Quand on dit « évènement festif japonais » on pense immédiatement aux Matsuri (祭り) et à leurs défilés en costumes traditionnels, aux parades de chars et de mikoshi, aux stands de jeux, de rafraichissements & de nourriture typique, aux danses sur de la musique japonaise d’antan. Tout au long de l’année, les quatre coins de l’Archipel sont rythmés par ces festivités en lien avec les saisons que les populations locales se transmettent de génération en génération souvent depuis plusieurs siècles. Mais de plus en plus, les organisateurs doivent faire face à des soucis de financement qui pourraient remettre en cause leur existence. C’est un pan entier de la culture japonaise qui est en péril.

La plupart de ces fêtes sont nées d’anciens rites shintô qui avaient pour but de s’attirer la faveur des divinités « kamis » en vue d’obtenir de bonnes récoltes, une protection contre les épidémies, les catastrophes naturelles… Même s’ils ont quelque peu perdu de leur signification primitive, les matsuri demeurent très ancrés dans la culture nipponne, il s’en tient pas moins de 100 à 300 000 chaque année ! Du plus important, au plus discret, du plus original au plus spectaculaire.

Parmi les matsuri les plus célèbres, viennent immédiatement en tête : le Gion Matsuri de Kyoto inscrit à l’Unesco, le festival de la neige à Sapporo, l’Onbashira Matsuri le festival le plus dangereux du Japon, le flamboyant Tenjin Matsuri d’Osaka, le Chichibu Yomatsuri en automne à Chichibu, la fête des morts O-bon… et d’autres encore que Poulpy vous a déjà présenté ou abordera dans de prochains articles.

Le Jidai Matsuri à Kyoto. Source : Flickr

Mais ce qui permet aussi la tenue des matsuri, outre la perpétuation intergénérationnelle, c’est l’épineuse question du financement. On en revient toujours à l’argent, nerf de la guerre sous toutes les latitudes. Plus un matsuri est important, plus les frais nécessaires à son organisation sont élevés. Il y a bien entendu le coût non négligeable des costumes, des chars... mais aussi de la sécurité alors que certains matsuri attirent des centaines de milliers de personnes, et de plus en plus de touristes, qui s’amassent en une foule compacte. Mais si les visiteurs font parfois la richesse des commerces locaux, ce n’est pas toujours le cas pour le festival lui même. L’objectif d’un matsuri n’est certes pas d’être rentable même si certains y arrivent, mais simplement de porter dans le temps une culture, un souvenir, une valeur. C’est le cas du Yosakoi Soran Matsuri d’Hokkaido qui a dégagé des bénéfices cette année mais non sans difficulté : le comité d’organisation avait eu du mal à lever des fonds, il ne peut compter sur des subventions publiques et doit composer avec des sponsors privés qui changent presque chaque année. La survie de nombreux matsuri dépend tristement du bon vouloir de ceux qui possèdent de l’argent, moins d’un volonté collective.

Matsuri de danse d’Awa à dans le quartier tokyoïte de Kôenji. Source : Flickr

Mais d’autres municipalités peinent désormais à obtenir les sommes pour organiser leur matsuri ce qui nuit à la bonne marche des évènements. Ainsi cette année, la fréquentation du renommé Awa Odori de Tokushima a atteint un chiffre exceptionnellement bas en raison des difficultés rencontrées lors de son financement. Et cet exemple est loin d’être isolé. En vue du Nagasaki Kunchi Matsuri vieux de 400 ans, chaque district de la ville doit rassembler 30 millions de yen (environ 225 000 euros), somme indispensable pour l’entretien des chars lourdement décorés et des autres accessoires utilisés lors de la parade dansante. Là aussi, les fonds sont de plus en plus difficiles à rassembler. Il faut dire que le Japon traverse une crise économique profonde dont la population voit à peine le bout.

Char du Gion Matsuri de Kyoto. Source : Flickr

Pour tous ces matsuri menacés, le salut viendra-t-il du financement participatif ? Une solution « moderne » à laquelle le comité d’organisation du Gion Matsuri de Kyoto a recours depuis l’année dernière. En 2017 et 2018 c’est respectivement plus de 13 millions et 4 millions de yen (environ 100 000 & 30 000 euros) qui ont été récoltés à travers des dons libres, dépassant les objectifs prévus. À Aomori, dans le nord du pays, il a été choisi d’augmenter de 15% le prix des places assises dans les tribunes offrant la meilleure vue lors du Aomori Nebuta Matsuri en 2017 pour compenser la baisse des ventes et la hausse du prix de la main d’œuvre.

Qu’importe les moyens qui seront trouvés, pour les organisateurs, il est essentiel que la tradition des matsuri perdure, car ici bat le cœur du vieux Japon.

S. Barret


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Sources : japantimes.co.jp / nippon.com