Dans un précédent article, Poulpy avait longuement détaillé les différents accessoires de la tenue d’une maiko et leur évolution au fil de sa carrière. Il avait notamment été fait mention de l’ornement floral « hanakanzashi » que la maiko porte dans ses cheveux et qui change tous les mois. Il est temps de se pencher sur cet élément incontournable de la parure d’une maiko pour en détailler toutes les variations au long de l’année. Les reconnaître permet d’identifier le mois durant lequel une photo de maiko a été prise. Mais surtout, cet accessoire rend compte du degré de raffinement de la tenue d’une maiko. Attention : article de passionné pour les passionnés !
Tout comme les motifs représentés sur leurs kimonos, les hanakanzashi des maikos évoluent pour correspondre à la saison et au mois en cours. À savoir aussi que des différences existent au sein de ces ornements selon qu’ils sont portés par une maiko junior ou senior. Pour faire simple, les hanakanzashi avec de multiples petites fleurs en boule sont portés par les plus jeunes, on les retrouve aussi plus à l’arrière de leur coiffure sur un pont « katsuyama » là où un peigne « kushi » prendra plus tard la place. Les maikos les plus seniors arborent une version avec seulement une ou trois fleurs plus grosses et elles portent désormais un kushi sur le sommet de leur coiffure. Les maikos avec moins d’un an d’ancienneté se voient rajouter un pendant « shidare » à leur hanakanzashi. Ces différences subtiles marquent pour les clients l’avancement de la maturité de la maiko.
Certaines fleurs peuvent aussi être arborées lors de plusieurs mois. Aussi Poulpy présentera en premier lieu les hanakanzashi les plus répandus et « exclusifs » au mois avant de mentionner les plus rares et portés sur plusieurs mois. Enfin, les exemples ici concernent les maikos de Kyoto mais les apprenties de Gifu et Nara respectent également ce calendrier.
Janvier
Pour le premier mois de l’année, les maikos portent un kanzashi revisité chaque année mais qui se base sur trois éléments immuables. Cette base est constituée de bambou, de pin et de fleur de prunier, un ensemble connu sous le nom des « trois amis de l’hiver » tout à fait approprié pour un mois de janvier situé au cœur de cette froide saison.


À noter que pour les cérémonies du Nouvel An, les maikos des quartiers de Pontocho et Kamishichiken portent un hanakanzashi « formel » avec souvent des motifs auspicieux comme la grue ou la tortue. Ce même type de hanakanzashi est porté lors des débuts d’une maiko (le « misedashi ») ou pour marquer la fin de sa carrière (le « sakkô ») avant de devenir geiko.

Février
Dans l’ancien calendrier japonais, l’année commençait en février, mois de la venue du printemps. La fête du Setsubun marquait cette arrivée et elle est d’ailleurs toujours célébrée le 3 février. À cette occasion, les maikos peuvent arborer un hanakanzashi spécial, le « kusudama ». Ce hanakanzashi rond rappelle les anciennes « boules de médecine » que les Japonais suspendaient devant leur porte pour faire fuir le mauvais air porteur de maladies après l’avoir fait bénir au sanctuaire lors de la première visite de l’année.

Pour le reste du mois de février, la fleur de prunier est à l’honneur, ce mois étant celui où les fleurs de prunier éclosent.


Plus rarement on peut voir des hanakanzashi avec des flocons de neige, des fleurs de camélia, des jonquilles et des narcisses, ces deux derniers se retrouvant aussi en mars.
Mars
En mars, les maikos arborent un hanakanzashi aux fleurs de colza jaunes. Vers la fin du mois s’y mêlent des fleurs de cerisier pour annoncer avril.

Ce kanzashi de mars ne présente pas de différence entre la version junior et senior.

Lors de la fête des petites filles « Hina matsuri » du 3 mars, les maikos peuvent avoir un hanakanzashi spécial. Seront aperçus plus rarement des hanakanzashi à motifs de fleurs de pêcher ou de pivoine.
Avril
Avril est le mois des sakura en fleur. C’est donc assez logiquement que le hanakanzashi d’avril est dédié à cette fleur. Aux fleurs de cerisier pourront se rajouter de petits papillons voir des lanternes « bonbori ».


Autre hanakanzashi d’avril, le papillon argenté ou doré.

Mai
Poulpy avait eu l’occasion d’expliquer que le mois de mai est celui qui voit fleurir la glycine. C’est logiquement la fleur du hanakanzashi de ce mois, de couleur généralement violette et parfois rose.


Autre fleur symbolique de mai, l’iris, aussi violette ou rose.

Assez rarement, on verra une maiko avec un hanakanzashi à motif de pivoine ou de gardénia.
Juin
Le mois de juin marque la saison des pluies au Japon, les fleurs & plantes qui y sont associées ont donc une relation avec l’eau. Le hanakanzashi de prédilection de juin est donc le saule…


…auquel s’ajoute l’hortensia.

Entre juin et septembre se porte aussi le hanakanzashi représentant des dianthus avec de l’herbe pour amener de la fraîcheur visuelle lors de ces mois chauds.

Plus rares sont les hanakanzashi avec des libellules. On voit aussi de nouveau de rares hanakanzashi à motifs de pivoine et de gardenia, mais aussi de nymphéa et de clématite (en juillet et août aussi pour cette dernière).
Juillet
L’été japonais est chaud et humide. Pour trouver un peu d’air, l’éventail est un accessoire indispensable. L’éventail rond « uchiwa » est donc le hanakanzashi tout trouvé pour juillet. A noter que pour la première fois il s’agit d’un objet et non d’une fleur même si de petites fleurs sont incrustées dans les éventails. Toshikana, une maiko senior de Miyagawacho avait eu un hanakanzashi avec un unique uchiwa marqué de son nom.

En juillet se tient le célèbre Gion Matsuri à Kyoto. À cette occasion, durant deux semaines, les maikos vont porter une coiffure et un hanakanzashi spécial dont le design sera chaque année nouveau.


Assez rarement, un hanakanzashi pour juillet et août présente un motif de feu d’artifice, en référence à tous les « hanabi » qui sont tirés lors des matsuri estivaux.
Août
Au cœur de l’été, les maikos arborent principalement des hanakanzashi avec de « l’herbe de la pampa » (« susuki ») aux reflets argenté et rose pour les maikos juniors et seulement argenté pour les seniors.


Plus rarement ce hanakanzashi prend une autre apparence. C’est aussi en août que fleurissent les volubilis, une fleur assez représentée sur le hanakanzashi de ce mois.
Septembre
L’été se finit et l’automne approche. Pour marquer le changement de saison le hanakanzashi de septembre arbore principalement la campanule.


Un peu moins courant, le hanakanzashi avec de la lespedeza « Hagi » auquel de petites campanules se combinent.

Octobre
Le mois d’octobre se trouve au cœur de l’automne. La fleur qui représente cette saison est sans conteste le chrysanthème qui se décline sous différentes formes et couleurs de hanakanzashi.




Le hanakanzashi à motif de pivoine peut rarement être porté en octobre. Tout comme le motif de la châtaigne vu en novembre également.
Novembre
En novembre, les Japonais aiment aller observer les feuilles d’érables rougeoyantes, « momiji ». On trouve donc sans surprise des hanakanzashi à feuilles d’érable…



…mais aussi à feuilles de ginkgo mêlées d’aiguilles de pin.

Décembre
Le Hanakanzashi de décembre ne comporte que deux variantes, la première pour la maiko junior et la seconde pour la maiko senior. Les deux types comportent deux (rarement trois) étiquettes verticales « maneki » reprenant le design des plaques de noms des acteurs de kabuki affichées sur la façade d’un théâtre. Car c’est au début de ce mois que la saison de kabuki débute. Les maikos se rendront aux premières représentations du théâtre Minamiza et feront signer en coulisses leur maneki aux acteurs (en rouge signent les acteurs interprétant les rôles féminins, en noir pour les rôles masculins).
Sur le motif junior on distinguera de nombreux petits objets porte-bonheur (pièce d’or, dé, flèche, hagoita etc.) sur une base de boulettes de riz accrochées à des branches, une décoration nommée « mochibana » .

Le motif senior comporte aussi le mochibana mais il se distingue surtout par la présence dominante de bambou et feuilles de pins.

Pour conclure, un dernier détail concernant des exceptions (il en faut forcément !). Il se peut à l’occasion de certains évènements – généralement des spectacles – qu’une maiko ne porte pas l’hanakanzashi du mois en cours. Par exemple, lors de la cérémonie du thé du Miyako Odori (spectacle de danse du hanamachi de Gion Kobu qui se tient en avril) la maiko qui assiste la geiko effectuant la cérémonie peut avoir un hanakanzahi de glycine, porté normalement en mai.
Vous voilà en possession d’un nouveau savoir sur cette culture si riche en symboles et en raffinement. De quoi éventuellement étinceler lors d’une visite au Japon mais surtout pouvoir détecter en un coup d’œil les nombreux « fakes-maikos » qui se baladent à Kyoto…
S. Barret
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