donc absents du reste du Japon. Le rôle de l’Idaten est de réunir les dons de l’automne qui poussent dans chaque région afin de cuisiner le chisô (repas) des dieux à la fin de l’année.
Son voyage lui fera rencontrer de nombreuses créatures fantastiques, que ce soit des dragons, des serpents (symbole important au Japon!) ou autres grues magnifiques. Là où le film ravira les amoureux du Japon, c’est que le parcours entre Tokyo et Izumo qu’entreprend Kanna s’inspire de la réalité géographique de l’archipel ! On peut donc facilement s’y retrouver avec un peu de culture générale.
Plus vrai que nature
Chaque lieu visité par la jeune courageuse existe en effet sur le territoire nippon et nous avons droit à un véritable voyage touristique à travers l’archipel. Les Temples sont bien sûr à la fête. Ceux de Tokyo, comme Ushijima, Ko, Suga ou Atago, sont à l’honneur, tout comme le Suwa-taisha de la préfecture de Nagano, un des plus vieux du Japon, construit il y a plus de 1200 ans autour du lac du même nom. D’autres lieux naturels, comme la plage Inasa no Hama dans la préfecture de Shimane, nous offrent la beauté de leur paysages. Il faut l’avouer, la finesse des dessins, calqués sur des photographies de la réalité, laisse sans voix le spectateur.
Amoureux de son pays, l’équipe du film a fait, pendant la production, plusieurs allers-retours entre Tokyo et Izumo pour rendre le voyage de Kanna le plus fidèle possible à la réalité. Alors que les frontières du pays sont toujours fermées au tourisme, L’Enfant du mois de Kamiari nous emporte alors avec lui sur ses routes et comble presque un vide dans nos cœurs éloignés depuis trop longtemps des panoramas japonais.
On a même envie de noter sur un carnet son fabuleux parcours et de le faire à notre tour pour honorer la retraite des dieux. Cette racine folklorique pousse vraiment le long-métrage vers le haut, rappelant l’importance et la force des traditions au pays du soleil levant. Les esprits sont partout et, comme le rappelle Shirosagi, « donnent des avantages à ce pays » ! C’est cette honnêteté et l’énergie déployée à rendre hommage au mythe de Kannazuki qui le sauvent finalement d’une certaine platitude.
Histoire de dire
Il faut avouer que L’Enfant de Kamiari ne brille pas par sa technique avec ses (trop) nombreux plans fixes qui détonnent un peu à l’heure où des productions comme Nos Mots comme des bulles, Belle ou 7 jours ont mis la barre bien plus haute. Il y a toutefois quelques belles scènes parsemées par-ci, par-là (la rencontre avec le dragon, l’arrivée au Temple Izumo…). L’astuce d’intégrer à l’intrigue ce bracelet qui ralentit le temps permet également au réalisateur de s’amuser avec le principe dans sa mise en scène.
Le principal reproche que l’on peut faire au long-métrage, c’est de ne pas prendre de risques dans la construction du personnage de Kanna. Pourtant, le potentiel était là. Un peu lisse, elle est une héroïne courageuse et pleine de culpabilité de plus à rajouter à la liste déjà bien longue de celles que l’on trouve dans les animés japonais. Il lui manque un peu de personnalité pour jouer, par exemple, dans la cour d’une Chihiro. Le film, bien qu’un peu sage, n’en reste pas moins très agréable à suivre. On en sort avec l’envies de (re) visiter le Japon de fond en comble. Le film est finalement un peu une version survitaminée d’une publicité de l’office japonais du tourisme. Son amour pour son pays transpire par tous les pores de ses dessins et c’est déjà un bel exploit en-soi. Alors n’hésitez pas à le voir, surtout si vous n’avez pas la chance de pouvoir voyager chez nous en ce moment… D’ici là, promis, Poulpy continue de vous faire rêver.
L’Enfant du mois de Kamiari est à retrouver sur Netflix depuis le 8 février.