Pas besoin d’être un grand et gros gabarit pour pratiquer le sumo en France ! Au sein du club Paris sumo, une douzaine de membres se retrouvent tous les dimanches pour s’affronter et pratiquer ce sport méconnu dans l’hexagone. Nous sommes allés exceptionnellement à leur rencontre pour vous faire découvrir leur univers singulier.
« Bon, on y est encore demain Walid ? » s’amuse un membre du club en installant le matériel. Un dimanche à 10 heures, il n’est pas facile pour tout le monde d’être tout-à-fait bien éveillé. Mais sept sportifs motivés sont présents et déplient une grande bâche sur les tatamis du gymnase Jean Dame, dans le deuxième arrondissement de Paris. Sur le plastique, chacun vient accrocher des demi-boudins pour former le dohyō, le ring. Bien loin des terrains d’argiles du sumo japonais, ce matériel a été imaginé et bricolé par le fondateur du club, Antoine Marvier.
En 2007, il a l’idée de rassembler les membres du forum « info sumo » pour essayer ce sport pour de vrai. Les amateurs de combats de sumo japonais à la télévision se sont alors retrouvés au bois de Vincennes : « On était une dizaine de personnes. Ensuite, on a pris l’habitude de faire ça une fois par mois ou par semaine. J’ai fini par louer une salle et j’ai créé le club en 2009. »
Dans le gymnase ce dimanche matin, il y a de tous les gabarits. Henri, un géant blagueur,
participe aux entraînements depuis plusieurs années : « Le terrain, c’est une bâche de remorque. Et avant, nos ceintures étaient des sangles de pompiers ! »
Les autres sportifs se préparent et une voix retentit : « Philippe, t’as quel Mawashi toi d’habitude ? » Le Mawashi, c’est un bout de tissu épais et long qui constitue l’uniforme de sumo. Enroulé autour de la taille comme une culotte et serré dans le dos, ces ceintures permettent certaines prises au combat. Des Mawashi traditionnels apportés par des amis du pays du soleil levant ont remplacé les sangles de pompiers, et certains portent des chaussettes pour compenser le manque de glissement du terrain normalement apporté par l’argile.
Un sport physiquement éprouvant
Les membres du club s’échauffent pendant plus d’une heure dans une ambiance bon enfant. Un nouveau est venu pour essayer ce sport : « Tu es un maigre aujourd’hui ! » lui lance Henri pour le taquiner.
Le début de l’échauffement est marqué par une course en cercle, des levés de genoux, des pas chassés et par beaucoup d’étirements : « On échauffe tout ce qui est poignets, bras, coudes, et bien sûr, le cou. »
Entre les exercices et les pompes, les blagues et les rires s’entrecroisent. Les apprentis sumo font ensuite un exercice propre à ce sport : des squats suivis d’un levé de jambe sur le côté. Thibaud, le nouveau président du club, explique : « Ça, c’est l’exercice fondamental des sumo. Ils en font 200 ou 300 minimum. »
Ensuite, chacun traverse la salle les jambes pliées comme des canards et les mains près de la tête. L’entraînement est très long et difficile mais nécessaire, car c’est un sport très physique, bien plus qu’on l’imagine. Par deux, les sportifs se font face et l’un doit pousser l’autre au torse avec les paumes de ses mains dans l’espoir de le faire reculer. L’autre doit résister et pousser fort sur ses jambes. Cela travaille la résistance et l’équilibre, et entre dans la catégorie du Oshi Sumo, qui regroupe les prises à distance avec les mains ou les prises au corps. On compte aussi le Yotsu Sumo, qui comprend essentiellement les prises à la ceinture.
Damien, la voix posée et les yeux clairs, fait partie du club depuis un an : « En fait, c’est très physique. On peut progresser très rapidement mais il faut beaucoup s’entraîner. Même des personnes très sportives sont épuisées après avoir pratiqué, car ce sport sollicite des muscles peu utilisés dans d’autres disciplines. » En chaussettes pour rendre l’exercice plus difficile, Damien explique qu’il faisait du judo et s’est intéressé au sumo en voyant les compétitions de première division. Il aime le côté stratégique de ce sport : « J’aime le côté instantané de la chose. Il faut prendre une décision tout de suite, s’adapter. Je n’ai jamais été aussi épuisé après un combat comme ça qu’après un match de rugby ou un combat de judo. »
Antoine, le fondateur du club de 52 ans, plaisante de sa grosse voix et dispense ses conseils, mais ne combat plus : « Je n’ai plus envie de pratiquer. Ça fait longtemps que je fais ça et j’ai trop de mal à m’en remettre. S’il y avait un vieil adversaire comme moi pourquoi pas, mais je ne peux pas me mesurer à des jeunes comme ça. »
En effet, les combats sont très courts mais très éprouvants. Les adversaires se retrouvent dans le cercle et se saluent, puis se positionnent accroupis et mettent les poings au sol. La dernière main posée marque le début du combat. Antoine donne des conseils au nouveau président qui a pris le relais : « C’est bien Thibaud, tu essayes vraiment toutes les bonnes armes. Mais ne le laisse pas t’attraper ! »
Les combattants luttent et tentent d’éjecter l’autre du dohyō. Ils s’attrapent la ceinture, frappent le torse de l’adversaire et se repoussent avec force et détermination. Chacun cherche des prises sur le corps découvert de l’autre, en veillant à bien rester stable sur ses appuis. Car ce qui est important dans le sumo, c’est bien sûr la force, mais aussi beaucoup l’équilibre : « Il faut trouver une situation où ma taille, mon poids et ma force ne sont plus un avantage. On ne bouge pas beaucoup les jambes, car on se mettrait soi-même en déséquilibre. » précise Henri, toujours le sourire aux lèvres derrière sa barbe foisonnante.
Le nouveau venu s’en sort plutôt bien : « Attention, il ne faut pas rentrer au combat tête baissée, c’est trop dangereux pour les cervicales ! » lui conseillent les initiés. La fin du combat retentit quand l’un des adversaires parvient à pousser l’autre du cercle.
Les difficultés de l’implantation du sumo en France
C’est grâce aux rediffusions des combats de sumo japonais que certains membres du club ont découvert cette discipline il y a plusieurs années. C’est le cas de Thibaud, membre depuis sept ans et nouveau président du club depuis cet été : « Mon attrait pour ce sport est dû au hasard finalement, et aussi parce que ça a touché ma sensibilité. »
Le jeune sportif n’est alors pas du tout familiarisé avec le soft-power japonais, tout comme Henri, qui connaissait pourtant l’histoire du Japon : « On n’est pas des Otaku en fait ! Même s’il y a des personnes qui sont venues essayer ce sport après avoir lu un manga sur le Sumo. » Démonstration que ce sport est ouvert à tous !
En France, le sumo n’est pas encore très populaire, notamment parce qu’il y a peu de diffusions des combats officiels sur les chaînes de télévision. Paris Sumo est en réalité le seul club national d’ampleur à ce jour : « Il y a aussi un petit club à Perpignan, mais ils ne sont pas aussi nombreux et réguliers qu’ici. »
Pour Antoine, c’est aussi un problème lié à la fédération : « Le sumo ne possède pas sa propre fédération, on est liés à celle de judo. Or, ce sont deux choses différentes et nos intérêts ne sont pas très bien servis. » L’ancien président a dû se battre pour permettre aux douze membres de pouvoir s’entraîner régulièrement : « Le dimanche à 10h du matin ce n’est clairement pas le meilleur créneau. Mais la liste d’attente est longue et c’est déjà un miracle d’avoir une place dans le public. Quant aux salles privées, elles sont beaucoup trop chères. »
C’est en Europe de l’Est que le sumo est très populaire, des pays avec une culture de la lutte déjà très ancrée. L’équipe féminine Ukrainienne est par exemple très engagée dans les Open européens, alors que le club parisien n’a encore jamais eu de membre féminin inscrit. Pour palier cela, Antoine ne voit qu’une solution : « Il faudrait que ce sport devienne une discipline olympique. Il y aurait des médailles à gagner, et les pays s’investiraient davantage pour mettre en avant le sumo. »
Le nouveau président aimerait emmener ses membres au Japon, pour faire des stages dans des écuries japonaises : « C’est très compliqué parce qu’ils acceptent peu les étrangers. Seules les universités acceptent mais avec des quotas. »
Thibaud continue tout de même la promotion de sa passion et est en train de créer un diplôme reconnu par l’État pour devenir formateur de sumo, une entreprise difficile face à la labyrinthique administration française : « Je suis content car je ne pensais même pas cela possible au départ. »
Zoé Bontems
Informations pratiques :
Paris Sumo : http://www.paris-sumo.fr/index.html
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