« Le Pavillon d’or », chef-d’œuvre cinématographique de Kon Ichikawa, ressort au cinéma en version restaurée dès le 15 janvier en France. Un film sur la foi, la beauté et la déception ressentie quand ceux qui sont chers à nos yeux les trahissent.
La Pavillon d’or est un film de Kon Ichikawa sorti au Japon en 1958. Il s’agit de l’adaptation du roman du même nom de Yukio Mishima (éditions Gallimard).
L’histoire se déroule au début du mois de juillet 1950. Un Japon stupéfait découvre alors qu’un incendie criminel vient de détruire l’un des plus illustres trésors nationaux, le Kinkaku-ji du temple Rokuon-ji de Kyoto, surnommé le Pavillon d’or.
La police interroge Goichi Mizoguchi, le jeune bonze bègue coupable du délit. Cloîtré dans le silence et le regard hagard, il voulait disparaître avec le Pavillon d’or. Pourquoi une telle envie de destruction ? Pourquoi se rendre coupable d’un tel crime ? La réponse se cache dans le passé du jeune homme.
Il était une foi…
Le Pavillon d’or nous parle de la fascination d’un homme en perte de repères pour la beauté d’un édifice spirituel. Il en avait pourtant un, son père, mais nous apprenons dès le début du film qu’il vient de disparaître. Pour honorer sa mémoire et sa dernière volonté, Goichi va se présenter au temple Shukaku.
Là, il demande à être pris en charge par le bonze (坊主, prêtre ou moins bouddhique) Tayama. Ce dernier devient ainsi son nouveau modèle de bonté et de vertu. Mais, le récit avançant, les apparences se révèlent souvent trompeuses et il est bien difficile de se montrer irréprochable.
Il y a aussi le côté financier dans la gestion du temple qui est une surprise pour notre pauvre innocent. Oui, de l’argent rentre. Beaucoup d’argent. Assez pour qu’il y voit un signe de perversion capitaliste du caractère sacrée de la doctrine bouddhiste. Une critique encore actuelle, à l’heure du tourisme de masse qui touche Tokyo, Kyoto et toutes les grandes villes.
Le film nous dévoile ainsi une réalité de plus en plus compliquée à accepter pour Goichi. Partout où il regarde, il ne trouve que déception, trahison, mensonge et manipulation. Alors comment faire face à cette situation quand on est en plus atteint de bégaiement ? Comment y survivre sans le bouclier que représentait jusque-là un père/guide aujourd’hui disparu ? Quand le désespoir frappe à nos portes, le salut peut venir de partout. Même d’un bâtiment.
Le réveil du Pavillon d’or ?
Le monument qui donne son titre au film est en effet celui qui subjugue le jeune homme par sa beauté et ce qu’il représente. Pour lui, c’est le summum de la perfection, de la pureté et tout le monde devrait s’en montrer digne.
Pourtant, autour de lui, il voit bien que ce n’est pas le cas. Voir un couple de touristes s’aventurer dans ses alentours le rend même un peu violent. Le scénario nous montre ainsi la montée en puissance de la frustration qui grandit en Goichi, véritable bombe à retardement qui n’attend qu’une dernière étincelle pour exploser.
La structure narrative tissée par Kon Ichikawa s’amuse en effet des temporalités. Comme un puzzle intrigant et biscornu, elle mélange ainsi le présent avec des flashbacks de la jeunesse du jeune homme et d’autres de son quotidien depuis son arrivée au temple.
On comprend alors ce qui va le pousser à faire disparaître ce qui représente finalement un vestige. Celui d’une morale peu à peu dissoute dans les méandres d’une société moderne qui s’éloigne inlassablement de ses bases spirituelles. Ce monde d’une grande laideur ne mérite donc pas le Pavillon d’or puisque sa beauté et sa sacralité ne suffisent plus à lui faire retrouver le chemin de la vertu.
La Pavillon d’or est un film à l’esthétique noir et blanc sublime avec des plans larges en cinémascope aussi épurés que forts de sens. Son histoire (inspirée d’un véritable incendie qui détruit le Kinkaku-ji en 1950) vous tiendra en haleine, comme une lente descente aux enfers dans le cerveau d’un homme en deuil qui ne retrouve de raisons de vivre nulle part.
La version restaurée distribuée par Splendor films est projetée en France depuis le 15 janvier et vous le fera découvrir de la meilleure des manières. Après Déménagement, un nouveau classique du cinéma japonais à ne surtout pas manquer dans les salles obscures !
– Stéphane Hubert