L’animation japonaise rend hommage au cinéma avec « Pompo the Cinéphile », véritable ode au divertissement et à sa Mecque américaine : Hollywood ! Une grande bouffée d’air frais qui place l’été sous le signe de la légèreté et de la bonne humeur.
Pompo the Cinéphile est un long-métrage d’animation de Takayuki Hirao, réalisateur de Gyo : Tokyo Fish Attack, adapté du manga de Junji Ito, et longtemps assistant du regretté Satoshi Kon, notamment sur Millennium Actress et Paranoia Agent. Il signe ici une nouvelle adaptation d’un manga en trois tomes de Shogo Sugitani.
On y suit Gene, assistant de Joel D.Pomponette, dite « Pompo », productrice de films de série B de « Nyallywood », la capitale mondiale du cinéma. Son créneau, comme elle le dit elle-même, se résume ainsi : « Tant que l’actrice principale est séduisante, c’est un bon film ».
Pompo accorde un jour au jeune Gene de réaliser le scénario qu’elle vient d’écrire : un drame délicat sur un génie artistique tourmenté, mettant en vedette l’acteur légendaire Martin Braddock et Natalie Woodward, une jeune actrice dans son premier rôle. Mais alors que la production se dirige vers le chaos, Gene pourra-t-il relever le défi de Pompo et réussir en tant que réalisateur pour la première fois ?
Plein les yeux !
Le film est très réussi esthétiquement avec une vraie pâte artistique : c’est coloré, les lumières brillent et les néons scintillent. Le studio d’animation CLAP fait un très beau travail et se positionne comme un des jeunes espoirs à suivre du secteur, notamment après avoir offert Tunnel to Summer.
Niveau narration, le duo Pompo-Gene nous emporte également avec lui dans son aventure pétaradante. Il faut dire que l’on ne peut faire plus dépareillé et c’est le principal moteur du film. D’un côté, la pétillante Pompo, véritable tornade à l’énergie jamais en berne et au débit mitraillette. De l’autre, Gene, avec ses lourdes cernes qui lui donnent un air de zombie et son côté lymphatique au bord de l’anémie. Mais on ne juge pas un livre à sa couverture et nos deux protagonistes sont en réalité traversés par des sentiments intérieurs bien éloignés de ce qu’ils montrent en surface.
Pompo cache ainsi une véritable fibre artistique qu’elle rêve d’exprimer pour rendre hommage à son grand-père et au cinéma. Quant à Gene, son regard endormi cache un œil de réalisateur, lui qui perçoit le monde environnant comme un plateau de cinéma. Dès le début du film, on voit d’ailleurs son œil se transformer en objectif de caméra alors qu’une scène le captive par la fenêtre du bus ; une des nombreuses trouvailles du réalisateur qui fait grimper en flèche notre cote d’amour et d’originalité pour Pompo the cinéphile.
Le plaisir de se faire embobiner
Dans le long-métrage, on parle de créativité, de passion, d’histoires personnelles qui sont tellement importantes aux yeux des créateurs qu’ils veulent les raconter et les partager avec le monde entier.
« Le bonheur détruit la créativité » assène Pompo. Et c’est justement parce que Gene ne se sent pas en phase avec la réalité qu’il veut créer la sienne en 24 images par seconde. Ici, tout est question d’alignement des hasards qui, parfois, font naître une harmonie entre le fond, la forme, le présent et le passé. Et quand cette alchimie fonctionne, le résultat à l’écran enchante, et Pompo the Cinéphile étaye ce propos.
Le long-métrage met en avant cette quête dans son scénario, véritable ode aux faiseurs d’étincelle. Cette folie se ressent même dans sa mise en scène.
Le grand bal de la créativité
Takayuki Hirao s’amuse en effet beaucoup avec son film, saupoudrant son matériau animé de tous les excès possibles. L’inventivité est partout dans la mise en scène et les transitions qui se permettent toutes les excentricités et les fantaisies.
Pompo casse l’écran par-ci, gonfle pour étayer sa théorie sur la durée des films, le pop-art cher à Roy Lichtenstein s’invite subitement, les bobines claquent dans l’obscurité alors que Gene s’imagine les découper au sabre en plein montage d’une bande-annonce… C’est un véritable feu d’artifice qui subjugue et nous fait comprendre l’intention du metteur en scène : redonner au spectateur l’amour de l’image mouvante, libre et créative propre au cinéma.
Il disperse également dans son film des références aux grands films d’Hollywood des années 70 et 80. Une affiche rappelle Little Big Man, un fond d’écran de téléphone est à l’effigie de Travis Bickle de Taxi Driver, le personnage de Martin Braddock est plus qu’inspiré par Marlon Brando… Le spectateur s’amuse ainsi beaucoup au jeu des 100 secrets cachés.
« C’est le cinéma que le film défend et c’est exactement ce qu’il est lui-même ».
Pompo the cinéphile ne manque ainsi pas sa fonction première de divertir avec fougue, bienveillance et originalité visuelle. On ressort de la salle les yeux pleins d’étoiles et un grand sourire sur le visage. C’est le cinéma que le film défend et c’est exactement ce qu’il est lui-même.
Pompo nous confie dans le film que la durée parfaite pour un long-métrage est de 1h30, soit celle du long-métrage dont elle est l’héroïne. Mission accomplie pour la mise en abime !
Le film est distribué par Art House et à retrouver au cinéma en France dès le 3 juillet.
– Stéphane Hubert