2011 restera dans l’histoire du Japon comme une année noire. À la suite du tsunami, des problèmes à la centrale nucléaire de Fukushima permettent en effet à des particules radioactives de s’en échapper. En plus des milliers de morts dus à la vague, c’est une catastrophe écologique qui touche l’Archipel. Le documentaire « Les enfants de Fukushima » nous montre les conséquences d’un tel drame sur une famille d’agriculteurs.

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Les enfants de Fukushima est un documentaire de Beth Balawick et Beth Murphy sorti en 2020 et tourné sur 5 ans.

En 1945, Saichi Ouichi, un jeune japonais de 14 ans, est victime du bombardement d’Hiroshima. Plus de 65 ans plus tard, en 2011, après la catastrophe nucléaire de Fukushima, les radiations déposées par la pluie et le vent sur les terres agricoles familiales détruisent son mode de vie et projettent sa famille au cœur du plus grand processus de nettoyage radioactif que le monde ait jamais connu. Au milieu de cette crise, Hidekatsu, son fils aîné, a désormais la responsabilité d’aider la famille à récupérer ses terres.

Alors que le gouvernement japonais entreprend le nettoyage de leur propriété, Hidekatsu et sa mère de 87 ans enchaînent les maisons temporaires. Le Japonais est pourtant déterminé à revenir au village. Mais pour y faire quoi ? Au fur et à mesure que le nettoyage avance, il est de plus en plus évident que peu de gens se réinstalleront et que les risques de contamination n’ont pas tous été évacués de la préfecture de Fukushima …

Les enfants de Fukushima : une histoire de famille

Les enfants de Fukushima

Même si les conséquences des événements liés à la centrale nucléaire sont au centre de Les enfants de Fukushima, un autre sujet bien japonais habite le documentaire : la famille ! Tsugiko, la matriarche, explique ainsi qu’elle n’a pas eu vraiment le choix de se marier à 19 ans à Saichi. Son père l’a obligée, prétextant que cette union lui offrirait des terres qui feraient la prospérité de ses enfants. Aujourd’hui, quand elle y pense, elle se dit que c’était probablement une mauvaise idée.

Pour Hidekatsu, son fils, la situation a été la même quand son père lui a demandé de prendre sa suite en tant qu’agriculteur. Lui aussi s’est senti pris en otage à ce moment-là, ne voulant pas laisser sa mère seule face à cette vie de labeur. Cette dynamique familiale met bien en avant de nombreux regrets que certains Japonais portent en eux. Pourtant, au nom de la famille et de la tradition, ils sont prêts à faire des sacrifices et à oublier leurs rêves.

Mais le prix à payer les vaut-il vraiment ?

Le nucléaire comme épée de Damoclès

L’histoire de cette famille commence en 1945 quand Saichi, le futur patriarche alors âgé de 14 ans, est envoyé Hiroshima. Là, il découvre la dévastation et une marée de corps sans vie. Son destin est alors à jamais marqué par la menace du nucléaire. Coup du sort, plus de 60 ans plus tard, sa région est touchée par la catastrophe de Fukushima. L’agriculteur, en maison de retraite depuis qu’il a fait un AVC, ne le vit que de loin, mais le quotidien de sa femme et de son fils est touché de plein fouet.

« Ils ne savent même pas quand ils pourront revenir dans leur maison, elle aussi devant subir de longs travaux de décontamination. »

À cause des rejets radioactifs déplacés par le vent et la pluie, ces agriculteurs ont en effet tout perdu en quelques jours. Ils ne savent même pas quand ils pourront revenir dans leur maison, elle aussi devant subir de longs travaux de décontamination. Pour un peuple japonais aussi accroché au respect de la nature, la situation est insoutenable et fait naître un grand ressentiment. Surtout face aux méthodes utilisées.

Des problèmes sans solution ?

Le reportage de Beth Balawick et Beth Murphy met en effet en lumière comment cette situation sanitaire a été gérée par le gouvernement à différentes échelles. Partant du principe que seule la surface est contaminée, des centaines d’agent ont rempli des millions de sacs de terre en attendant de savoir comment la décontaminer (oui, des « millions »). Dans les campagnes apparurent ainsi des champs immenses de ces contenants de toiles, posés les uns sur les autres livrés à leur triste sort.

Pareil pour les maisons, les habitants n’ayant plus le droit d’y dormir…mais pouvant s’y rendre dans la journée. Doit-on en conclure que les radiations n’aiment pas le soleil ? Là encore, il est déchirant de voir Hidekatsu perdu face à une situation sur laquelle il n’a aucun contrôle. Pourra-t-il reprendre un jour son activité d’agriculteur ? Son histoire, comme celle de sa mère âgée de 87 ans, est suspendue.

Les enfants de Fukushima est un documentaire essentiel pour bien comprendre les conséquences d’un événement aussi dramatique que celui de Fukushima. Que ce soit sur la nature, le quotidien des habitants ou la psychologie des victimes malgré elles, l’effet domino est ainsi terrible. Ce qui est brillamment mis en lumière par les images captées par Beth Balawick et Beth Murphy.

Ce reportage de 50 minutes essentiel à la compréhension des effets de la catastrophe est à découvrir gratuitement jusqu’au 28 février en replay sur Arte.tv, tout comme sur YouTube.

Stéphane Hubert