Drôle, réussi et plein de sens, « 7 jours » de Yuta Murano arrive sur les écrans de cinéma français avec sa fantaisie, son ton délirant et son message humaniste. Les lycéens japonais ont leur mot à dire et ne se laisseront pas intimider par les adultes dont ils n’ont qu’une peur : leur ressembler plus tard ! Découverte.
7 jours est un film réalisé par Yuta Murano (Kakushigoto). Il s’agit d’une adaptation du roman Bokura no nananokakan sensô (Notre guerre de 7 jours), paru en 1985 sous la plume d’Osamu Sôda. Il fait partie d’une saga littéraire de 40 livres parmi les plus lus des enfants japonais.
On y suit Mamoru, un adolescent japonais solitaire et un peu en marge des codes de ses camarades du même âge que lui. Quand les autres jouent au basket, lui lit des ouvrages sur la guerre franco-prussienne et a collé un blason de Sébastien le Preste de Vauban, le grand bâtisseur français de forteresses, sur sa gomme. Autant dire que les personnes qui s’intéressent à sa passion pour l’histoire ont plus 60 ans que 16. L’adolescent a donc l’étrange sentiment que personne ne s’intéresse à lui.
Il est néanmoins très amoureux d’Aya, sa voisine, également dans sa classe. Quand il apprend qu’elle va déménager au premier jour de l’été, c’est un choc. De son côté, la jeune femme, fille d’un membre du congrès, n’a aucune envie de partir vivre à Tokyo et quitter la si belle île d’Hokkaidō. Elle souhaite au moins fêter son anniversaire dans cette ville dans laquelle elle a tant de souvenirs d’enfance. Mamoru lui propose alors une idée qu’elle accepte avec joie : une semaine de fugue pour le fêter dans la joie et l‘insouciance de l’adolescence.
Ils embarquent avec eux Kaori, la meilleure amie d’Aya, Ogata, le sportif de la classe et dont Mamoru est un peu jaloux, Saki, la fashion victim et Hiro, un autre garçon qui ne pense qu’à lire et étudier. La joyeuse bande se refugie dans l’usine de charbon désaffectée de Satomi mais leur séjour qui s’annonçait des plus festif et insouciant prend dès le premier jour une tournure des plus sombres.
Attention, le reste de l’article contient des spoilers sur l’intrigue du film.
Le Terril Jeune
7 Jours commence comme une fugue de 6 adolescents bien motivés à l’idée de passer du bon temps ensemble avant qu’Aya ne quitte la ville pour suivre son père à Tokyo. Pourtant, le groupe découvre rapidement qu’il y a un invité surprise dans l’usine. Malet, jeune Thaïlandais en séjour illégal dans l’archipel, s’y est réfugié alors qu’il tentait d’échapper aux agents des services d’immigration. Séparé de sa famille, il attend patiemment de recevoir un signe de leur part pour les retrouver.
Le long-métrage se teinte dès lors d’une pointe de message politique sur la situation des réfugiés sur l’archipel – rarement médiatisée – et sur la façon dont le gouvernement traite leur situation.
Quand la police découvre la cachette du jeune enfant, elle lance une opération pour l’en déloger. C’est sans compter sur Mamoru et sa troupe qui trouvent ici une cause humanitaire qu’ils vont défendre au sens propre comme au figuré. L’usine est en état de siège et le lycéen va faire parler ses connaissances sur l’art de la guerre pour repousser les assauts des forces armées.
Cette guerre, ce n’est ni plus ni moins que celle des enfants contre les adultes. Aux yeux des ados, les plus âgés représentent ceux qui ont perdu leurs illusions et sont devenus soit des menteurs, soit des robots sans âme asservis à la solde de ceux qui possèdent le pouvoir.
Hideo, le père d’Aya partage justement sa vision de ce que doit être un adulte japonais : quelqu’un qui ne fait pas de faute et qui obéit à ses supérieurs. Cet homme politique représente cette figure patriarcale toute puissante, un peu caricaturale et pourtant si proche de la réalité japonaise. Il n’est qu’ordre, irrespect, égoïsme et malhonnêteté et surtout prêt à tout pour arriver à ses fins. Tous les défauts que les jeunes ont peur d’acquérir en grandissant.
La vérité cachée dans l’innocence ?
Quand arrive le moment de défendre leur « Forteresse » à la manière de Gambetta, les jeunes s’aperçoivent que leurs différences ne les séparent pas mais sont complémentaires. Mamoru, en stratège malgré lui, se sert des outils modernes pour mener sa guerre. Les ados utilisent les réseaux sociaux pour parler de leur combat alors même que celui-ci bat son plein. Cela démontre bien que ces derniers constituent aujourd’hui une arme efficace contre les assaillants.
Sans violence, la grogne publique peut avoir encore plus d’impact qu’un char d’assaut. D’un autre côté, face à l’attention du public, impossible pour les assaillants d’être agressifs envers ce qui restent des ados fugueurs sans défense.
Le problème avec les réseaux sociaux, c’est qu’ils sont une arme à double tranchant qui peut protéger d’un côté et détruire de l’autre. Ils peuvent entraîner de lourds dégâts psychologiques quand ils se transforment en une colonne publique d’où naissent harcèlement et humiliations. Après que leurs noms aient été divulgués, le groupe de jeunes voit tous ses secrets divulgués sur la place publique. Sauf que ces vérités font énormément de mal à la confiance qu’ils avaient les uns pour les autres, dévoilant des côtés sombres qui pourraient gâcher leur amitié.
Pourtant, pour justement ne pas tomber dans ce piège des mensonges derrière lesquels se cachent trop souvent les adultes, Mamoru et ses amis décident de confier leurs plus grands secrets afin de jouir de l’amitié la plus pure possible. Une fois ce voile sombre dissipé, la troupe réussit à s’échapper dans une belle séquence à bord d’une montgolfière, à la manière de Gambetta fuyant Paris en 1870.
Et maintenant ?
7 jours est-il finalement un manifeste anti-adulte ? Non, et heureusement. Il montre d’abord qu’il n’y a pas d’âge pour se rebeller face à l’adversité. La grogne des jeunes inspire certains adultes à reprendre leurs vies en mains. Honda, le chauffeur d’Hideo, se rebelle contre lui et se fiche bien d’être viré en retour. « Je ne mentirai plus. », clame-t-il heureux d’être enfin débarrassé de ce travail qu’il faisait pour quelqu’un qu’il détestait.
Le père d’Aya est en cela le « méchant » du film, lui qui finit sous les jets de boues de travailleurs dont il avait mis la vie en jeu. Symbole ultime, il en perd sa perruque, là aussi subterfuge pour cacher sa calvitie et par la même occasion, le symbole de ce qu’il est vraiment.
Enfin, un deuxième espoir arrive à la fin du film avec le personnage d’Hitomi Nakayama, la femme qui aide Mamoru à réunir Malet et ses parents. Si ce nom risque de passer inaperçu à l’oreille des non-Japonais qui n’auront sans doute pas la référence, il est pourtant très important en lui-même dans la culture nippone.
Il faut en effet savoir que le roman dont est tiré 7 Jours, a déjà été adapté avec grand succès en long-métrage en 1988 avec Rie Miyazawa (que l’on a adorée dans « Her Love boils bathwater« ) dans le rôle principal d’une lycéenne se rebellant avec ses amis, et prénommée… Hitomi Nakayama.
L’actrice reprend ici son rôle dans un clin d’œil chargé de sens. Sur son siège de voiture, nous découvrons une photo d’elle et ses amis avec un tank. Un visuel culte du film des années 80. Son apparition est une bulle d’espoir pour la bande qui a ainsi la preuve que l’on peut grandir sans perdre ses idéaux et en restant fidèle à la vision de la vie que l’on avait plus jeune. Interviewé par nos confrères de 20 minutes, Yuta Murano s’est confié sur le message qu’il souhaite faire passer dans son long-métrage :
« Quand les jeunes font passer leurs convictions avant les injonctions de la société, cela met les adultes en colère, mais cela leur rappelle aussi tout ce qu’ils ont perdu d’idéalisme et d’espoir en vieillissant. J’aimerais que la fin du film fasse de nouveau vibrer cette note d’espoir. »
7 Jours est fidèle à son sujet et sa fantaisie jusqu’au bout. C’est pour cela qu’il ne s’embarrasse pas d’une fin qui nous montrerait les conséquences disciplinaires que cette aventure pourrait avoir sur les jeunes. Tout juste avons-nous droit à une gentille scène qui nous montre qu’Aya a repris le dessus dans sa relation avec son père. Les deux ont presque un rapport apaisé. La preuve, au « Ittekimasu (J’y vais) » de la jeune fille, son paternel lui répond « Itterasshai (Prends soin de toi) », comme dans n’importe quelle famille normale du pays.
Que s’est-il passé pour les autres quand ils ont retrouvé leurs parents ? On ne le saura pas et c’est tant mieux. On reste sur la pureté de ce moment magique de cohésion adolescente. Ces jeunes viennent de mener une dernière guerre contre le passage à cet âge adulte et ils ont gagné.
Ils ne sont pourtant pas dupes et savent qu’ils ne viennent que de repousser l’échéance. Forts de cette expérience, ils avancent avec sérénité et se préparent en avance à l’armistice.
7 jours est un joli film, surprenant sur de nombreux points de son intrigue qui vous donnera le sourire et vous fera couler quelques larmes. Réalisé avec sobriété, il offre de très jolis plans colorés et remplis de poésie.
Le film de Yuta Murano est projeté au cinéma en France depuis le 6 octobre.
Stéphane Hubert
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