Le « plogging », un drôle de nom qui désigne le fait de mettre à profit son jogging pour ramasser les déchets croisés sur sa route. Cette activité sportive et écologique s’est progressivement étendue dans plusieurs pays : France, États-Unis, Mexique, Inde, Royaume-Uni… Et elle vient de gagner le Japon.

Le mot « plogging » est issu de la contraction du mot suédois « plocka upp » signifiant ramasser et de « jogging », il semble toutefois qu’il était pratiqué ailleurs avant sans porter ce nom à consonance suédoise. Et depuis sa création le plogging s’est largement diffusé à travers les frontières. Dans un monde moderne où les individus du monde entier prennent peu à peu conscience de la pollution engendrée par nos déchets et de son impact environnemental les initiatives citoyennes se développent pour enrayer la catastrophe écologique. Et le plogging permet de s’investir localement sans pour autant devoir libérer une case dans son planning, ce qui pourrait constituer un frein chez nombre de personnes, à l’heure où nos emplois du temps sont souvent surchargés. Une réalité du travail d’autant plus palpable au Japon.

https://www.facebook.com/thegreenshiba/videos/1642501705850011/

 

Le principe du plogging est simple autant qu’efficace : au moment d’aller pratiquer son jogging quotidien (ou hebdomadaire) il suffit de se munir d’une paire de gants et d’un sac poubelle dans lequel on collectera les déchets, bouteilles, emballages, papiers etc. que l’on rencontrera le long de son parcours. Si le déchet est au sol, on prendra bien garde à plier les genoux pour se baisser en conservant le dos droit tout en contractant les abdominaux. S’il se trouve en hauteur, comme un sac plastique coincé dans les branches d’un arbre, alors on en profitera pour s’étirer. Des mouvements qui ne sont guère différents des accroupissements et autres étirements que des joggeurs réalisent aussi « dans le vide » pour s’échauffer les muscles. De plus, le sac qui s’alourdira au fil de la course constitue un bon moyen de muscler le bras porteur. Ainsi, dans le même temps, l’adepte du plogging fait du bien à son corps tout en éliminant des détritus polluant l’environnement et mettant en danger les animaux sauvages !

Le plogging peut aussi se pratiquer en équipe grâce à des applications mobiles dédiées, des groupes sur les réseaux sociaux gérés par des bénévoles qui permettent aux « ploggeurs » de se fixer des points de rendez-vous et de s’organiser pour collecter les déchets en groupe à plus grande échelle et avec plus d’efficacité. Au Japon, le concept du plogging a attiré l’attention de Social Innovation Japan, une association qui se définit comme « un incubateur de changement social » organisant des évènements, des ateliers pour aider les gens à se rencontrer tout en agissant sur les problématiques urgentes posées par nos sociétés modernes. C’est ainsi que le 7 avril 2018 a eu lieu le premier plogging au Japon, réunissant 25 personnes dans le parc Yoyogi de Tokyo.

Les participants (dont le benjamin avait 2 ans !) furent répartis en trois équipes selon les efforts physiques dont chacun était capable : marche, jogging ou running soutenu. Tous les participants, munis de gants et de sacs poubelle, devaient rassembler le plus de déchets possible en 45mn et à la fin l’équipe la plus productive reçut un prix. Un esprit de compétition typiquement japonais insufflé au plogging pour motiver davantage les troupes !

Ce fut aussi l’occasion pour des gens qui ne se connaissaient pas la veille d’aller à la rencontre d’inconnus (démarche ô combien délicate pour les Japonais qui ont tendance à être introvertis et à avoir du mal à lier connaissance). Après la course les gens se sont naturellement réunis pour échanger sur leur ressenti : pour certains l’expérience s’est révélée amusante, d’autres ont été surpris de la grande quantité d’ordures rassemblées en si peu de temps alors que Tokyo a la réputation d’être une ville propre. Les conversations se sont dirigées peu à peu vers d’autres sujets de société et à la fin de l’évènement certains sont allés déjeuner, boire un café ou se promener ensemble. C’est là une autre force et réussite du plogging : faire se rencontrer des personnes qui vont tisser des liens et peut-être créer de nouvelles amitiés. Au delà de l’impact positif sur l’environnement et la santé, le plogging contribue à créer un inestimable lien social entre les gens, à (r)éveiller les consciences et les (ré)unir pour tendre vers un bien commun.

https://www.instagram.com/p/BrwjF7KAa14/

Certes, le plogging ne résoudra pas à lui seul l’important problème causé par notre pollution née de notre société de consommation effrénée et irresponsable. Un changement de cap de nos sociétés industrielles ne se fera pas qu’en ramassant gaiement des déchets que d’autres ont jetés. Mais la pratique se classe néanmoins dans la catégorie des gestes quotidiens pour désormais faire partie de la solution et non plus du problème. Et pour cause, la mise en commun des « forces de faire » débouche aussi sur de l’organisation sociale et, à terme, une pression politique pour faire bouger les structures de nos sociétés.

S. Barret


Sources : medium.com/social-innovation-japan / lefigaro.fr /