Même si leur nombre a beaucoup diminué au fil du 20ème siècle, il reste quelques milliers de geishas (femmes des arts) au Japon. La principale ville où les passants ont le plus de chance d’en apercevoir furtivement est sans aucun doute Kyoto, ville où l’enseignement pour devenir geiko (le nom donné aux geishas à Kyoto et dans le Kansai qui signifie « enfant des arts ») est resté au plus proche de la tradition. Mais une fois sur place, saurez-vous distinguer une geiko, d’une maiko (jeune fille apprentie geiko), d’une personne ordinaire ayant loué une tenue -plus ou moins soignée- pour la journée ? Poulpy vous donne les clés pour ne pas vous tromper ! 

L’apparence d’une maiko

La « maiko » (« jeune fille qui danse ») est une jeune fille âgée de 15 à 20 ans qui va faire son apprentissage (musique, chant, danse, cérémonie du thé, étiquette, amuser les clients) au sein d’une okiya dans un quartier nommé « hanamachi » (« quartier-fleur »). C’est une pension où elle vivra entourée d’autres apprenties et de geikos qu’elle appellera « sœurs » sous la houlette d’une patronne, la mère « okasan » , souvent une ancienne geiko qui la guideront tout au long de sa carrière.

La vie d’une maiko et même d’une geiko est rythmée par les cours dans la journée et les banquets en soirée où elle distrait ses clients. La tradition veut qu’une jeune fille soit maiko pendant 5 ans (elle doit avoir fini le collège pour intégrer ce monde et ne peut donc commencer avant l’âge de 15-16 ans) mais cette durée peut varier : si elle est devenue maiko à 18 ans, elle le restera pendant 2 voire 3 années seulement. À l’inverse, une jeune fille peut rester maiko pendant 6 années si son physique correspond aux canons de la beauté traditionnelle d’une maiko, qui est d’avoir un aspect innocent, enfantin.

La caractéristique la plus flagrante de son apparence est sa ceinture « obi » très longue (jusqu’à 8 mètres) nommé « darari obi » qui est nouée en deux longs pans tombant dans son dos. Seules les maikos portent leur obi ainsi. Elles ne peuvent pas le nouer elles-mêmes, un habilleur vient tous les jours pour les vêtir. À l’extrémité de l’obi se trouve une zone délimitée par des lignes, avec un symbole en son centre. Ce symbole représente le blason (« kamon » ) de son okiya, l’équivalent de nos armoiries.

Maiko senior Toshisumi. Source : Flickr

Le kimono est lui aussi plus long que les kimonos ordinaires pour former une traîne qui glisse élégamment au sol. Il est dénommé « hikizuri » ou « susohiki » (« kimono à traîne »). Les manches de l’hikizuri d’une maiko sont très longues, jusqu’à pratiquement toucher le sol. Dans le dos, la bordure du col d’une maiko s’orne d’un liseré rouge. Au centre de l’obi se trouve une broche, « l’obidome » , confectionnée avec des métaux et pierres précieuses qui vaut souvent plus à elle seule que le reste de la tenue.

Maiko senior Fukunae. Source : Flickr

Une maiko connait deux étapes majeures dans sa carrière. Pendant la première moitié de cette période elle est une « chiisai maiko » , c’est à dire une maiko junior. La première année, dite « han-nin-mae » elle ne maquille que sa lèvre inférieure sur son visage recouvert de « l’oshiroi » , le maquillage blanc qui laisse apparaître deux bandes de peau nue à la naissance de la nuque. Elle porte de voyantes épingles à cheveux florales en soie les « hanakanzashi » qui changent tous les mois, s’adaptant aux saisons (feuille d’érable pour novembre, fleur de cerisier pour avril, par exemple).

Celui porté juste au-dessus du visage s’appelle « daikan » et des pendants en soie y sont rajoutés pour les débutantes. Celui qui recouvre sa coiffure se nomme « katsuyama » et sur le coté apparait un « tama » , une épingle en métal avec une boule rouge (octobre-mai) ou verte (juin-septembre). Son col est brodé de motifs avec des fils blancs, rouges et parfois d’or et d’autres couleurs. Au dessus de l’obi, pour le maintenir en place, la maiko porte une ceinture de soie rouge frappée de motifs argentés, « l’obiage » .

Maiko junior Fukuno. Source : Flickr

Ci-dessous on comprend en voyant sa bouche maquillée que Fukutomo n’est plus une maiko « han-nin-mae » comme Fukuno ci-dessus, mais elle est encore junior. Cela se reconnait à son col rouge et blanc brodé et à son « katsuyama » qui couvre encore sa coiffure mais les pendants de débutante ont disparu du « daikan » . Sur cette photo on aperçoit un autre élément caractéristique des maikos, junior et senior, le « bira ôgi » , cette épingle en métal en forme d’éventail avec des pendeloques, surmontée d’un « maezashi » , une petite broche. L’obiage rouge prend toujours une place importante. Les kimonos des maikos, surtout juniors, ont des couleurs très vives et sont recouverts de larges motifs (inspirés de la saison en cours ou de l’enfance, comme des jouets). On comprend en l’observant l’infinie finesse et ce culte du détail qu’on associe aisément à la culture japonaise.

Maiko junior Fukutomo. Source : Flickr

Au bout de trois années environ, la maiko junior devient senior « ookii maiko » . Des différences apparaissent dans son apparence, elle n’est plus une jeune débutante mais pas encore une geiko aux talents confirmés, et sa tenue reflète cet état intermédiaire. Un peigne « kushi » remplacera à terme le voyant « katsuyama » mais la maiko conserve toujours le « tama » . Son maquillage s’affine avec de l’eye-liner, et comporte moins de rouge. Sur le devant son col n’est brodé que de blanc et son obiage est désormais replié sous l’obi. Le rouge symbolisant l’enfance, il est logique qu’il disparaisse quand la maiko gagne en expérience et en maturité. Elle a aussi changé de coiffure, passant du « wareshinobu » à « l’ofuku » , coiffures qui de face ont le même aspect de coques arrondies mais qui diffèrent légèrement vues de dos. Les couleurs et motifs du kimono se font également plus subtils, recouvrant moins de surface.

Maiko senior Toshisumi. Source : Flickr

L’apparence d’une geiko

Au delà de 20-22 ans, il n’est plus possible d’être une maiko. À cet âge on est devenu une adulte aux yeux de la société, il serait ridicule qu’une jeune femme continue de s’habiller comme une enfant. Dans l’esprit de cette culture, la jeune fille qui compensait son manque d’expérience dans les arts par une apparence chamarrée est devenue une jeune adulte qui sait distraire ses clients par ses seules maîtrises de la danse, la musique, la conversation, sans charme artificiel et superflu. Sa tenue exprime ce statut d’artiste professionnelle. Sa coiffure est celle d’une femme adulte, un chignon nommé « geiko shimada » porté bas sur la nuque, dont les coques encadrant le visage sont droites, et agrémenté de bien moins d’épingles décoratives (un kushi, un tama et parfois un maezashi). Et contrairement aux coiffures des maikos qui utilisent leurs vrais cheveux, les geikos portent une perruque. Quand la maiko devient geiko, son maquillage se transforme aussi, le fond est toujours l’oshiroi blanc avec les deux bandes de peau nue un peu cachées par la coiffure, mais pour le reste il est moins marqué, le rouge se fait généralement plus rare, voire quasiment absent, dominé par les tons noirs.

Geiko Toshikana. Source : Flickr

Comme les maikos, les geikos portent également des kimonos à traîne mais les longues manches sont devenues courtes, comme sur les kimonos des femmes mariées. Les couleurs sont davantage dans les tons pastel et les motifs sont plus petits et encore plus discrets que sur ceux des maikos jusqu’à être en devenir quasi absents. Cela marque un raffinement délicat et c’est une tendance qui ira en s’accentuant au fil des années.

Geiko Toshikana. Source : Flickr

Le col d’une geiko est entièrement blanc, de face comme de dos et n’est plus brodé. Le nœud de son obi est en forme de « tambour », on le nomme « taiko obi » . Une geiko ne met plus d’obidome, cette broche précieuse, au milieu de son obi. Enfin, ce dernier ne porte plus le blason de l’okiya car la geiko, si elle reste attachée à une okiya qui fera office d’agent, est désormais une adulte indépendante. D’où le fait qu’elle mette une perruque, ce qui lui permet de porter des vêtements « normaux » et d’être plus libre dans sa vie quotidienne là où une maiko, en pension dans une okiya, se doit de vivre cette condition en permanence.

Reconnaître une « fausse maiko » ou « maiko henshin »

Les geishas fascinent les étrangers comme les japonais par leur grâce, leur beauté mystérieuse et leurs somptueux kimonos. Pour les jeunes filles qui veulent devenir maiko ou geiko le temps d’une journée, il est possible de se rendre dans un studio (parfois tenu par une ex-geiko ou une okiya) qui leur louera la tenue complète, les maquillera et les coiffera. Le plus souvent, c’est une tenue de maiko qui sera choisie car elle comporte bien plus d’éléments attrayants quand bien même la jeune fille n’aurait plus l’âge d’être une maiko. Ainsi, les fausses maiko ont tendance à se multiplier ses dernières années dans les lieux touristiques.

Fausses maikos. Source : Flickr

Néanmoins, même si certains studios louent des ensembles d’excellente qualité (rachetés d’occasion à des okiyas) qui peuvent vraiment prêter à confusion avec les authentiques maikos, la plupart du temps, les kimonos et obis sont de moins bonne facture. Les motifs et les couleurs du kimono sont trop criards, mal assortis et l’ensemble semble mal ajusté, surtout au niveau de l’obi. Souvent, la bordure rouge d’un sous-kimono apparait entre le col et le kimono, un élément que l’on ne retrouve pas sur les vraies maikos. Aussi, une fausse maiko ne portera pas d’obidome (la broche au centre de l’obi) aussi précieux que celui d’une maiko, il sera le plus souvent en bois laqué décoré. De manière générale, le souci du détail et de la finesse cher aux maikos est absent de ces copies.

Fausse maiko. Source : Flickr

On repère aussi souvent des contradictions : le maquillage et le col sont ceux d’une maiko senior alors que les hana-kanzashi sont ceux d’une maiko junior. Ces derniers ne correspondent pas toujours au mois en cours quand ce ne sont pas des hana-kanzashi qu’on ne verrait pas sur une vraie maiko (trop tape-à-l’œil, à dominante exagérée de rouge). Les épingles à cheveux dans leur ensemble sont souvent mal insérées dans la coiffure. Au sujet de celle-ci, le ruban rouge sur le devant est fréquemment trop long et trop large, et il est courant que les fausses maikos portent une perruque ou une demi-perruque (qui aurait souvent besoin d’être rafraîchie), car aller chez un coiffeur reviendrait bien plus cher mais certains studios haut-de-gamme pousse la ressemblance jusqu’au bout.  On reconnait aussi les maikos « henshin » à leur démarche : les maikos sont habituées à porter leur lourd vêtement et à se déplacer avec des « okobos » , ces hautes sandales en bois de paulownia, là où ces jeunes filles sont moins à l’aise et ont une allure moins gracieuse. Autre petit détail : le « kago » , sac fait d’osier et de tissu d’une maiko est toujours rebondi, contenant tout un ensemble d’accessoires indispensables alors que celui des maikos « henshin » , est très souvent plat car vide. Enfin, une vraie maiko sera souvent pressée de se rendre à ses rendez-vous et aura difficilement le temps de s’arrêter pour une photo si elle veut être à l’heure, alors qu’une fausse maiko flânera dans les rues et refusera rarement de poser pour les photographes. Les maikos commençant leur travail en fin d’après-midi, si vous en voyez une en milieu de journée, surtout en dehors de son quartier, il y a de grandes chances que ce soit une fausse.

Vous voilà munis de tous les éléments pour vous permettre d’identifier une maiko, une geiko et une fausse maiko. Souvenez-vous aussi que vous n’arriverez à faire ces distinctions rapidement qu’avec un peu d’entrainement. Plus vous en verrez en « vrai » ou en photo, plus vite vous pourrez les distinguer.

S. Barret

PS : cet article n’a pas comme vocation de lister toutes les caractéristiques et différences qui existent entre les maikos et les geikos mais seulement d’insister sur les points les plus importants. En effet, pour être exhaustif sur ce sujet il faudrait des pages et des pages supplémentaires car bien il existe une foule d’autres informations, détails et variantes sur leurs tenues : les maikos sont amenées à porter bien plus que deux coiffures selon les évènements officiels qui rythment l’année, certaines règles concernant l’apparence changent d’un hanamachi à l’autre (pour le maquillage ou le port de l’obiage par exemple), de même pour la coiffure et la tenue des geikos. Sans compter les spécificités des communautés de geishas existant dans d’autres villes…