Plusieurs caractéristiques peuvent distinguer les artistes les uns des autres : la technique, la patience de réalisation, l’originalité ou encore le message caché derrière l’œuvre. Manabu Ikeda a la particularité de fusionner l’ensemble de ces attributs à leur paroxysme à travers une œuvre titanesque nommée Rebirth : un travail de plusieurs années !

En mars 2011, un tremblement de terre de magnitude 9 secoue violemment les terres de l’EST du Japon et particulièrement aux alentours de Sendai. Cet évènement est tristement célèbre pour avoir été le tremblement de terre le plus important jamais enregistré sur les terres du Japon. Il a été suivi d’un tsunami dont les vagues pouvaient atteindre près de 40 mètres à certains endroits. Ce même tsunami a parcouru près de 10km à l’intérieur des terres, ravageant près de 600km de côtes. Il serait à l’origine de la majorité des 18 079 disparus et aura entraîné l’accident nucléaire de Fukushima. Un incident industriel placé au niveau 7, soit le plus au niveau sur l’échelle internationale des événements nucléaires. La région a été totalement dévastée par l’enchaînement tragique de ces catastrophes naturelles dont on imagine à peine l’horreur. Les conséquences humaines, écologiques et économiques ont été dévastatrices pour la nation japonaise et continuent de l’être aujourd’hui.

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Manabu Ikeda / « Rebirth »

En juillet 2013, alors que la région commençait à renaître de ses cendres, l’artiste Manabu Ikeda décida, à sa manière, de l’aider dans ce processus de résurrection. Ce Japonais de 43 ans décida d’associer sa patience, sa technique et son engagement dans une œuvre de 400×300 centimètres qu’il nomma « Rebirth » (Renaissance). S’armant de stylos, de crayons et d’encre, mais surtout d’une extrême patience, il passa près de 10h par jour à l’intérieur de son studio pour s’appliquer à sa tâche. C’est aujourd’hui, en novembre 2016, que l’artiste vient d’achever son impressionnante réalisation.

Effectivement, Manabu Ikeda a compris que l’art pouvait être synonyme de magie quand on y plaçait toute sa passion. Il a passé presque 3 ans et demi à créer un monde imaginaire unique. Rebirth représente un arbre poussant par-dessus des débris faits par les vagues, que l’on interprète aisément comme étant celles du fameux tsunami. Cependant, ce qui fait toute la singularité et le génie de cette toile, ce sont les milliers de détails minuscules que l’artiste a décidé d’y incorporer. En s’approchant de plus près de la toile, ce sont les histoires d’individus anonymes, d’animaux et de plantes qui luttent contre le chaos des éléments. D’après lui, c’est le nombre incalculable de luttes invisibles en faveur d’un retour à l’ordre qui crée ce grand arbre qu’est la Vie. Tout un symbole ! Mais cet arbre ne peut se réaliser d’une manière linéaire et narrative, d’où la nécessité de tous ces détails. C’est ainsi une relation réciproque qui unit les habitants de cette toile et leur achèvement : le renouveau.

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Manabu Ikeda / « Rebirth »
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Manabu Ikeda / « Rebirth »

Son but, affirma-t-il, a été d’exprimer le monde dans sa composition. Bien que ne voulant pas intentionnellement représenter des images si détaillées, sa vision particulière de la vie l’a poussé à les réaliser : « Je vois des détails quand j’observe les choses, plutôt qu’un tout. » Cela explique l’utilisation de ses outils : un simple crayon et de l’encre pour pouvoir travailler avec précision sur les éléments de son œuvre, aussi petits soient-ils. Les plus gros détails sont au crayon, tandis que les plus petits sont eux réalisés au stylo à l’encre acrylique. Ces outils élémentaires permettent de prendre conscience de cette fusion qui existe entre la nature et l’humanité : montagnes de véhicules, branches d’arbres, trains et fleurs entrent en collision, et cela pour le meilleur et pour le pire.

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Il est clair que de passer près de 3 ans et demi de sa vie enfermé dans un studio du Musée d’Art de Chazen, 10 heures pas jour, en aurait rendu fou plus d’un. Cependant, Ikeda a dû affronter autre chose que la folie durant ces années. Il s’est disloqué l’épaule après un accident de ski, rendant sa main d’artiste temporairement inutilisable. Il a cependant été impossible pour lui d’arrêter de travailler et il a décidé de s’entraîner avec son autre main avant de reprendre la réalisation de son œuvre.

Il sera possible d’observer la passion et l’engagement de Ikeda de vos propres yeux brièvement le 11 décembre 2016 au Musée d’Art de Chazen, dans le Wisconsin. Cette œuvre rejoindra probablement l’archipel nippon par la suite. Nous vous conseillons de vous pencher sur le travail incroyable de cet Homme, qui, désormais, a décidé de se concentrer principalement sur les conséquences post-Fukushima. En 2012, il avait aussi créé Meltdown, dénonçant les impacts écologiques des centrales nucléaires. Il est possible de la voir à la Mizuma Art Gallery, au coeur de Tokyo. Prévoyez quelques heures devant vous si vous voulez profiter de tous les détails…

S.Grouard

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Sources : mizuma-art.co.jp / asie1000mots-cetase.orgwww.thisiscolossal.com / Wikipedia.org