Il fut un temps, au début des années 90, où les salles d’arcade vivaient leur âge d’or au Japon. Les bornes s’y côtoyaient à perte de vue et les amoureux du stick faisaient la queue pour s’affronter sur les plus grands jeux de combat de l’époque, comme le légendaire « Street Fighter 2 ». C’est cette période bénite pour les jeux vidéo qui sert de décor, avec force nostalgie, à l’animé « High Score Girl », disponible sur « Netflix ». Découverte.
High Score Girl est un de ces animés disponibles discrètement sur Netflix sans vraiment squatter les tops de visionnages. Pourtant, il mérite vraiment d’être découvert par tous les amoureux de jeux vidéo.
On y suit Haruo Yaguchi, un jeune garçon plutôt lambda encore à l’école élémentaire. Les études ne l’intéressent pas vraiment, pas plus que le sport. Non, lui, son truc, ce sont les jeux vidéo ! Il passe sa vie dans les salles d’arcade à dépenser ses pièces de 50 et 100 yens dans les bornes de Final Fight, Ghouls’n Ghosts et encore plus Street Fighter 2 ! Sorti en 1991, ce dernier est le vrai coup de foudre du gamer qui en devient un expert avec le personnage de Guile et enchaîne les victoires sur les bornes de la salle qu’il fréquente. Il se pense presque imbattable jusqu’au jour où il est vaincu par un joueur maîtrisant à merveille Zangief, le lutteur russe. A sa grande surprise, la personne qui vient de lui coller une raclée n’est pas un autre garçon mais une camarade de sa classe du nom d’Akira Ono.
La jeune fille n’est pourtant pas du tout du même monde qu’Haruo qui s’attendait à tout sauf à la croiser dans un tel endroit. Fille de bonne famille dont les parents vivent à Los Angeles, elle est élevée par une tutrice très stricte qui fait de sa vie un enfer. Jouer en cachette à Street Fghter 2 est la seule échappatoire à cette vie qui n’exige rien de moins que la perfection perpétuelle. Haruo est piqué dans son orgueil quand il est battu par Akira et une rivalité s’installe entre les deux. Mais les adversaires vont bientôt développer une complicité qui ira au-delà de leur seule passion commune des plaisirs vidéoludiques.
Le générique donne le ton de cet amour pour les jeux vidéo avec brio.
High Score Girl est une série animé de 24 épisodes, divisée en deux saisons et 3 OAVs, tous disponibles en intégralité en France sur Netflix.
Nostalgie de gamer
Rensuke Oshikiri, mangaka et créateur du manga original sur lequel est basé High School Girl, est né en 1979. Autant dire que cet âge d’or des bornes d’arcade, il l’a vécu et bien vécu ! C’est ce qui lui a donné l’idée de créer ce manga en 2010. Son œuvre est vraiment une ode à cette grande période où les meilleurs jeux ne se trouvaient pas nos salons mais dans des salles dédiées sur des machines à la puissance sans équivalent qui permettait des graphismes incroyables pour l’époque. La série se passe sur plusieurs années et l’on suit les personnages à l’école, au collège, puis au lycée.
Nous y constatons donc avec tristesse la baisse d’intérêt progressive pour ces temples du gaming alors que les consoles sont de plus en plus puissantes, jusqu’à surpasser purement et simplement les machines d’arcade en qualité. En une décennie, avec l’arrivée de la Super Nintendo et encore plus de la Playstation, les joueurs vont peu à peu délaisser les salles et finalement jouer chez eux.
High Score Girl veut rendre hommage à tous ces jeux qui nous ont piqué nos pièces dans les années 90 et que nous avons pourtant continué à nourrir avec le sourire (votre serviteur a laissé pas mal de son argent de poche à essayer de finir Final Fight !). La série, comme un fan érudit, nous couvre d’informations sur les jeux et sur les techniques à utiliser pour gagner. Par le biais du personnage d’Haruo et de son enthousiasme, nous replongeons avec délectation dans ce monde de combine et de coups spéciaux compliqués à sortir mais qui, à chaque exécution réussie, nous couvraient de fierté.
On y suit également l’évolution des jeux de combat en arcade. Au départ en 1991, Street Fighter 2 de Capcom régnait en maître incontesté avant que SNK vienne mettre son grain de sel pour contrer sa suprématie. De Fatal Fury (1991) à World Heroes (1992) en passant par Samurai Shodown (1993) et le désormais culte Kings of Fighters (1994), la concurrence fut rude entre les deux firmes japonaises. Sega fut également de la course avec Virtua Fighter (1993), considéré comme le premier jeu de combat en 3D. Mortal Kombat de Midway viendra lui aussi s’inviter à la fête en 1992 avec son approche sanglante et ultra violente. L’animé inclut cette préhistoire des jeux à son intrigue sans jamais avoir l’air de réciter une fiche Wikipédia.
Tout ce que l’on voit à l’écran, c’est la passion d’Haruo et la nôtre avec.
Plus que l’amour des pixels
Plus qu’une simple ode à l’univers des jeux vidéo, High Score Girl n’en oublie pas de parler de la dure réalité de certains pans de la société japonaise. Nous ne pouvons qu’être tristes de voir la pauvre Akira sur qui la pression est mise dès le plus jeune âge pour représenter l’image parfaite de sa famille. Elle n’a aucune liberté de manœuvre et doit tout simplement n’avoir aucun défaut pour plus tard être le visage de sa lignée. Les jeux vidéo lui sont, bien entendu, interdits sous son propre toit et elle trouve une échappatoire à cette existence, presque carcérale, dans les salles d’arcade. Elle peut s’y défouler et relâcher sa frustration en jouant à des jeux de combat.
Sa rencontre avec Haruo est un vrai choc culturel, lui qui est tout simplement son opposé. Issu d’une famille modeste, il vit une existence légère et simple, même si son arrivée au collège va lui rappeler qu’il faut tout de même travailler s’il veut avoir la chance d’aller dans un bon lycée. Les deux se tirent vers le haut, autant dans leur maîtrise des jeux vidéo que dans le besoin de se découvrir au quotidien. Si le cœur de leur relation manque un peu d’originalité, la façon de le traiter est plutôt fraîche.
Explosion de codes
Tout d’abord, il faut savoir que le personnage d’Akira ne prononce jamais un mot. Tout passe par son regard et quelques soupirs, voire grognements. Autre originalité de la série, les personnages du jeu vidéo Street Fighter 2 invitent souvent leurs pixels à l’écran pour conseiller et soutenir le duo. Ainsi, il n’est pas rare de voir Guile du côté de Haruo et Zangief de celui d’Akira. Ils ne sont pas les seuls et chaque surgissement impromptu d’un personnage pousse au rire. En cela, un des derniers plans de la série est absolument fabuleux.
High Score Girl est une série vraiment drôle également grâce à ses seconds rôles très réussis, avec une mention spéciale pour la mère d’Haruo et la sœur d’Akira, véritables tornades de moments gênants et foncièrement hilarants quand elles essaient de s’immiscer dans la relation entre leurs deux protégés.
Si les bornes d’arcade de votre enfance vous manquent, ne passez pas à côté de cette série qui en réveillera en vous la nostalgie et vous donnera envie de vider une dernière fois votre tirelire de pièces de 5 francs dans une borne de Final Fight. A l’heure où les salles d’arcades ferment les unes après les autres au Japon, High Score Girl résonne finalement très actuel et nous laisse partager un passé qui nous a tant donné et va beaucoup nous manquer.
ROUND ONE ! FIGHT !
Stéphane Hubert
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