Pas besoin d’être admiratif de la culture japonaise pour connaître le kimono, le vêtement traditionnel nippon le plus réputé. Par le passé, nous avons mentionné le kimono à plusieurs reprises dans nos articles. Mais parmi les fans du Japon, combien savent qu’il existe de nombreux types de kimono spécifiques répondant à des critères précis et destinés à être portés à des occasions spéciales de la vie des Japonaises ? Aujourd’hui, Poulpy vous apprend à reconnaître les différents kimonos !
De nos jours, les Japonaises ne portent plus le kimono que lors de rares occasions (mariage, jour de la majorité, cérémonie du thé, rarement en société). Au même titre que le salaryman japonais s’est adapté à la mode occidentale, à tort ou à raison, les femmes ont abandonné leur kimono au cours du siècle passé au profit du prêt à porter mondialisé. Les garde-robes des récentes générations se sont vidées de nombreux kimonos remplacées par des vêtements occidentaux au XXème siècle. Il est d’ailleurs courant de voir les kimonos familiaux s’accumuler dans un oshiire (placard mural traditionnel japonais à portes coulissantes) d’un quelconque grand parent jusqu’à son décès. Les marchés de seconde main regorgent de vieux kimonos à bas prix tellement le marché est inondé. Jusqu’à très récemment dans l’histoire, une femme disposait de multiples kimonos pour répondre à ses besoins quotidiens, dont le tissage et les motifs fins étaient accordés aux saisons.
Si le kimono conserve toujours la même coupe – il s’agit d’un vêtement à pans droits avec une perforation sous les bras que l’on croise pour le fermer – les différences principales entre les types de kimonos viennent principalement des couleurs, des motifs et de leur emplacement. Tentons de décrire ces kimonos en partant du plus formel au plus informel :
Le Kurotomesode
Il s’agit du kimono le plus formel qu’une femme mariée puisse porter, particulièrement lors du mariage de son enfant ou d’un proche. Il est caractérisé par sa couleur noire dominante et les cinq kamon (armoiries familiales) disposés derrière chaque manche, sous la nuque et sur la poitrine. Le motif court le long de l’ourlet du kimono, uniquement sous l’obi. Kimono hautement habillé, le motif teint peut être rehaussé de broderies, de fil ou de feuille d’or.
L’Irotomesode
L’irotomesode est similaire en tous points au kurotomesode hormis sa couleur de fond qui est tout sauf noire (kuro=noir, iro=couleur). Aussi, il peut ne comporter qu’un seul ou trois blasons. Un peu moins formel donc, il est porté par les parentes des mariées, dont les sœurs célibataires. Il convient aussi pour des soirées importantes.
Le Furisode
C’est le kimono le plus habillé de la jeune fille non-mariée ou mineure. Il se distingue par ses longues manches qui lui donnent son nom et pouvant atteindre plus d’un mètre. Mais aussi par ses motifs teints et brodés qui recouvrent l’ensemble du kimono dans des couleurs voyantes. Les jeunes Japonaises ont l’occasion de porter un furisode lors du Senjin no Hi, la jour de la Majorité qui a lieu le deuxième lundi de janvier. Alors en plein hiver, les jeunes filles ajoutent une écharpe de fourrure à leur tenue. Le furisode peut aussi se porter lors de mariages ou autrefois lors de soirées. On notera que la société japonaise a longtemps placé une grande importante dans la situation maritale des femmes. Le kimono avait aussi l’usage de rappeler cette position sociale.
Le Hômongi
Pour une occasion qui ne nécessite pas les très habillés kimonos décrits ci-dessus, une femme mariée ou célibataire portera un hômongi. Il est caractérisé par des motifs le long de l’ourlet qui remontent sur le haut du kimono et les manches formant un ensemble harmonieux ininterrompu par les coutures. On peut aussi voir une concentration des motifs sur le bas du kimono et les manches. Il peut arborer un à trois blasons ou en être totalement dépourvu. De nos jours, il se porte pour des visites, une cérémonie du thé importante ou lors du mariage d’un(e) ami(e).
Le Tsukesage
Il est très proche du hômongi avec qui on peut parfois le confondre mais il demeure légèrement moins formel. Il s’en différencie par des motifs plus sobres, concentrés sur le haut du corps et l’ourlet sans l’harmonie que l’on trouve sur le hômongi. Fait caractéristique, les motifs s’interrompent au niveau des coutures ce qui est plus simple à teindre. Une femme mariée ou célibataire le portera surtout pour une cérémonie du thé ou un évènement qui ne nécessite pas d’être très habillée.
A noter qu’il existe des kimonos hybrides hômongi-tsukesage mêlant motifs continus sur la traîne et interrompus à l’épaule.
Le Tsumugi
Avec le tsumugi on entre dans la catégorie des kimonos du quotidien. Il est réalisé avec des fils déjà teints avant d’être tissés contrairement aux kimonos décrits ci-dessus. La soie utilisée, de qualité moyenne invendable car présentant des imperfections lui donnant l’aspect du coton, permit aux classes moyennes de l’époque Edo (1603-1868) de contourner les lois somptuaires qui réservaient les kimonos en soie aux samouraïs et aux nobles. Certains tsumugi comme ceux d’Oshima sont aujourd’hui très recherchés…
L’Iromuji
L’iromuji est un kimono de couleur unie sans motif. Minimaliste, il peut arborer un, trois, ou cinq kamon et sera alors plus ou moins formel. Ce kimono sobre dont l’élégance est relevée par l’obi convient à une cérémonie du thé pour une femme mariée ou célibataire.
Le Komon
Un komon se reconnaît au motif qui est répété sur toute sa surface, teint à la main ou au pochoir. Dans le cas d’un très petit motif, on parlera d’Edo Komon. Il est destiné à être porté au quotidien par une femme mariée ou célibataire, mais avec un obi adapté à la situation. Il peut être mis pour aller simplement au restaurant ou pour d’autres sorties non formelles.
Le motif komon peut à l’occasion se combiner à un kimono de type tsukesage.
Le Yukata
Assurément le kimono le plus porté par les Japonais (hommes et femmes confondus), mais aussi les touristes, de nos jours. Contrairement aux précédents kimonos, le Yukata est en coton, facile d’entretien et à porter. Aussi, il nécessite moins d’accessoires pour être porté (pas de sous-kimono) on apprend rapidement à l’enfiler seul. Il est très apprécié lors des matsuri et quand on séjourne dans un onsen. Si on le trouve traditionnellement de couleurs bleue et blanche, il existe aujourd’hui une large gamme de couleurs et de motifs pour satisfaire tous les goûts. On en croisera très souvent sur Asakusa ou Kyoto portés par des touristes de passage. De nombreuses échoppes proposent une location à prix variables.
Les kimonos de mariage et de deuil…
Le Mofuku
Il s’agit du kimono porté pour des funérailles. Entièrement noir, orné de cinq blasons, ceint d’un obi noir également mais avec un sous-kimono blanc. Les tabis (chausettes) sont blanches avec des geta (sandales) noires. Étonnamment, le mofuku convient aussi lors d’une cérémonie de remise de nom d’un maître à son élève.
L’Uchikake
À l’origine il s’agissait d’un long manteau porté par les femmes de l’aristocratie entre le XIVème et XVème siècle. Puis il s’est épaissi pour devenir un vêtement d’hiver et au XVIIIème siècle on lui ajouta une traîne rembourrée. Il finit par devenir le manteau de la mariée. Taillé dans la soie la plus précieuse et richement brodé de motifs auspicieux (grues, tortues, fleurs de pruniers, bambous, pins), de nos jours la mariée le porte ouvert sur un kimono blanc ‘kakeshita’. Les couleurs de prédilection d’un uchikake sont surtout le rouge et le noir assorti d’or.
Le Shiromuku
Probablement notre préféré ! Ce terme désigne un autre ensemble de mariage entièrement blanc (‘shiro’) avec parfois une touche discrète de rouge : sous-kimono, kimono, manteau et accessoires. En complément, la mariée porte sur sa coiffure un large chapeau conique destiné à la protéger des « cornes de la jalousie » qui s’y cachent peut-être… Traditionnellement, celui-ci doit être entièrement blanc, mais depuis quelques années, il est de coutume de l’agrémenter d’une touche de rouge vif et d’or.
Le kimono, la mode et la modernité
Naturellement, la mode moderne s’est emparée du kimono pour tenter de redonner péniblement vie à un habit de moins en moins porté. Et pour cause, le monde du kimono est dans une course contre la montre pour éviter l’extinction. En cause notamment, un désintérêt de la population influencée par l’occident d’une part, mais aussi un problème d’héritage du savoir-faire de la fabrication traditionnelle des kimonos. Au même titre que le monde des geishas, celui-ci semble peu à peu s’éteindre dans l’indifférence générale.
Le raviver, c’est notamment le combat de Sayumi et son projet « Kimono Bijin« dont le but est de faire la promotion du kimono à travers le Japon, fut-il traditionnel ou plus moderne, à travers l’organisation d’évènement, de fashion show et sa médiatisation de manière jeune et dynamique. L’enjeu : réconcilier les jeunes avec leurs traditions. Une chose est certaine, le Japon a changé, et le kimono doit y retrouver sa place pour survivre, si possible ailleurs que dans un intitulé de sous-vêtement américain…
S. Barret
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