Motoi Yamamoto est un maître dans l’art de manier le sel. Il n’est pourtant pas cuisinier, mais bel et bien, un artiste. Pas courant me direz-vous ! Cet homme a ainsi choisi de créer son univers uniquement à partir de ce condiment blanc afin de renforcer le symbolisme de ses œuvres. Découverte.
Pour certains artistes, la peinture est un outil suffisant pour exprimer leur art. D’autres cherchent à pousser le symbolisme plus loin en utilisant des matériaux très particuliers. C’est le cas de Motoi Yamamoto, artiste japonais quinquagénaire. Il se considère lui-même comme « artiste d’installation de sel ». Il rend hommage à cet élément en lui accordant un monopole, celui de son unique outil de création.
Il est assez incroyable de constater la diversité des œuvres qu’il produit : cela part d’installations en deux dimensions jusqu’à d’immenses murs et couloirs, en passant par des sculptures d’une précision étonnante. Les plus impressionnantes restent sans doute ses immenses labyrinthes de l’impossible qu’il produit à même le sol. Ces œuvres représentent des dizaines, voire des centaines d’heures de travail à dessiner des formes concrètes ou totalement abstraites selon son inspiration.
En utilisant le sel, Motoi Yamamoto nous fait voyager dans un univers de fragilité. Cette impression de vulnérabilité est déconcertante : il semble qu’un éternuement, un geste trop brusque ou même une petite bourrasque puisse tout détruire en une fraction de seconde. C’est particulièrement avec cet aspect éphémère, tout comme l’est la vie, que Motoi Yamamoto cherche à jouer.
« Dessiner un labyrinthe avec du sel est comme suivre les traces de ma mémoire. Les souvenirs semblent se transformer et se dissiper alors que le temps s’écoule. Cependant, ce que je cherche est de capturer un moment gelé dans le temps qui ne peut être exprimé à travers des images ou l’écriture. Ce que je cherche à la fin de l’acte de dessiner pourrait-être le sentiment d’effleurer un souvenir précieux. » – Motoï Yamamoto
Un de ses derniers projets en date se trouve être «Retourned to sea». Il consiste en des œuvres très éphémères qui, comme le nom de l’exposition l’indique, vont retourner la mer. Quand le public disposait de salles immenses pour participer au projet en créant à même le sol, Motoi Yamamoto faisait de même au deuxième étage d’une maison traditionnelle japonaise. Pour se faire, il a recouvert le sol de spirales de sel, voulant symboliser la renaissance et l’éternité. En effet, le but est, non pas de simplement détruire les œuvres à la fin de l’exposition, mais de rendre au sel son habitat naturel et originel dans l’ordre des choses, à savoir la mer.
Motoi Yamamoto soutient cet acte lors de cérémonies publiques en affirmant que le sel « va se dissoudre dans l’eau de la mer et va supporter la vie de diverses créatures ». Mais avant tout, il invite les badauds à détruire ses œuvres à l’issue d’une exposition. Il est inspiré par l’idée que le spectateur pourra, par le fait du hasard, possiblement manger ce qui a servi à son œuvre dans un futur plus ou moins proche, rendant cette exposition tout aussi riche de sens.
En plus de la fragilité symbolique qu’apporte le sel à ses œuvres, Motoi Yamamoto utilise cet outil, car il représente bien plus qu’un ingrédient culinaire dans la culture japonaise. En effet, dans la religion Shinto, le sel symbolise avant tout la purification. Il joue notamment un rôle fondamental dans les rites mortuaires. Grâce à ses nombreuses expositions qui se tiennent dans le monde entier, Motoi Yamamoto rend hommage à cette partie peu connue de la culture nippone. Il est en ce moment possible de voir le fruit de son travail à Aigues-Mortes en France, ou à Shiga et Kagawa au Japon.
– S.Grouard & Mr Japanization
Sources : www.spoon-tamago.com / Motoi Yamamoto / Photographies @ Motoi Yamamoto