La belle année d’animation japonaise (2023) continue au cinéma en France avec la sortie de « La Maison des égarées », œuvre humaine et attachée aux racines des contes et croyances japonaises. Une vraie réussite destinée aux petits comme aux grands. Poulpy vous la fait découvrir non sans cacher son enthousiasme !
La Maison des égarées est le nouveau film de Shin’ya Kawatsura (Non Non Biyori, Sakurada Reset,…). Il s’agit d’une adaptation du roman du même nom de Sachiko Kashiwaba, autrice jeunesse de La Cité des brumes oubliées qui a inspiré Le Voyage de Chihiro d’Hayao Miyazaki.
On y suit Yui et Hiyori, deux jeunes filles soudainement séparées de leur famille à la suite du tremblement de terre et du tsunami de 2011. Elles qui ne se connaissaient pas se retrouvent soudainement perdues et sans toit.
Dans leur malheur, elles font la rencontre de Kiwa, une vieille dame qui offre de les recueillir dans sa maison à l’écart du village. Cette opportunité de repartir à zéro est d’un grand soulagement, jusqu’au jour où d’étranges phénomènes commencent à se manifester…
Fruit d’un traumatisme
La Maison des égarées fait partie d’un projet ayant pour but de rendre hommage aux victimes du tremblement de terre qui a ravagé le Japon en 2011. Avec la série Bakuten !! et le long-métrage Hulla, il ambitionne de préserver le devoir de mémoire de cet événement qui fit près de 20 000 victimes humaines et dévasta la côte Nord-Est de l’archipel, détruisant des villages entiers. Le film de Shin’ya Kawatsura met en avant le nouvel état d’esprit qui naquit de cette catastrophe dont peu de familles japonaises sortirent indemnes.
On y met en avant la solidarité et cette entraide entre les personnes. On s’y sert les coudes et on respecte les anciens et les traditions. Ici, les deux jeunes filles, traumatisées et laissées pour compte, trouvent donc refuge dans l’étrange maison de Kiwa. Un lieu chaleureux mais qui cache une aura mystique.
Un refuge pas comme les autres
Si les personnages humains sont bien évidemment les héros du film, la maison de la vieille dame en est un autre dans son style. Dans les légendes japonaises de la région d’Iwate, ce genre de demeure s’appelle une « Mayoiga ». Il s’agit d’une maison qui accueille et bénit les voyageurs perdus. Les visiteurs sans repère et au destin bousculé y trouvent de quoi dormir, se sustenter et même de la chance.
C’est dans ce lieu symboliquement riche que Yui et Hiyori vont apprendre à se reconstruire et à former une nouvelle famille sans lien du sang mais pourtant soudée par l’objectif commun de redevenir heureux. Et si on ne peut pas trouver du soutien auprès de ses semblables, pourquoi ne pas accepter l’aide venant d’un monde que l’on pensait invisible ?
La Maisons des égarées : tout le monde est bienvenu !
On découvre en effet très rapidement dans le film que son environnement est peuplé de toutes les créatures du folklore japonais ancestral. Kappa, tengu, komainu… Ils sont tous là pour prêter main forte au trio dans sa reconquête d’un équilibre perdu dans la catastrophe. Les créatures magiques sont de plus intégrées à l’intrigue du film avec beaucoup de fluidité et de logique.
C’est aussi cette spiritualité qui s’est quelque peu réveillée dans l’esprit des Japonais après le tremblement de terre de 2011, avec l’espoir d’être aidé par ce monde invisible. Peut-être avait-on besoin de revenir aux croyances fondamentales de l’archipel, de trouver du réconfort là où on ne l’attendait plus.
Parfois le sort s’acharne et le retour de la sérénité peut aussi se cacher dans l’invisible et l’irréel. Mais les Japonais ne perçoivent pas ces croyances comme une religion, car elle ne répond à aucun dogme, à aucune structure centrale rigide qui dicterait la bonne conduite à suivre, contrairement aux religions occidentales. C’est une des raisons pour laquelle les Japonais forment un peuple très ouvert à toutes les croyances. Comme on l’entend si bien dans le film, « Kappa ou pas, l’important, c’est d’avoir du cœur. ». Et de cœur, La Maison des égarées n’en manque pas, sans pour autant nous frustrer au niveau technique.
La campagne japonaise est en effet rendue avec une grande beauté. C’est un vrai ravissement pour les yeux et on a, nous aussi, envie de découvrir Kitsunezaki, cette ville fictive dans laquelle les personnages évoluent. Autre belle particularité, quand la grand-mère se lance dans ses récits de contes, la pâte graphique change et nous surprend. S’en suivent alors des séquences que l’on pourrait croire sorties d’un livre d’images. Comme si elles étaient peintes à la gouache et en aplats de couleur. L’animation est elle aussi très fluide et le scénario ne souffle d’aucun temps mort.
Au final, La Maison des égarées parle des contes tout en en étant un nouveau. Toute personne ayant un attrait pour les légendes japonaises et l’animation passera un très bon moment devant l’œuvre de Shin’ya Kawatsura. Le long-métrage est à retrouver au cinéma en France depuis le 28 juin.
Stéphane Hubert