Le Japon, bien que particulièrement sûr, a lui aussi hébergé des monstres. Et nous ne parlons pas de personnages du folklore japonais, encore moins de Yôkai. Ici, il est question d’un monstre à visage humain. Récit…
Dans cette affaire, les victimes furent d’innocentes petites filles, victimes de la perversion d’un homme particulièrement déviant : Tsutomu Miyazaki, Alias « le tueur Otaku ».
Mais qui était ce personnage abject, et comment est-il devenu le symbole de l’horreur dans un lieu aussi sûr que le Japon des années 80 ?
L’enfance perturbée d’un futur monstre
Tsutomu Miyazaki, né en août 1962, est le premier enfant d’une famille aisée. Son père était le patron du journal Akikawa Shinbun, une publication très populaire à l’époque des faits. Sa naissance fut difficile. Prématuré, il garda des séquelles toute sa vie, mais principalement une malformation congénitale.
Ses mains étaient difformes, avec les articulations soudées en certains points. Toute sa vie, Tsutomu Miyazaki aura des difficultés du fait de ce handicap qui le contraignait à adapter ses gestes.
« il fut victime de harcèlement scolaire durant sa petite enfance »
Sans surprise hélas, il fut victime de harcèlement scolaire durant sa petite enfance, ce qui le conduira à adopter des stratégies pour dissimuler son handicap. Comme par exemple, cacher ses mains dans des manches longues. Voire, porter des sweat-shirts en été malgré la chaleur pour les dissimuler dans ses poches.
À mesure qu’il grandissait, Tsutomu se refermait sur lui-même. Il n’avait aucun ami et était craintif. De plus, il adoptait cette attitude au sein même de sa propre famille. Pour ne pas arranger les choses, le jeune Tsutomu souffrait de l’absence de son père, qui était littéralement absorbé par son travail.
Afin de « compenser » le manque, ce dernier payait absolument tout à son fils : des mangas en quantité industrielle, des vêtements et toutes sortes d’objets. Bien loin de combler le vide affectif, cette situation alimentait l’isolement de Tsutomu. Et pour ne rien arranger, il n’avait littéralement aucune interaction avec ses petites sœurs.
« il s’agissait en fait des premiers signes d’une schizophrénie naissante »
C’est dans cette période que Tsutomu commença à converser avec un ami imaginaire, une créature mi-homme, mi-rat, baptisée « Rat-man ». Il était le seul capable de le voir et de l’entendre. Loin d’un exutoire pour combler sa solitude, il s’agissait en fait des premiers signes d’une schizophrénie naissante.
Bien entendu, à cette époque, la santé mentale était un tabou encore plus fort que de nos jours. Personne ne se souciait donc de cet ermite au sein de la famille. Celui-ci passait le plus clair de son temps à consommer des mangas, des films et divers types de productions.
La famille ne contrôlait pas du tout les contenus que leurs enfants absorbaient. C’est dans cette période que le jeune Tsutomu commença à se procurer du matériel pédopornographique, mais aussi des productions particulièrement violentes et non adaptées à son jeune âge. À l’âge de la découverte de la sexualité, dans une époque puritaine et un pays où l’éducation sexuelle est déficiente, tous les ingrédients étaient réunis pour l’apparition d’une paraphilie particulièrement problématique.
Pour ne rien arranger, ce père absent et omnipotent nourrissait de grands projets pour son fils. Il souhaitait que celui-ci intègre une grande université afin de reprendre les rênes de son journal, une entreprise alors très lucrative à cette époque. Mais la réalité fut tout autre. Bien que considéré comme surdoué dans son enfance, Tsutomu termina le lycée avec des notes médiocres.
« Il fut pris à de multiples reprises en train de photographier sous les jupes des filles »
Adieu donc la possibilité d’intégrer un établissement prestigieux. Tsutomu décida d’intégrer une école de photographie afin de vivre de sa passion. Cependant, son comportement déviant lui valut énormément de problèmes. Il fut pris à de multiples reprises en train de photographier sous les jupes des filles.
Seule une personne se souciait réellement de Tsutomu : son grand-père. Son seul et unique confident, le seul proche qui tenta réellement d’aider le jeune homme. Seulement, l’âge avancé de son grand-père provoqua l’inévitable. En 1988, Tsutomu, alors âgé de 25 ans, perd ce seul allié. Cet événement marqua le début de la longue descente aux enfers de celui qui passa à la postérité sous le nom de « l’assassin Otaku ».
La descente aux enfers
Tous les problèmes de Tsutomu empirèrent au décès de ce grand-père, pilier de son existence. C’est à cet instant qu’il accomplit son premier acte de « cannibalisme ». Il consomma les cendres de son grand-père afin que celui-ci continue à vivre en lui. C’est aussi dans cette période qu’il fut surpris par sa mère, alors qu’il filmait discrètement sa propre sœur en train de se laver.
Sa mère, désespérée par ce comportement, lui somma d’arrêter de regarder des films pornographiques déviants, ce à quoi Tsutomu répliqua en l’agressant physiquement. Désormais tombé dans une spirale de haine, sans aucun repère ni assistance psychiatrique, l’homme décida de passer à l’acte.
Août 1988. Mari Konno, une fillette de seulement 4 ans, se rend à pied au domicile de sa meilleure amie pour jouer. C’est alors qu’un homme, au volant d’une Nissan, l’aborde. Il est 15h. Il lui propose de l’emmener dans un endroit frais pour échapper à la chaleur. Seule et naïve, Mari accepte et monte avec l’inconnu.
Après 90 minutes de route, Tsutomu s’arrêta dans une forêt. Puis, il fit descendre la fillette et ils marchèrent 30 minutes. Mari, du haut de ses 4 ans, commença à comprendre que quelque chose ne tournait pas rond. Épuisée, dans la chaleur humide typique des forêts japonaises en août, elle se mit à pleurer. Pris de panique, l’homme étrangla Mari, qui décéda après une longue agonie.
C’est alors que Tsutomu accomplit ce qui deviendra par la suite son modus operandi. Il dénuda la victime, puis prit des photographies dans des positions plus obscènes les unes que les autres. Il abandonna le corps sur place, puis rentra chez lui comme si de rien n’était.
À 18 h, les parents de la petite Mari se rendirent compte de la disparition de leur enfant. Ils contactèrent immédiatement à la police, qui, compte tenu de l’âge de la disparue, déclencha les recherches. 50 000 affiches furent imprimées et déployées à travers le pays pour tenter de retrouver la petite. Deux témoins furent auditionnés par la police. Ceux-ci affirmèrent avoir vu l’enfant monter à bord d’un véhicule. Malheureusement, aucune description ne permit de tracer la piste du suspect.
Dans les semaines suivant la disparition, les parents de Mari reçurent de multiples appels téléphoniques. À l’autre bout de la ligne, aucune voix, seulement le son d’une respiration…
Le 3 octobre 1988, la petite Masami Yoshizawa, âgée de 7 ans, est seule dans la rue. Tsutomu suivit le même mode opératoire qu’avec Mari. Il l’aborda et réussit à convaincre la fillette de monter dans son véhicule. Une fois encore, celui-ci retourna dans la même forêt et reproduisit à l’identique le crime précédent. Cette fois encore, les parents de l’enfant reçurent des appels avec cette terrifiante respiration à l’autre bout du fil.
Cette fois-ci, la police n’eut plus aucun doute : un tueur en série rôdait dans les alentours de Tokyo. Et comment arrêter ce monstre, bien avant l’avènement de l’ADN et de la télésurveillance ? Comme dans beaucoup de cas à cette époque : à l’occasion d’une erreur commise par le criminel. Des erreurs que Tsutomu finit par commettre à mesure qu’il prenait confiance en lui.
Des crimes de plus en plus désordonnés
Décembre 1988. Tsutomu Miyazaki parvint encore une fois à faire monter dans son véhicule celle qui sera sa troisième victime. Erika Namba, 4 ans, fut amenée non pas dans la forêt des deux premiers crimes, mais dans un parking isolé à la périphérie de Tokyo. Cette fois-ci, le monstre commença par prendre des photos de la fillette dénudée sur la banquette arrière du véhicule. Mais soudainement, il vit une voiture arriver.
Pris de panique et ne sachant que faire, il étrangla la pauvre Erika Namba. Une mort aussi affreuse qu’inutile : le véhicule de passage n’avait même pas remarqué la présence de l’assassin. Il enroula le cadavre de la fillette dans un drap, puis la chargea dans le coffre.
Sous l’effet de l’adrénaline, Tsutomu fit une embardée et son véhicule sortit de la route. Une des roues se retrouva coincée dans un fossé. Bien évidemment, impossible de demander de l’aide, encore moins de faire venir une dépanneuse avec un cadavre dans le coffre. Il emporta alors la dépouille de la petite Erika afin de l’abandonner dans la forêt.
Mais stupeur : de retour à son véhicule, Tsutomu tomba nez à nez avec deux hommes intrigués par ce véhicule accidenté sans occupant. Il réussit à convaincre les deux inconnus qu’il était parti chercher de l’aide. Ceux-ci l’aidèrent à remettre sa voiture sur la route. L’assassin, une fois de plus, s’en tira à bon compte.
Peu de temps après, un randonneur trouva les vêtements de la petite Erika dans les bois. Les recherches menées dans la zone conduisirent la police à découvrir le cadavre d’Erika, abandonné à même le sol.
Les deux hommes qui avaient aidé Tsutomu se rendirent au commissariat en qualité de témoins. Ils purent fournir une description physique du suspect et son âge approximatif. Mais malheureusement ceux-ci se trompèrent en donnant des informations sur le véhicule. Ils confondirent la Nissan de l’assassin avec une Toyota Corolla. Malgré de nombreuses perquisitions, cette piste erronée fit perdre du temps aux enquêteurs dans leur traque du tueur en série.
Tsutomu Miyazaki devenait pire que le pire cliché du prédateur pédophile. À la manière du tristement célèbre Michel Fourniret, il arpentait les rues en voiture à la recherche de victimes isolées. C’est ainsi que durant plusieurs jours il aborda plusieurs fillettes, heureusement sans succès. Bien entendu, la tâche devint plus ardue, car la population était alertée, et les parents plus vigilants.
« le 6 juillet 1989, Ayako Nomoto, 5 ans, deviendra la 4ème victime du tueur Otaku ».
Malheureusement, le 6 juillet 1989, Ayako Nomoto, 5 ans, deviendra la 4ème victime du tueur Otaku. Avec le même modus operandi que les premières victimes : enlèvement en voiture, direction la forêt. Mais cette fois-ci, la petite Ayako vit les mains de l’homme. Ses mains difformes, qui lui avaient causé tant de souffrance dans son enfance. La fillette se met à rire en commentant à voix haute, comme le ferait n’importe quel enfant innocent en bas âge. Tsutomu entra dans une colère noire et étrangla l’enfant.
Il voulait lui faire payer ce qu’il considérait comme un affront. Cette fois, il commet l’impensable. Il ramène le corps de la fillette chez lui. Il violera le cadavre tout en prenant des photos et vidéos de ses actes pendant plusieurs jours. Puis, incommodé par l’odeur de décomposition, il finit par découper le cadavre et en abandonner les morceaux dans une forêt. Le corps fut retrouvé peu de temps après par la police.
La chute du tueur Otaku
Le 23 juillet 1989, à Tokyo, Tsutomu Miyazaki s’approcha de deux jeunes filles, deux sœurs en bas âge. Il attira la plus jeune dans sa voiture, et pour gagner du temps, il rassura l’aînée en lui promettant de revenir très vite. Lorsque la grande sœur âgée de 9 ans comprit l’anormalité de la situation, elle courut chez leur père pour l’informer de ce qu’il venait de se produire. Le père, alarmé, se précipita à la recherche de Miyazaki.
Il retrouva le tueur près d’un lac, où il vit sa fille dénudée et Tsutomu en train de prendre des photos d’elle. En état de rage, le père attaqua Miyazaki et réussit à sauver sa fille. Mais pendant ce temps, Tsutomu put s’échapper, profitant que le père était occupé à réconforter sa fille. Rapidement, le père appela les autorités qui ne tardèrent pas à se rendre sur place.
« le père attaqua Miyazaki et réussit à sauver sa fille ».
Nul ne sait quelle raison l’y poussa, mais Tsutomu Miyazaki prit le risque de revenir chercher sa voiture. C’est ainsi qu’il tomba droit dans l’embuscade tendue par la police et fut arrêté sans résistance.
Miyazaki pouvait-il distinguer le bien du mal ?
Le procès de Tsutomu Miyazaki révéla un personnage complexe. Les enquêteurs découvrirent chez lui les vidéos des crimes que Tsutomu Miyazaki avait tournées ainsi que des morceaux de cadavres. Lors de son interrogatoire, le criminel affirma qu’il avait agi sous l’influence d’un ami imaginaire, « Rat Man », qui lui dictait ses actes.
Les experts psychiatres conclurent qu’il ne faisait aucune distinction entre fiction et réalité, voyant ses victimes comme de simples personnages. Il fut diagnostiqué comme souffrant de schizophrénie et de trouble dissociatif de la personnalité.
Difficile alors de savoir si l’individu était en mesure de discerner le bien du mal. Ce détail a toute son importance dans ce type de procès. Un individu subissant une altération de discernement ne peut pas être condamné de la même manière qu’une personne consciente de ses actes. De fait, la défense tenta de négocier un internement à vie en hôpital psychiatrique. Le procureur avait quant à lui proposé la peine de mort. C’est d’ailleurs ce qui est généralement requis dans ce genre de crimes au Japon.
Bien entendu, l’homme fut l’objet d’une attention médiatique intense, qui ne tarda pas à se tourner vers sa famille. Des photos de sa chambre, remplie de mangas, furent largement diffusées, contribuant à forger l’image du « tueur Otaku » dans l’imaginaire collectif. Ce surnom marqua profondément l’opinion publique, l’intérêt du tueur pour les mangas et l’animation japonaise étant associé à ses crimes abominables.
La pression médiatique et la honte qu’il ressentit conduisirent le père de Miyazaki à se suicider en 1994. Celui-ci commença par publier des excuses publiques aux familles des victimes, déshérita son fils, puis ferma son journal. Il refusa de payer les frais d’avocat de son fils le reniant complétement avant de se suicider.
« le tueur Otaku, fut condamné à la peine de mort ».
Après un très long procès, Tsutomu Miyazaki, le tueur Otaku, fut condamné à la peine de mort. Au fil des années, de nombreux experts arrivèrent à la conclusion qu’il était conscient d’avoir causé du tord. C’est ainsi que l’un des assassins les plus vils de l’histoire du Japon fut condamné à mort le 17 juin 1998 et pendu 10 ans plus tard.
– Gilles CHEMIN
Sources :
-L’excellente vidéo de la chaine Youtube brésilienne Colecionador de Ossos : O serial killer OTAKU: Tsutomu Miyazaki | Documentário criminal
–Un pédophile cannibale condamné à mort à Tokyo. Tsutomu Miyazaki a été reconnu responsable de ses actes pour le meurtre de quatre fillettes en 1988-89. Libération, 15 avril 1997
–La Haute Cour de Tokyo juge le tueur en série Tsutomu Miyazaki. Tueursenserie.org, 23 novembre 2005
–Serial child killer Tsutomu Miyazaki, 2 others executed. Japan Today, 17 juin 2008
–The Case of Tsutomu Miyazaki: A Forensic Analysis of Japan’s Most Notorious Serial Killer. Forensics Digest.