L’actualité vient de nous le rappeler avec le typhon Hagibis, le Japon est un pays particulièrement exposé aux catastrophes naturelles (typhons, séisme, volcanisme) qui sont de plus en plus puissantes du fait des changements climatiques. Mais subissant les affres de la Nature depuis des siècles, les Japonais ont développé des techniques pour limiter au maximum les dégâts. Parmi les moyens mis en œuvre, le système sous-terrain anti-inondation construit au nord de Tokyo est l’un des plus impressionnants au monde…

Baptisé G-cans, ce « tunnel anti-inondation de la zone métropolitaine extérieure » (首都圏外郭放水路) est le plus grand au monde. Il fut construit à une trentaine de kilomètres au nord de Tokyo à 50 mètres de profondeur pour protéger la ville et la région de Saitama du débordement des rivières proches qui y causaient régulièrement des inondations. En effet, la région de Saitama est particulièrement à risque car se situant dans une cuvette géographique. Le surplus d’eau récupéré par le G-cans est ensuite dirigé vers le fleuve Edo. Depuis son achèvement, le G-cans a déjà reçu du trop plein d’eau de pluie plus d’une centaine de fois. Le complexe peut recevoir un volume astronomique de 670 000 mètres cubes d’eau.

Les travaux ont débuté en mars 1993 et la mise en fonction ne s’est pas faite avant juin 2006. L’infrastructure a coûté pas moins de 2 milliards de dollars et sa construction fut un défi technologique pour les ingénieurs qui ne pouvaient prendre exemple sur aucun précédent. Par ailleurs, aucun boulon ne devait être utilisé. Une foreuse spéciale fut créée pour creuser un tunnel de 6,3km et de 10m de diamètre reliant l’eau entre 5 silos géants (à 65 mètres de profondeur et de 32 mètres de diamètre) et un réservoir pour finalement la relâcher dans le fleuve Edo. Le réservoir principal, lui, mesure 177 mètres de long, 78 mètres de large et 18 mètres de haut, le tout étant soutenu par 59 piliers. En plus de la stocker avant de la rejeter, l’endroit permet de réguler la pression de l’eau qui ralentit en passant de silo en silo avant d’arriver jusqu’à lui.

Source : flickr

En cas de typhons aux pluies torrentielles, quatre turbines de pompage d’une puissance de 14 000 chevaux peuvent drainer 200 mètres cubes d’eau par seconde. Les opérations sont dirigées depuis un centre de contrôle qui dispose de caméras. Elles permettent de visualiser l’installation et renseignent sur le niveau de l’eau et des précipitations en cours. Ce sont des humains (au nombre de trois) et non des machines qui assurent la surveillance du système lors de fortes précipitations et lancent l’activation des pompes.

Le dernier réservoir du G-cans est ouvert aux visites, sous couvert de réservations qui sont d’ailleurs le plus souvent complètes. Mais attention, celles-ci se font uniquement en japonais et sont très courtes (à peine un quart d’heure). Sait-on jamais… De part ses dimensions et son architecture, le réservoir attire régulièrement des équipes pour tourner de films, des clips ou réaliser des séances photo vraiment uniques en leur genre.

La pagode du temple Horyu-ji. Source : flickr

Outre le moderne G-cans créer pour lutter contre les inondations, le Japon a depuis longtemps développé des techniques de constructions pour résister aux séismes qui frappent régulièrement l’Archipel sans attendre le développement de la technologie. Ainsi, le temple Horyu-ji construit à Nara au VIIème siècle comporte une pagode à cinq niveaux dont la structure en bois est l’une des plus anciennes au monde. Son pilier central n’est rattaché qu’au dernier niveau de la pagode pour préserver l’intégrité de la structure en cas de séisme. La Tokyo Skytree est d’ailleurs inspirée de cette technique ancienne qui a fait ses preuves. Une technologie vieille de 1300 ans, dit-on.

Pour construire des gratte-ciels qui résistent à de puissants séismes, le fin du fin de la technologie moderne réside dans « l’amortisseur à huile », une sorte de piston géant sur lequel la structure du bâtiment repose, permettant à celui-ci d’absorber les mouvements. À Roppongi Hills, la tour Mori de 238 mètres de haut compte 356 de ces vérins contrôlés en partie électroniquement auxquels se rajoutent 192 entretoises réparties dans la structure des étages. Lors du puissant séisme de 2011, la tour Mori a enregistré des mouvements ne dépassant pas 32 cm d’amplitude. Dès lors confiants, les architectes peuvent envisager de bâtir des gratte-ciels encore plus haut au Japon sur ce même principe. Une folie des grandeurs qui contraste violemment avec l’humilité et la simplicité d’un Japon traditionnel oublié. Partout à travers le pays, les constructions traditionnelles, dont de nombreux temples, sont abandonnées, faute de rentabilité immédiate. Si bien que les municipalités bradent parfois leur prix, dans l’espoir d’un repreneur avec un projet porteur de sens.

La tour Mori. Source : flickr

Les immeubles peuvent aussi être montés sur des structures parasismiques en caoutchouc, sur des vérins, sur ressorts, sur des rails ou sur des roulements à billes. Plus simplement, les murs des édifices peuvent être renforcés avec des croix métalliques disposées en diagonale au niveau des fenêtres. Quant à la population, elle est préparée grâce à des programmes de prévention menés régulièrement. Grâce à la généralisation du téléphone portable, les Japonais sont désormais prévenus en direct de l’imminence d’un séisme et des consignes de sécurité à suivre. Plus de 4000 points de contrôle disséminés dans tout le Japon surveillent en permanence les mouvements du sol. Les autorités ont aussi élaboré des plans d’évacuation et prévu des aires de rassemblement pour les habitants dont les immeubles ou les maisons (plus à risques) menaceraient de s’écrouler.

Concernant les tsunamis qui frappent fréquemment les côtes de l’archipel, le Japon a mis en place plusieurs systèmes de prévention outre la sensibilisation de la population comme pour les séismes (les deux survenant souvent de paire). Au large des côtes nippones, des bouées de surface sont reliées à des capteurs de pression enfouis dans le fond marin. Lorsqu’ils détectent des mouvements anormaux du sol marin, l’information est transmise à la bouée qui l’envoie à un centre d’alerte répercutant, au besoin, l’information à toute la population en un temps record. Pour protéger ses côtes et limiter les dégâts dans les terres, le Japon compte autant sur des barrières naturelles qu’artificielles. Des arbres ont été plantés et des digues de 10-15 mètres de haut ont été construites dans les zones les plus à risques. Les côtes sont également garnies de brise-lames conçus avec des blocs de béton en forme de pyramide. En ce qui concerne les embouchures, il existe aussi le « mur anti-tsunami », comme celui de la ville de Numazu, haut de 9 mètres, qui se ferment en cas d’alerte :

Ici relevé, le mur peut s’abaisser pour bloquer les vagues. Source : flickr

Après la catastrophe du 11 mars 2011, le Japon s’est lancé dans une grande campagne de construction de murs anti-tsunami, la centrale nucléaire de Hamaoka en particulier a vu s’ériger autour d’elle un mur de 18 mètres de haut. Et avant même de pouvoir compter sur la technologie moderne pour être alerté directement par SMS, les Japonais pouvaient compter sur des signaux disposés dans les rues pour les informer des zones à risques et de la direction à suivre pour gagner une zone sûre en cas de tsunami :

panneau indiquant en japonais et anglais la direction à suivre pour gagner une zone non menacée par un tsunami. Source : flickr

Malgré sa situation géographique qui le met en première face aux catastrophes naturelles, le Japon et ses habitants bénéficient d’une expérience et de techniques de pointe – souvent de la logique élémentaire – qui permettent, si pas d’éliminer totalement les risques, d’au moins en limiter la portée et ainsi sauver les vies de milliers de personnes chaque année.

S. Barret


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