La semaine dernière, quatre responsables de bars (trois à Kyoto, un à Kobe) ont été arrêtés sans ménagement par les forces de police. Ils sont soupçonnés d’avoir mis à la disposition de leurs clients des consoles et des jeux vidéo en libre disposition, sans s’être acquittés de droits d’auteur auprès des fabricants. C’est la première arrestation de ce type au Japon.

En avril dernier déjà, trois « video game bars » avaient été épinglés à Osaka pour violation de droit d’auteur, sans avoir entrainé d’arrestation. Après avoir reçu des avertissements de l’ACCS (l’Association du droit d’auteur pour les logiciels informatiques), leurs gérants ont décidé de fermer les portes de leurs bars le 29 juillet à l’expiration de leur bail. Mais cette semaine, c’est la première fois que des responsables d’établissements se voient passer les menottes aux poignets pour ce genre de « délit ». On leur reproche d’avoir laissé leurs clients jouer à des consoles de salon (Nintendo, Sega, Playstation,..) sans payer des droits aux grandes marques du domaine.

Cette fois-ci, quatre établissements sont mis en cause : les bars « Amusement Bar Colorful«  & « Game Bar Clantz«  à Kyoto et les bars « Game Bar Fanati » & « Game Bar Equlit » à Kobe. Il s’agit le plus souvent de petit bars de passionnés de l’univers des jeux-vidéo. Tout comme les bars d’Osaka, ils mettaient gratuitement des jeux vidéo à la disposition des clients qui s’acquittaient seulement d’un forfait boisson allant de quelques centaines à quelques milliers de yens par heure ou heure et demi selon l’offre. Les fabricants de jeux vidéo ne percevaient cependant pas de droits d’auteur pour l’utilisation de leurs jeux. En effet, ces bars estiment qu’ils offraient simplement des forfaits de boisson « nomihodai » alors que l’accès aux jeux était entièrement gratuit. Leurs gérants avaient reçu des avertissements de l’ACCS qu’ils avaient choisi d’ignorer pour ces raisons. Mais au Japon on ne badine pas avec les règles, aussi farfelues ou injustes soient-elles.

Akihabara, le quartier de Tokyo pour les fans de jeux vidéo

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Une descente des forces de police dans ces bars a finalement été menée mardi et mercredi dernier par les autorités de Kyoto. Elle y a confisqué 30 consoles, anciennes ou récentes comme la PS4 et la Nintendo Switch, ainsi que 1 100 jeux vidéo dont des hits récents tels que Monster Hunter World de Capcom et Mario Kart 8 Deluxe de Nintendo. Dans la foulée, elle a arrêté les gérants : Ryo Koishima (32 ans) du « Amusement Bar Colorful » et deux frères, Haruto et Yuki Nishio, (29 et 32 ans) dont le « Game Bar Clantz » rapportait 1,5 million de yen (environ 12 000 €) brut par mois.

Des consoles rétro mais aussi récentes. Source : youtube

Même scénario à Kobe où mercredi dernier la police locale a mis en état d’arrestation Hironori Kin (31 ans), gérant des deux bars cités ci-dessus où les joueurs pouvaient s’adonner « gratuitement » (contre forfait boisson) à des jeux prisés comme Monster Hunter World de nouveau et Splatoon 2 sans que leurs créateurs, respectivement Capcom et Nintendo, ne perçoivent de droits d’auteur. Pourtant, une large part des jeux confisqués semblent être du seconde-main et des jeux plus ou moins anciens. Les autorités ne reprochent donc pas aux bars de vendre illégalement des jeux et encore moins de pratiquer la copie, mais bien de donner accès aux consoles à des clients contre une forme de rémunération (forfait boisson). Ainsi, la police prend ici la défense des intérêts privés des grandes marques japonaises du jeu vidéo. De leur point de vue, un joueur qui ne paie rien pour accéder à une console, c’est un joueur qui n’achètera pas cette console chez lui…

Une grande collection de jeux vidéo saisie. Source : youtube

En début d’année, en guise de coup de semonce, l’ACCS avait appelé les video game bars à respecter la loi sur les droits d’auteur dans un communiqué spécial. Des poids lourds japonais du secteur vidéoludique, Nintendo, Sony et Capcom avaient eux porté plainte contre ces bars aux pratiques pas très légales en mai et juin, conduisant à ces arrestations. Après une temps de tolérance, la répression semble avoir pris le relais et risque peut-être même de faire jurisprudence. Est-ce que les arrestations vont se multiplier ? Combien de bars de ce type sont réellement en conformité avec la loi et risquent la fermeture ? Et à terme quels seront les impacts sur les habitudes des clients de ces bars très nombreux au Japon ? L’avenir devrait répondre à ces questions prochainement, mais le ton semble dorénavant donné.

Des espaces de socialisation en perdition

Pour avoir testé nombres de ces bars à jeux vidéo, Poulpy peut témoigner de l’atmosphère particulière qu’on y trouve. Loin des salles d’arcade aux éternels joueurs solitaires qu’on peut croiser dans la ville électrique d’Akiabara, ces bars à jeux sont avant tout des lieux d’intimité confortables où de vrais amateurs de jeux vidéos se retrouvent en petits groupes pour échanger un bon moment. Ces lieux remplacent un peu les salons qu’un grand nombre de japonais n’ont pas le luxe d’avoir chez eux faute d’espace. L’expérience qu’on peut y vivre, même en tant que simple visiteur curieux, est assez unique. Les lieux de socialisation étaient relativement rares au Japon, les bars à jeux représentent donc des espaces de liberté en perdition.

À quelques minutes de Ueno, à Kita-senju, un français a décidé d’ouvrir son propre bar « geek » retro-gaming il y a quelques années : le Flash Back. Situé au 足立区千住二丁目31白石ビル3F (Google Maps est ton ami), on y trouve des milliers de jeux retro sur toutes les consoles que vous pouvez imaginer. Certains jeux, d’une rareté absolue, valent plusieurs centaines d’euros. Ici règne cette atmosphère bien particulière héritée des années 80 et 90. Tout est dédié au culte du jeu vidéo rétro. Le rêve pour les fans du genre. La particularité, c’est que ce sont les clients eux-mêmes qui apportent et laissent leurs propres cassettes de jeux que le bar gardera précieusement. Par ailleurs, on n’y trouve pas de forfait de boissons à volonté contrairement aux bars incriminés sur Kyoto. Chaque boisson est vendue séparément, et l’accès aux jeux est entièrement gratuit sans condition, ce qui permet à ce type de bar de passer entre les mailles filets de l’administration japonaise, pour le moment…

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S. Barret


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Sources : kotaku.com / mainichi.jp / japantimes.co.jp / kotaku.com / asahi.com