Véritable héros national, Yamato Takeru est connu pour avoir vaincu de nombreux ennemis, mais aussi avoir conquis les peuples « barbares » qui refusaient de se soumettre à la Cour impériale. Sa légende se nourrit d’une histoire nippone férue d’esprit guerrier et particulièrement belliqueuse. Récit de sa légende.
La figure de Yamato Takeru est célèbre dans le pays, mais ce qui frappe le plus les japonais dans les exploits de ce personnage, ce n’est pas la force avec laquelle il est parvenu à défaire ses ennemis, mais plutôt son esprit rusé… Portrait.
![](http://japanization.org/wp-content/uploads/2025/01/2-yamato-takeru-estampe.jpg)
Qui est Yamato Takeru ?
Yamato Takeru 日本武尊, né sous le nom d’Ôsu 小碓命, est le 3e fils de l’empereur Keikô, le 12e empereur japonais. Avec son père, ils font partie des empereurs et héros légendaires japonais, c’est-à-dire que leur existence n’est pas prouvée historiquement. Les aventures de Yamato Takeru, qui se déroulent au cours du 2e siècle, sont racontées principalement dans le Kojiki et le Nihonshoki, les deux premiers ouvrages japonais rédigés au 8e siècle.
« le Kojiki et le Nihonshoki furent commandés par la Cour impériale afin de conserver une trace écrite de l’histoire du pays, mais aussi d’asseoir la domination de l’empereur »
Ces deux ouvrages furent commandés par la Cour impériale dans le but de conserver une trace écrite de l’histoire du pays, mais aussi d’asseoir la domination de l’empereur, puisqu’il descendrait directement d’Amaterasu, la divinité du soleil. Il existe quelques différences entre les récits du Kojiki et du Nihonshoki, c’est également le cas pour Yamato Takeru. Pour cet article, nous suivrons principalement les récits du Kojiki, car ils mettent davantage en avant les différents exploits de Yamato Takeru.
Un jour, l’empereur Keikô demande au prince Ôsu, futur Yamato Takeru, d’aller rappeler à son frère aîné ses devoirs, car il ne prenait pas la peine d’assister aux repas du matin et du soir. Après cinq jours sans réponses, l’empereur finit par demander à Ôsu des nouvelles. C’est alors que le prince Ôsu lui répond, en toute simplicité, qu’il s’est chargé de l’affaire en arrachant les bras et jambes de son frère aîné…
Effrayé par le comportement de son fils, l’empereur décide de l’éloigner un peu en lui confiant une mission : soumettre le peuple Kumaso 熊襲, installé au sud de l’île de Kyûshû (une des quatre îles principales du pays), et plus précisément dans la préfecture actuelle de Kumamoto.
![](http://japanization.org/wp-content/uploads/2025/01/3-statue-yamato-takeru.jpg)
Les aventures de Yamato Takeru
Avant d’aller à Kyûshû, le prince Ôsu décide de s’arrêter à Ise pour rendre visite à sa tante Yamato-hime, qui est la fondatrice et la prêtresse du sanctuaire Ise-jingû, le sanctuaire le plus important du Japon et dédié à Amaterasu, l’ancêtre de la famille impériale. Il en profite alors pour lui emprunter des vêtements féminins…
Le peuple Kumaso comporte deux grands chefs, que le prince Ôsu ne compte pas affronter à l’aide de sa seule force. Étant d’une grande beauté, il décide de s’en servir à son avantage et de se travestir. C’est ainsi sous les traits d’une belle jeune fille qu’il se rend au festin organisé par les deux chefs Kumaso.
Le plan du prince Ôsu fonctionne parfaitement et les deux chefs l’invitent à leur table où l’alcool coule à flot. Une fois tout le monde ivre, Ôsu frappe et tue l’un des chefs. L’autre en profite pour s’enfuir, mais est très vite rattrapé par Ôsu. Sur le point de mourir, il insiste pour connaître la véritable identité de son agresseur…
![](http://japanization.org/wp-content/uploads/2025/01/4-yamato-takeru-mont-ibuki.jpg)
Ôsu lui révèle qu’il est le fils de l’empereur, envoyé pour mettre un terme à leur rébellion. Le chef Kumaso lui donne alors le titre de Yamato Takeru « le brave du Yamato », car il a réussi à battre les deux chefs les plus courageux du pays. Ayant réussi sa mission, Yamato Takeru rentre alors chez lui.
L’empereur, satisfait, décide de le renvoyer immédiatement en mission, peut-être aussi un peu pour le maintenir éloigné. Cette fois-ci, Yamato Takeru est envoyé pacifier le pays d’Izumo 出雲, dans l’ouest de l’île principale d’Honshû, sur le point de se soulever lui aussi.
Pour vaincre le chef d’Izumo, il a l’idée de remplacer la lame de son épée par une lame en bois. Une fois arrivé à Izumo, Yamato Takeru est plutôt bien accueilli et passe même du temps avec le chef d’Izumo. Puis un jour, il propose à ce dernier d’échanger leurs épées et de s’entraîner. Il accepte et se retrouve donc avec l’épée en bois… Ni une ni deux, Yamato Takeru le blesse mortellement et rentre à nouveau chez lui.
« Yamato Takeru regrette que son père l’envoie constamment affronter de grands dangers et se demande si au final il ne cherche pas à ce qu’il meurt au combat ».
Ce n’est toujours pas assez pour l’empereur, qui l’envoie à la conquête des Emishi 蝦夷, un peuple du nord-est de l’île principale d’Honshû (région actuelle du Tôhoku). Sur le chemin, il s’arrête à nouveau pour voir sa tante à qui il se confie, comme s’il savait déjà que cette mission serait la dernière… Yamato Takeru regrette que son père l’envoie constamment affronter de grands dangers et se demande si au final il ne cherche pas à ce qu’il meurt au combat.
![](http://japanization.org/wp-content/uploads/2025/01/5-tombe-yamato-takeru-nobono.jpg)
La fin du héros légendaire
Émue, Yamato-hime va alors lui confier l’épée légendaire Kusanagi no tsurugi, trouvée dans la queue du serpent Yamata no Orochi par Susanoo, la divinité des tempêtes.
Cette épée fait partie des Sanshu no jingi 三種の神器, les trois trésors sacrés du Japon, avec le miroir Yata no kagami et le bijou Yasakani no magatama, donnés par Amaterasu à son petit-fils Ninigi, au moment où il est descendu sur Terre. En plus de l’épée, Yamato-hime va également confier à Yamato Takeru un sac à n’ouvrir qu’en cas d’extrême danger…
Il repart donc vers l’est, accompagné de sa femme Oto Tachibana, et affronte sur son chemin de nombreux ennemis. Un jour, il tombe dans un guet-apens et se retrouve encerclé par les flammes. Il décide alors d’ouvrir le sac de sa tante, dans lequel il trouve un objet capable d’allumer du feu… Il a alors l’idée de couper de l’herbe avec son épée et d’y mettre le feu. Ce nouveau feu est poussé par le vent en direction de ses ennemis, qui meurent brûlés vifs.
Yamato Takeru et sa femme Oto Tachibana reprennent alors leur route et au moment de traverser la mer, une violente tempête se déclenche. Afin d’apaiser la colère des divinités, sa femme décide de se sacrifier. Yamato Takeru peut ainsi poursuivre son chemin et achève enfin de pacifier la région. Sur le retour, il décide de retourner voir la princesse Miyazu, qu’il avait rencontrée lors de son arrivée dans la province d’Owari, afin de l’épouser et de se poser.
Plus tard, il part s’occuper de la divinité locale du mont Ibuki, en laissant son épée chez lui… Il rencontre alors un sanglier blanc qu’il ignore, pensant être un simple messager, mais qui se révèle en fait être la divinité du mont Ibuki. Cette dernière provoque alors une tempête et Yamato Takeru s’évanouit. Très malade, il finit par mourir à Nobono, près d’Ise.
L’empereur, touché par la mort de son fils, va faire ériger le « Mausolée du pluvier blanc » en son honneur. Ce mausolée tire son nom d’une légende selon laquelle lors de ses funérailles, Yamato Takeru s’est transformé en grand pluvier blanc, cet oiseau emblématique traduit de Chidori (千鳥), avant de s’envoler. Il est possible de voir ce mausolée au sanctuaire Nobono-jinja (préfecture de Mie).
Quant à la princesse Miyazu, l’épouse de Yamato Takeru, elle décida de faire construire un sanctuaire pour abriter l’épée Kusanagi no tsurugi, que Yamato Takeru avait laissée chez lui. Il s’agit du sanctuaire Atsuta-jingû de Nagoya, qui est dédié à Amaterasu, Susanoo, Yamato Takeru et Miyazu. Enfin, si Yamato Takeru n’est pas devenu empereur, l’un de ses fils deviendra l’empereur Chûai.
Ainsi s’achèvent les aventures de Yamato Takeru, le héros légendaire japonais. Même si son existence n’est pas avérée, la mythologie est souvent basée sur des faits historiques et Yamato Takeru pourrait bien être la synthèse de plusieurs guerriers. Les différents peuples « barbares » évoqués dans l’article font d’ailleurs en réalité référence aux clans qui étaient opposés à celui qui donnera le tout premier empereur japonais : celui du Yamato.
– Claire-Marie Grasteau
Image d’en-tête : Char du Nebuta matsuri, à l’effigie de Yamato Takeru (@Ronin Dave Flickr)