Après avoir levé le voile sur le harcèlement scolaire, le sexisme, et le non-respect des droits LGBT, Maisie Williams, la jeune actrice de 19 ans principalement connue pour son rôle d’Arya Stark dans la série culte Game Of Thrones, prend également la parole pour sauver les dauphins. Tout comme son personnage porté à l’écran depuis cinq ans, cette jeune femme courageuse n’a pas froid aux yeux : Maisie Williams s’est donc rendue elle-même au Japon pour informer la presse locale et internationale de la cause qu’elle défend, en présentant l’association pour laquelle elle est ambassadrice, Dolphin Project. Cette association à but non-lucratif a pour objectif de sensibiliser le public aux pratiques de capture et de chasse des dauphins, et le choix du pays du Soleil Levant n’est pas anodin, puisque la ville de Taiji pratique une tradition morbide dite ancestrale : une chasse annuelle de dauphins.

Le Japon est un pays sensible à la surpêche, et fait souvent parler de lui à très grande échelle sur ce sujet délicat. Le premier pays consommateur de thon s’est fait réduire de moitié ses quotas de capture du fameux poisson à la chaire rouge en 2014. Pire encore, l’archipel nippon devient systématiquement la cible des associations environnementales lorsqu’il ferme volontairement les yeux sur l’interdiction de chasse à la baleine, pour en tuer plus de 300 dans l’année, au nom de la recherche scientifique. Même si ces pratiques commencent à être connues par le grand public et restent marginales (moins de 7 baleiniers pour 127 millions d’habitants), la chasse réalisée de manière similaire sur les dauphins le sont beaucoup moins : c’est là que Dolphin Project entre en jeu.

Une chasse aux dauphins annuelle peu connue

Loin du système jeu-vidéoludique et éponyme de Nintendo, cette association créée le 22 avril 1970 par Richard O’Berry vise à protéger les dauphins, de la captivité et de la chasse, à travers le monde entier. L’ancien dresseur de Flipper, célèbre dauphin de la série des années 1960, côtoie les cétacés depuis plus de 45 ans, et connaît mieux que quiconque les besoins nécessaires au bien-être de ces mammifères. Depuis la mort d’un des cinq dauphins qu’il avait dressé pour la série, Ric O’Berry dénonce la capture et la pêche de ces animaux, et essaie par tous les moyens de toucher le plus de gens possible afin d’informer que de telles pratiques existent toujours aujourd’hui.

Pour ce faire, il signe et co-réalise le documentaire The Cove – La baie de la honte en 2009 mettant au jour la pêche de plus de 23 000 dauphins dans la très discrète et petite baie de Taiji, située dans la préfecture de Wakayama, qui a lieu chaque année au Japon sur une durée de six mois, de septembre à mars. Ce film, couronné de nombreuses récompenses dont l’Oscar du Meilleur Film Documentaire en 2010, a permis de sensibiliser le monde entier à propos de ces actes, ainsi que les habitants japonais du village de Taiji.

L’activiste demande régulièrement à des célébrités de devenir porte-parole pour la défense des dauphins, afin que le message puisse là encore, toucher le plus grand nombre, y compris dans l’archipel. L’actrice Daryl Hannah, et les musiciens Sting et Brian May, guitariste du groupe Queen, ont déjà porté leur soutien à la cause. Cependant, Maisie Williams va encore plus loin en devenant l’ambassadrice de l’association, portant avec elle toute une nouvelle génération de militants. Avec des millions de personnes qui la suivent sur les réseaux sociaux, Maisie Williams espère que sa venue à Taiji pourra faire avancer les choses, de nombreux japonais eux-mêmes suivant la série dont elle est une héroïne.

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Maisie Williams contre la captivité et la pêche des dauphins – Getty Images

Mort ou vif, le dauphin reste au cœur d’un marché fructueux

Dans un entretien accordé à Yuri Kageyama, l’actrice incarnant Arya Stark demande à tout le monde d’arrêter d’aller voir des spectacles aquatiques. Depuis Taiji, elle explique que le boycott citoyen reste le meilleur moyen d’arrêter la capture et l’abattage des dauphins au Japon : « Ces animaux traversent les océans tous les jours. Aucun bassin ne sera assez grand pour eux. »

En effet, même si le motif officiel du gouvernement est celui d’une pêche de tradition « pour la consommation de viande », c’est surtout lorsque les dauphins sont vivants qu’ils se vendent au prix fort, destinés à être dressés par la suite, puis enfin rendus captifs dans des delphinariums. La où la viande de dauphin rapporte 450 euros pièce environ, lorsqu’elle est destinée aux restaurants et aux konbinis, un dauphin choisi pour être dressé peut rapporter entre 130 000 et 270 000 euros chacun. Et ce business impliquant la petite ville reste très récent dans l’histoire. Même si le Japon compte à lui-seul plus de 50 delphinariums et aquariums, l’exportation de dauphins depuis la baie de Taiji se produit en masse, pour une distribution dans les 4 coins du monde : la Chine, la Corée du Sud, l’Iran, l’Égypte, l’Ukraine et les États-Unis font partis de cette liste de pays friands en dauphins, pris au piège durant cette période.

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Maisie Williams à Taiji face à un dauphin albinos – Lincoln O’Barry

Lors de son passage au Japon, Ms. Williams en a profité pour aller voir également les dauphins et les baleines de Mikurajima, au sud de Yokohama, rare endroit du Japon où ces espèces sont protégées et peuvent donc nager en toute liberté. En effet, il n’y a pas de généralités à tirer quand on prend le temps d’observer le Japon. La majorité des japonais ignoreraient ce triste trafic. L’actrice stipule d’ailleurs que sa venue n’est pas une attaque contre le Japon, Taiji, ou bien ses habitants. En effet, selon l’association, cette chasse sanglante, autorisée par le gouvernement, ne nécessite qu’une trentaine de pêcheurs seulement. Même au sein du village portuaire, peu d’habitant connaissent les détails de cette pèche très localisée. Les documentaires et informations concernant cette activité restent très contrôlées au Japon.

Des méthodes de chasse controversées

Depuis la sortie du film du fondateur de Dolphin Project, les méthodes de chasse ont changé, mais les souffrances infligées aux animaux sont toujours d’actualité. Avant le lever du soleil, les pêcheurs vont par bateau sur les cours d’eau où les dauphins migrent par milliers. Les bateaux, placés les uns à côté des autres, arrivent ensemble à former un cercle, entre eux et la baie. Les dauphins ne peuvent plus fuir. Munis de barres en métal, les pêcheurs frappent dans l’eau, non pas (encore) pour blesser les mammifères, mais pour créer un large son continu, qui brouillent leur sonar et leurs repères. Les dauphins, voulant s’éloigner de ces perturbations sonores partent dans la direction opposée et se retrouvent pris au piège. Les bateaux rejoignant progressivement la côte referment le cercle précédemment formé où les mammifères sont définitivement piégés : les filets n’ont plus qu’à être déployés pour les attraper. Même si cette prise au piège dure beaucoup moins longtemps qu’auparavant, la mise à mort des dauphins reste tout autant décriée que par le passé.

Les pêcheurs choisissent et épargnent les plus beaux spécimens, pour la captivité, et ne relâchent aucun animal une fois pris dans les chaluts. Les pêcheurs procèdent donc à la mise à mort de tous les dauphins en enfonçant une longue tige métallique dessous l’évent, l’organe qui lui sert à respirer hors de l’eau, pour tenter de briser la colonne vertébrale de l’animal. La mort soudaine n’étant pas systématique, certains dauphins mettent plusieurs minutes à mourir de douleur ou de noyade. Là où la méthode d’égorgement antérieure au documentaire transformait la baie en véritable plage de sang la moitié de l’année, les pêcheurs prennent désormais le soin de ne plus laisser une seule goutte de sang pour les raisons qu’on imagine. Tout d’abord, les pêcheurs installent une très longue bâche au-dessus des filets pour éviter toute profusion, et lorsque la tige métallique fatale est retirée du mammifère, une cheville en bois est vissée dans la chair de l’animal, pour colmater le trou laissé par la tige. Cette « évolution » de la pratique peine à convaincre.

« Cela m’a frappé droit au cœur. S’il y a bien une chose pour laquelle vous voulez vraiment vous battre et protester, c’est bien celle-ci : si chacun pouvait faire ne serait-ce qu’un petit peu pour ce qu’il croit, nous pourrions ensemble, je l’espère, faire de ce monde un endroit meilleur. »

Maisie Williams

Une note d’espoir…?

Durant sa visite sur la baie de Taiji, Maisie Williams n’a vu aucun crime de cétacés, mais ce n’est pas pour autant que la chasse n’aura pas lieu cette année, puisque le gouvernement a prévu un quota de 1820 dauphins abattus à Taiji en cette saison 2016-2017. Cette pratique se veut encore plus paradoxale quand l’argument de la tradition culturelle est invoqué : la première chasse aux dauphins sur la baie de Taiji a eu lieu en 1969 (24 ans après Hiroshima), pour les besoins du Musée des Baleines de Taiji, ce qui signifie que cette grande « tradition » n’aurait que 47 ans…

Pour ce qui est de la consommation de viande de dauphins, elle est de plus en plus décriée au Japon, pour les rares qui en consomment, notamment à cause de la trop forte présence de mercure dans cette dernière. N’ayant aucune réglementation appliquée en matière de toxicité, la viande de dauphin est l’une des viandes les plus contaminées au monde. En 2007, 67 personnes ont trouvé la mort à Taiji en raison d’un taux de mercure trop élevé présent dans la viande de dauphin qu’elles avaient consommé. Tout comme la viande de baleine, la viande de dauphin est délaissée par les nouvelles générations, désormais détachées du syndrome d’après-guerre et de ses pénuries, qui souhaitent voir ces pratiques cesser. D’ailleurs, il est très difficile de trouver un restaurant proposant ce type de mets sur Tokyo et dans les grandes villes. Mais pour mettre vraiment fin à cette pratique, il s’agira de réduire la demande la plus rémunératrice : celle des delphinariums qui sont les véritables acteurs de ce commerce.

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Maisie Williams observant les pêcheurs à Taiji – Lincoln O’Barry

– Yenool


Sources : Nautiljon / The Washington Post / The Cove

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