Lors d’une visite dans un sanctuaire ou un temple japonais, il est possible de se procurer des ema (絵馬), de petites plaquettes en bois sur lesquelles on peut inscrire ses vœux afin que les divinités les exaucent. En dehors de cet aspect religieux, les ema font également de parfaits souvenirs à ramener. Il est d’ailleurs fort probable qu’à la lecture de cet article, vous ayez également envie de les collectionner…

Les ema (絵馬) sont des plaquettes en bois sur lesquelles on peut inscrire un vœu. Tout comme les fameux omikuji en papier qui prédisent la (mal)chance au Japon, on peut se les procurer dans un sanctuaire ou un temple en échange de quelques yens, en général entre 500 et 1000¥. Il suffit ensuite d’inscrire son souhait au dos de la plaquette et de l’accrocher sur un présentoir spécial, appelé emakake (絵馬掛け), pour que les divinités puissent le lire en toute tranquillité.

L’histoire lointaine des ema…

Tunnel d’ema (@Aki yama Flickr)

Ema signifie littéralement « image de cheval », car à l’origine pour espérer obtenir les faveurs des divinités on amenait des chevaux au sanctuaire comme offrande. Le cheval étant considéré comme la monture des kami (divinités shintô), on pensait qu’en offrant un cheval au sanctuaire les divinités seraient contentes et accorderaient ainsi leurs faveurs plus facilement.

Selon le Fudoki de la province d’Hitachi, un rapport datant de 713, cette coutume commença sous le règne de l’empereur Sujin (-96/-29), considéré comme faisant partie des empereurs légendaires. Cependant, comme offrir un cheval était un don assez coûteux que tout le monde ne pouvait se permettre, il fut décidé dès l’époque de Nara (710-794) de remplacer les vrais chevaux par de petites statuettes de chevaux, appelées « umagata ». Par la suite, les figurines furent finalement remplacées par des effigies de chevaux dessinées sur une planche de bois.

Bien que les ema soient à l’origine une tradition issue du Shintô, on trouve également des ema dans des temples bouddhistes et dans d’autres lieux de culte, comme par exemple le Yushima Seidô, un temple confucéen situé à Tokyo.

Comment écrire un vœu sur son ema ?

Ema à l’effigie d’un dragon (@arty822 Flickr)

Avant d’acheter un ema pour y inscrire un vœu, il est recommandé d’aller prier les divinités vénérées dans le sanctuaire/temple concerné. Mais en ce qui concerne les vœux qu’il est possible de formuler, il n’y a pas vraiment de règles. Ils peuvent concerner la famille, la santé ou encore l’amour. Comme chaque divinité est associée à une ou plusieurs fonctions spécifiques (mariage, protection des naissances, études…), lorsque l’on a un souhait bien précis on se rend en général dans un lieu où est vénérée la divinité en question. Ainsi, avant un examen important, un étudiant ira très souvent prier Tenjin, la divinité des études.

Il n’y a pas non plus de règles en matière d’écriture : le vœu peut être écrit à l’horizontale ou à la verticale et il n’est pas non plus obligé de l’écrire en Japonais. Auparavant, il était commun d’inscrire en même temps que son vœu, son nom et son adresse, mais dans un souci de protéger la vie privée, plus personne ne le fait depuis le début des années 2000.

Collectionner les ema

Ema en forme de kitsune du sanctuaire Fushimi Inari-taisha (@annintofu Flickr)

Si à l’origine tous les ema étaient à l’effigie de chevaux, ce n’est plus réellement le cas de nos jours. Dans un souci de se démarquer et d’adapter les ema aux différents lieux de culte, on trouve désormais quantité d’effigies différentes. On trouve par exemple des ema à l’effigie de l’animal du zodiaque de l’année en cours ou encore des ema à l’effigie d’un objet ou d’un animal en rapport avec le lieu de culte.

Par exemple, il existe deux types d’ema que l’on peut acheter au sanctuaire Fushimi Inari-taisha (Kyôto), dédié à Inari la divinité des céréales : un ema en forme de torii, car le sanctuaire contient une allée avec des milliers de torii, ces célèbres portes rouges symboles du Japon, mais aussi un ema en forme de renard, car ce sont les messagers d’Inari.

Le fait que certains lieux de culte aient leur propre ema donne forcément envie aux visiteurs de les acheter pour les collectionner. Ainsi, même si la fonction première d’un ema est de pouvoir formuler un vœu à l’intention des divinités, depuis plusieurs années beaucoup de touristes, Japonais comme étrangers, achètent des ema sans forcément prendre la peine d’y inscrire un vœu, afin de les ramener chez eux en souvenir.

Qu’est-ce que les ita-ema ?

Ema sur lesquels on a dessiné, au sanctuaire Kanda-Myôjin de Tokyo (@Mikkor Hatsunica Flickr)

Les ita-ema sont des ema sur lesquels on a dessiné à la main des personnages de manga ou d’animés. Ce sont les visiteurs eux-mêmes qui dessinent sur les ema et comme les dessins sont en général de très grande qualité, ils sont extrêmement populaires. Cette coutume est née en 2008 au sanctuaire Kanda-Myôjin de Tokyo, car il est situé à proximité du quartier d’Akihabara, haut lieu de la culture du jeu vidéo et du manga/animé.

La popularité des ita-ema s’est également accrue ces dernières années avec l’avènement des « pèlerinages », effectués sur les lieux où se déroulent les films et animés par les fans. C’est le film d’animation Your Name (Kimi no Na wa), réalisé par Makoto Shinkai, qui a vraiment mis sur le devant de la scène cette pratique de voyage. Le lac du film est inspiré de celui de Suwa (Préfecture de Nagano), ce qui a attiré bon nombre de touristes depuis la sortie du film.

Les pèlerinages sur ces lieux sont appelés « Anime Seichi Junrei » en japonais, soit « pèlerinage en terre sainte de l’animé » ; et lorsqu’il s’agit de sanctuaires, les fans ont pour habitude d’y laisser des ita-ema à l’effigie des personnages. C’est par exemple le cas du sanctuaire Washinomiya-jinja 鷲宮神社 (préfecture de Saitama) qui apparaît dans l’animé Lucky Star.

Que deviennent les ema accrochés dans les sanctuaires et temples ?

Ema brûlés lors du festival Dondo-yaki (@GetHiroshima.com Flickr)Comme de nombreuses personnes accrochent des ema lors de leur visite dans un sanctuaire ou un temple, l’espace vient vite à manquer. Les ema sont alors régulièrement décrochés et chaque année brûlés lors d’un festival intitulé Dondo-yaki (どんど焼き) – le nom dépend toutefois des régions.

Au moment du nouvel an, il est coutume d’effectuer une première visite au sanctuaire ou au temple. C’est lors de cette première visite, appelée Hatsumôde (初詣), que l’on ramène au sanctuaire tous les objets achetés pour le nouvel an, mais aussi ceux que l’on s’est procurés (omamori, daruma…) l’année d’avant pour en acheter d’autres, car ils perdent leur pouvoir de protection. Ces objets, ainsi que les ema, sont alors jetés dans un bûcher lors d’une cérémonie, qui a lieu aux alentours des 15 janvier de chaque année.

– Claire-Marie Grasteau


Image d’en-tête : ema (@/Flickr)