Dans un précédent article, Poulpy vous avait détaillé les différents Hanakanzashi floraux portés par les maikos et qui changent tous les mois. Mais ce ne sont pas les seuls ornements décorant leur coiffure élaborée. Petit tour d’horizon des autres kanzashi, non moins sublimes, que nous pouvons admirer dans la coiffure complexe et secrète des maikos de Kyoto.

Pour commencer, un petit rappel concernant l’apparence des maikos. Au fur et à mesure de l’avancée de leur carrière (détaillée ici), l’apparence d’une maiko évolue. Et dans leur univers, tout est symbolisé. On distingue deux grandes étapes, matérialisées au niveau de sa coiffure notamment. Dans un premier temps, deux ans environ, une maiko est dite « chiisai maiko » (« junior/petite ») et porte la coiffure wareshinobu. Puis, ayant gagné en maturité et expérience, elle devient « ookii maiko » (« senior/grande ») et sa coiffure change pour l’ofuku. Du fait des différences d’une coiffure à l’autre, des kanzashi seront absents ou présents dans toutes.

Les kanzashi en commun

– Le « Hanakanzashi » (kanzashi floral) ou « daikan ». C’est celui qui attire immédiatement le regard. Il représente chaque mois un élément végétal ou floral principalement, délicatement taillé dans du tissu de soie : la fleur de prunier en février, de la glycine en mai, du saule en juin, des éventails en juillet, et tant d’autres encore…

Ces ornements sont particulièrement raffinés et jolis. Fabriqués à la main par des artisans, ils valent plusieurs centaines d’euros pièce.

Un magnifique Hanakanzashi de février, au motif de fleur de prunier. Source : flickr

Un article détaillé lui a été spécialement consacré pour en apprécier ses déclinaisons.

– Le katsuyama. Aussi appelé « pont » pour ne pas le confondre avec une coiffure du même nom que les maikos portent pour le Gion Matsuri. Il est assorti au daikan et s’étale au sommet de la coiffure.

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Le ôgi kanzashi ou « bira-bira »/ »ôgi bira ». Un kanzashi en métal argenté en forme d’éventail (ôgi) ce qui lui donne son nom. De petites pendeloques attirent le regard en bougeant au gré des mouvements de la maiko. Il est toujours frappé du blason « kamon » de l’okiya à laquelle la maiko est rattachée (on retrouve également le kamon au bas du darari obi).

Le ôgi kanzashi, surmonté du maezashi. Source : flickr

Pour leurs débuts, les maikos en portent un second du coté opposé.

– Le maezashi, ou « bira dome ». Un petit ornement en métal et/ou pierres fines placé au-dessus du ôgi kanzashi. C’est l’un des rares accessoires de la tenue dont les « okasan » peuvent laisser le choix à la maiko.

– Le tama kanzashi. Il est porté à l’arrière de la coiffure, du côté gauche. Il en existe deux versions, une verte et une rouge : la boule est en jade de juin à septembre (« ao-dama ») & en corail rouge d’octobre à mai (« aka-dama »). À savoir que les perles de corail océanique sont particulièrement difficile à trouver et peuvent parfois plusieurs centaines d’euros.

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Ce portrait de Fukutomo a été pris en juin, elle porte donc un tama kanzashi en jade. En mars, on peut voir Kikushizu avec un tama kanzashi rouge.

Les autres kanzashi

– Le tachibana. Porté uniquement par les maikos juniors, il représente des mikan (un agrume japonais proche de notre mandarine) plus ou moins mûres sous forme de trois billes vertes et rouges avec des feuilles argentées. Le tachibana est piqué à l’arrière de la coiffure, du côté droit.

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Ce motif est aussi répandu sur les kimonos.

– Le hirauchi. Quand une maiko devient senior, le tachibana est remplacé par le hirauchi,  tout en métal. À motif décoratif, ce kanzashi est parfois gravé du kamon de son okiya ou du nom de la maiko comme ci-dessous.

A droite du triangle rouge « tegara » de l’okuku, le hirauchi de la maiko Asako 亜佐子 frappé à son nom. Et au-dessus, le kushi. Source : flickr

– Le kushi. Tout comme le hirauchi prend la place du tachibana, le peigne « kushi » remplace le « katsuyama » au sommet de la coiffure d’une maiko senior dans la dernière ligne droite de sa carrière en signe de maturité. D’octobre à mai, le kushi est décoré de petits pétales de soie (autre vue du kushi d’Asako) alors qu’il est « nu » de juin à septembre.

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– Le kanokodome. Il est réservé aux maikos « juniors » puisqu’il prend place au centre de leur coiffure spécifique, le wareshinobu.

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– L’inaho maezashi. Un vrai épi de riz porté entre le ôgi kanzashi et le maezashi durant les fêtes du Nouvel An. Les geikos l’arborent également mais du côté gauche. Elles en donneront les graines à des clients qui les garderont dans leur portefeuille comme porte-bonheur pour la prospérité de leurs affaires. Il est surmonté d’une colombe blanche dont l’un des yeux sera peint par la maiko elle-même et le second par le client qu’elle aura choisi.

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L’inaho kanzashi est porté en même temps qu’une tige rouge (verte pour les geikos) avec le signe du zodiaque chinois de la nouvelle année. Ci-dessus, le lapin pour 2023.

– Le tsunagi dango. Le maezashi spécifique aux maikos de Gion Kobu ayant moins de 18 ans. Il représente, en jade, le blason du quartier de Gion Kobu, huit boulettes de riz « dango ».

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Dernières précisions

Pour cet article, Poulpy s’est basé sur les deux principales coiffures quotidiennes des maikos. Mais tout au long de leur carrière, elles sont amenées à en arborer bien plus à l’occasion de fêtes (Nouvel An, Setsubun, Gion Matsuri) ou d’évènements formels (débuts et fin de carrière). En conséquence, il existe bien d’autres kanzashi spécifiques et rares.

Aussi, l’emplacement des kanzashi décrits ici peut changer lorsqu’ils sont aussi présents dans une autre coiffure (ainsi le tama kanzashi est placé à droite dans un kikusagane) ou lorsque la maiko les porte avec un kimono informel du quotidien. Ne soyez donc pas surpris si vous les voyez ailleurs !

Comme vous le voyez, un simple ornement dans les cheveux d’une maiko devient la porte d’une incroyable complexité, faite de messages cachés et de symboles liés aux croyances et aux saisons. Chaque petit détail a été pensé et façonné durant des siècles pour magnifier la beauté de ces femmes d’exception. Aujourd’hui, cette complexité est menacée devant un monde hyper-rationalisé et la profonde crise économique qui travers le Japon. Les artisans également sont de moins en moins nombreux et les jeunes aspirent à une vie salariée plus classique. Maintenir cette beauté coûte désormais extrêmement cher et rien ne garantit que les maikos et geikos existeront toujours demain. Prendre conscience de l’incroyable complexité et fragilité de leurs apparats est un premier pas vers le respect et leur protection.


Source de l’image d’en-tête : flickr

S. Barret