Tokyo et ses plus de 13 millions d’habitants forme l’aire urbaine la plus peuplée au monde. Alors que le Japon est très dépendant des importations, le pays est très loin d’une résilience alimentaire lui permettant d’affronter un éventuel choc pétrolier futur ou les crises géopolitiques qui semblent se rapprocher de jour en jour. Sur place, bien que rares, certains en ont déjà pleinement conscience de la situation et tentent des alternatives là où de rares espaces sont encore disponibles. C’est notamment le cas de la « City Farm » en plein TOKYO. Voyons comment cette ferme urbaine arrive à combiner la tradition japonaise, l’innovation technologique et l’architecture « design » pour refaçonner le paysage…

Le toit d’un gratte-ciel. Le sommet d’un énorme shopping center dans un quartier futuriste de Tokyo. Quelqu’un pourrait-il y imaginer une ferme écologique ? Et pourtant, c’est le cas de la City Farm sur l’île d’Odaïba à Tokyo. Melons, choux, concombres, tomates, haricots et quelques 300kg de riz produits chaque année, tout est au menu et surtout, tout est biologique ! On y trouve aussi un petit étang et de nombreuses espèces d’insectes (libellules, papillons, abeilles…) s’y rendent, preuve que ce genre de biotope inattendu fonctionne.

D’ailleurs, Tokyo offre un des airs les plus pur qui soit au monde pour une grande ville de cette taille avec un IQA « vert » (Indice de Qualité de l’Air) de moins de 50 toute l’année ! Ici, les voitures diesel sont pratiquement inexistantes et la majorité de la population se déplace à vélo ou en transports en commun. Cette situation singulière pour une grande ville offre également une atmosphère propice à la production agricole biologique sans risque majeur de contamination.

La City Farm existe depuis maintenant 5 ans. Deux personnes seulement y sont employées à temps plein et quelques 8 autres japonais viennent donner des coups de main ponctuels. Cette ferme urbaine rencontre un succès grandissant. Pour 8000 yens (environ 65 euros) par mois, les habitants de Tokyo qui n’ont ni potager ni jardin peuvent louer et gérer une parcelle de terre de 3 mètres carrés. Certes, ce prix pourra en rebuter plus d’un, mais au Japon, là où les prix des fruits et légumes dépassent l’entendement, c’est une opportunité qui peut en inspirer beaucoup. Il faut en effet savoir que les jardins à Tokyo sont pratiquement inexistants, faute de place. Nombre d’habitants sont à la recherche d’alternatives locales pour mettre les mains dans la terre. Par contre, la métropole ne manque pas de toits plats…

Comme nous l’indiquent les responsables, ce type d’agriculture urbaine possède de nombreux avantages :

–    C’est d’abord une bonne opportunité pour créer des liens sociaux, et former une communauté au sein même d’une grosse ville.

–    C’est une belle opportunité pour les citadins stressés de mettre les mains dans la terre. Et à ce niveau, nombre de japonais citadins cherchent à se reconnecter avec la nature pour sortir de cette vie de salaryman très minutée.

–    La City Farm est aussi une implantation culturelle. Elle organise des ateliers avec les enfants et des cours de cuisine japonaise pour tous les publics. L’aspect pédagogique y est cultivé autant que les légumes !

–    Mais surtout, ce type de toit vert permet d’éviter l’effet de surchauffe des villes. Contrairement au béton, les toits verts permettent de diminuer la température dans la ville de Tokyo. En été, il devient vite suffoquant de sortir en plein Tokyo tellement l’urbanisation est dense. Les climatiseurs tournent donc à plein régime, les centrales nucléaires avec… Les jardins urbains apportent un vent de fraîcheur sur la ville, contribuant à la diminution de la facture énergétique.

–    Enfin, la ferme urbaine évite l’usage de pesticides, limitant la pollution et créant des espaces verts qui peuvent regonfler la biodiversité urbaine.

Dans tous les cas, on peine à trouver une seule zone d’ombre à l’initiative, si ce n’est qu’elle est encore bien trop peu pratiquée pour jouer un poids systémique dans la production alimentaire. Par ailleurs, le prix de la location reste un peu élevé, ce qui pourrait en rebuter plus d’un. En effet, le Japon est très dépendant des importations pour se nourrir. C’est d’autant plus vrai depuis que l’occident à importé son mode alimentaire carné et ses fastfoods. Les importations représentent 90% des besoins de blé et de soja des japonais, 50% de leurs besoins carnés et 100 % du maïs consommé !

Le Pays du Soleil levant est uniquement autosuffisant en riz, mais avec des stocks ne dépassant pas les trois mois… Autant dire que l’île aurait beaucoup de mal à affronter un choc économique et énergétique mondial qui impacterait les importations.

Un dernier détail étonnant de cette ferme urbaine concernant le poids ultra léger de la terre utilisée. La City Farm travaille avec une compagnie japonaise qui réduit considérablement le poids de la terre qui est utilisée pour ce type d’agriculture au sommet des gratte-ciels. De cette manière, pas de problème de portance pour des bâtiments qui, rappelons-le, sont étudiés pour résister aux tremblements de terre grâce à leur structure légère.

Parallèlement à ce type d’agriculture populaire, les fermes industrielles verticales se font également plus nombreuses. Plus énergivores mais également beaucoup plus productives, elles pourraient assurer une autonomie alimentaire locale en cas de catastrophe naturelle comme l’explosion du Mont Fuji quasi imminente. Pour cause, le réveil inévitable et cyclique du géant endormi aura pour effet d’obscurcir le ciel et d’anéantir les récoltes. Heureusement, celui-ci semble pas encore assez reposé. La dernière fois que le monstre s’est réveillé, c’était en 1707, engouffrant Tokyo sur son passage, laissant un paysage de désolation sur 100km à la ronde…

Source et info : http://www.city-farm.jp/

Pascale Sury