Il domine le Japon du haut de ses 3776 mètres et en est le plus haut sommet. Il s’agit, vous l’aurez deviné, du Mont Fuji, « Fuji-san » comme les Japonais le nomment (et non Fuji-yama). L’emblème du Japon, ce volcan actif qui menace de se réveiller d’un jour à l’autre, attire chaque année entre juin et septembre 300 000 personnes en moyenne qui se lancent à l’assaut de ses flancs, prêts à braver les difficultés de la montée, le froid, le manque d’oxygène, le mal des montagnes pour en atteindre son sommet. Mais dans quel but ? Et d’où vient cet amour national pour cette montagne ?

Rien qu’en observant sa silhouette majestueuse, d’une forme régulière aux proportions harmonieuses coiffée d’un manteau de neige, on comprend pourquoi le Mont Fuji fascine les Japonais depuis des siècles. Il trône seul, au milieu du paysage, et s’observe de très loin, même depuis Tokyo, quand par chance des nuages ne le dissimulent pas.

Le Mont Fuji a inspiré les artistes parmi les plus célèbres : Hokusai lui a consacré deux séries d’estampes, la première entre 1831 et 1833 intitulée « Trente-six vues du Mont Fuji » puis une seconde en 1835 « les Cent vues du Mont Fuji » et Hiroshige qui lui a dédié une série d’estampes également nommée « Trente-six vues du Mont Fuji ». Merveille de la nature, l’Unesco l’a inscrit au Patrimoine Mondial le 22 juin 2013 sous l’appellation « Fujisan, lieu sacré et source d’inspiration artistique ».

Mt.Fuji & Cherry FlowerCar, sacré, le Mont Fuji l’est depuis longtemps dans le cœur des japonais. Avec les monts Tate et Haku, ils constituent les trois montagnes les plus sacrées du Japon. À l’époque où il était encore un volcan actif, il était vénéré par les Aïnous, ce peuple aborigène présent sur l’archipel 1000 ans avant l’arrivée des peuples Wa, les ancêtres des Japonais. Il leur rappelait leur dieu du Feu, Fuchi, dont la déformation du nom a donné celui de la montagne. Cette relation d’amour palpé de méfiance remonte donc à très loin, ensemençant la culture et l’imaginaire collectif nippon.

Le mont Fuji est également révéré par les deux principales religions du Japon : le shintoïsme et le bouddhisme. Le shintoïsme, religion animiste propre au Japon, s’appuie sur le caractère sacré de la Nature, n’importe quel lieu pouvant abriter un esprit kami. D’après le shinto, le kami qui habite le Mont Fuji se nomme Sengen-sama ou Konohanasakuya-hime. C’est une divinité associée à la floraison des arbres et qui empêcherait le volcan d’entrer en éruption. Gravir le Mont Fuji est, pour eux, un moyen d’honorer la divinité et de lui demander de garder le volcan endormi. Pour les Bouddhistes, l’ascension est un rituel de purification et se veut aussi une métaphore du chemin vers l’éveil.

Encore 526 mètres avant l’arrivée. Source : Flickr

La toute première ascension (connue) du Mont Fuji a d’ailleurs été effectuée par un moine bouddhiste, En no Gyôja, en 663. Par la suite, le fait de gravir ce mont sacré a gardé une forte connotation spirituelle et religieuse ce qui a longtemps rendu son accès interdit aux femmes, considérées comme impures à cause de leurs menstruations par le bouddhisme comme le shintoïsme. Une femme, déguisée en homme, avait néanmoins bravé l’interdit et effectué l’ascension en 1832 avec l’approbation du maitre de la secte adoratrice du Mont Fuji à laquelle elle appartenait.

Puis, à partir de 1860, l’interdiction s’est assouplie et elle a été levée définitivement en 1872 après que la femme d’un diplomate britannique ait gravi le Mont Fuji cinq ans plus tôt, sans provoquer de protestation de la part des Japonais. Depuis, le Mont Fuji est devenu un lieu touristique prisé des Japonais comme des étrangers. Hommes, femmes, enfants, vieillards se côtoient sur la route du sommet. L’attrait pour Fujisan est tel que les chemins peuvent parfois même être assez encombrés. Beaucoup de Japonais veulent le gravir une fois dans leur vie et beaucoup le font. D’ailleurs, un proverbe japonais ne dit-il pas : « l’homme qui mont le Fuji une fois est un sage, celui qui le fait deux fois est un fou » ?

L’ascension de nuit permet d’arriver juste pour contempler le lever du soleil au petit matin. Photo :
Kazuhiro Kimura

Quand on interroge les gens sur les raisons qui les poussent à gravir le Mont Fuji les réponses sont variées. Telle personne a voulu surmonter sa peur des hauteurs. Une autre désirait savoir si le régime de remise en forme auquel elle s’était soumise avait été efficace. D’autres y voient simplement l’occasion d’une belle randonnée. Enfin, c’est surtout un acte de dépassement de soi. Pour d’autres enfin, le passage au Mont Fuji est devenu une obligation touristique comme une autre. Qui sait, peut-être certains Japonais viennent-ils pour mériter pleinement leur nationalité, comme le rapporte Amélie Nothomb (avec caution) dans son ouvrage « Ni d’Eve ni d’Adam » : « La tradition affirme que tout japonais doit avoir gravi le Mont Fuji au moins une fois dans sa vie, faute de quoi il ne mérite pas si prestigieuse nationalité. » En pratique, nombre de japonais partagent une vraie passion de l’alpinisme et aiment à gravir les nombreux monts qui ne manquent pas dans l’archipel.

Gravir le Mont Fuji, c’est finalement un peu de tout ça : effectuer un pèlerinage spirituel, une démarche dont on se sentait incapable, réussir un pari que l’on s’est lancé à soi-même. Et quel plus bel écrin pour accomplir nos quêtes que la plus glorieuse montagne du Japon ?

Mt.FujiInformations générales

Comment s’y rendre :

-> Par bus : Keio Express Bus propose un allez simple à partir de la gare de Shinjuku (2h30 de route / 20 euros).

-> Par train : Depuis Tokyo, prendre la ligne JR Tokaido, passer Odawara, jusqu’à Kozu et changer pour la ligne JR Gotemba. Une fois à Gotemba, un bus vous emmène aux pieds des voies d’ascension (plus d’infos).

Quand : La saison officielle est de Juillet à Aout. En dehors, la pratique devient dangereuse et réservée aux professionnels. Il est possible de le faire en une seule journée en partant très tôt. Généralement, compter deux jours avec un repos en ryokan pour pouvoir observer le levé du soleil.

Prix : Tous frais confondus (transports, nourriture, matériel, logement,..), comptez entre 100 et 300 euros. Pour les petits budgets, certains opérateurs organisent des « trip-packs » collectifs à partir de 50 euros.

S. Barret


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Sources : blog.gaijinpot.com / gaijinjapan.org / geo.fr / japantimes.co.jp

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