Ancienne capitale du Japon entre 710 (date de sa fondation) et 784, la ville de Nara (facilement accessible depuis Kyoto) est de taille modeste – environ 350 000 habitants – mais elle recèle nombre de monuments historiques témoignant de sa grandeur passée. Et pour inciter les touristes à venir les découvrir, les autorités ont tout misé sur les désormais célèbres cerfs de la ville.

Les cerfs Sika de Nara sont la mascotte bien vivante de la ville, on les retrouve même sur les plaques d’égout qui comme nos lecteurs le savent sont des supports artistiques au Japon. L’histoire veut qu’en 768 un dieu, Takemikazuchi-no-mikoto, se soit rendu à Nara sur le dos d’un cerf blanc. Associés à cette divinité, les cerfs ont acquis un statut sacré durant des siècles. Il était interdit de les tuer sous peine de mise à mort jusqu’au XVIIème et les habitants devaient s’incliner devant eux quand ils les croisaient ! Déchus de ce statut divin à la fin de la Seconde Guerre Mondiale ils sont devenus trésor naturel protégé en 1957.

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Rien d’étonnant donc à ce que cet animal fétiche ait été choisi par la ville pour faire la promotion du tourisme, la principale ressource économique de la ville aujourd’hui. Pour preuve, cette affiche en clin d’œil à la célèbre jaquette de l’album Abbey Road des Beatles. Un jeu de mots se dissimule aussi dans la promotion. Le mot « stop » (« tomare ») s’écrit normalement avec les caractères 止まれ. Mais en remplaçant le kanji par un homonyme : 泊まれ, le mot prend alors la signification « rester », sous-entendu pour visiter la ville ! À savoir que la ville a attiré plus de deux millions de touristes étrangers en 2017, un chiffre qu’elle espère voir augmenter. Pour l’instant, c’est toujours Kyoto qui draine le plus gros des curieux dans le Kansaï.

Outre l’animal plutôt mignon (quand il ne vous pince pas les fesses), la cité offre de nombreuses curiosités à découvrir. Parmi les endroits à visiter à Nara, le parc de 500 hectares du sanctuaire Kasuga-taisha bien sûr, où quelques 1200 cerfs se baladent en liberté. Ils attirent une foule de touristes prêts à les nourrir avec des friandises (shika senbei) spécialement préparées pour eux et vendues sous contrôle des autorités afin d’éviter les intoxications. Mais leur présence n’est pas toujours de tout repos pour les habitants locaux qui doivent parfois nettoyer les déjections après leur passage.

Si les cerfs restent principalement dans leur parc, certains s’aventurent aussi en dehors allant jusqu’à bloquer la circulation en ville ou causer des dégâts dans les champs cultivés. Les automobilistes doivent rester constamment attentifs pour ne pas renverser un cervidé et risquer de gros ennuis. Une cohabitation humains-cerfs parfois délicate et qui engendre aussi un déséquilibre environnemental local. Le nombre élevé de cerfs met en danger certaines espèces de plantes qu’ils affectionnent et les écologistes se sont alarmés du danger guettant la biodiversité locale. En effet, ces animaux n’ont plus de prédateurs naturels. En réponse à ces problèmes, les arbres du parc ont été entourés de grillage protecteur, les cerfs les plus indisciplinés ont été placé en quarantaine, certains ont été abattus et les bois des mâles furent coupés. Il y a donc un équilibre précaire entre l’idée publique d’un lieu naturel et l’attraction artificielle à des fins touristiques. Mais pour l’instant, le paradoxe semble pouvoir assurer la survie de la région. En effet, face à l’effondrement démographique et à l’exode rural, de nombreuses villes japonaises se vident de leurs habitants au profit de Tokyo/Kyoto/Osaka. Les cerfs de Nara limitent les dégâts.

Les daims connaissent bien les étals qui vendent leurs friandises. Source : flickr

Si les cerfs servent à attirer les regards, l’ancienne capitale peut aussi s’enorgueillir d’un beau patrimoine historique avec de nombreux monuments inscrits au Patrimoine Mondial de l’Unesco. La plupart des monuments classés peuvent d’ailleurs se visiter à pied en partant du parc aux cerfs. Parmi eux, le temple Todai-ji dont un des bâtiments, le Daibutsu-den, est la plus grande construction en bois du monde. Ce bâtiment abrite un immense Bouddha Vairocana (le Daibutsu) en bronze recouvert de feuilles d’or haut de 15 mètres. C’est aussi le troisième site japonais préféré des touristes étrangers après le Mémorial pour la Paix d’Hiroshima et le sanctuaire Fushimi-Inari Taisha de Kyoto.

Le Daibutsu. Source : flickr

Autre temple à visiter, le Kôfuku-ji bâti originellement en 669 à Kyoto avant de déménager en 710 à Nara lorsque la ville devint capitale du pays. Il est constitué de nombreux bâtiments anciens qui ont dû être reconstruits, ayant été victimes d’incendies au cours des siècles. Depuis 1969, il héberge aussi le Musée des Trésors Nationaux dont les collections centrées sur le bouddhisme veulent informer et faire mieux comprendre cette religion à travers les documents historiques, les tableaux et les statuettes de grande qualité exposés.

Le Kôfuku-ji. Source : flickr

Le sanctuaire shintoïste Kasuga-Taisha et la forêt primitive de Kasugayama méritent aussi le détour. Le sanctuaire est connu pour ses nombreuses lanternes qui lui valent le surnom de « sanctuaire aux lanternes ». 3000 lanternes en bronze (des dons) sont accrochées dans le complexe et de nombreuses autres en pierre ponctuent son chemin d’accès. Proche du sanctuaire un jardin botanique est réputé pour la beauté de ses glycines qui fleurissent au printemps. Le lieu est particulièrement recommandé lors des fêtes de l’O-bon en août ou du Setsubun Mantaro (la fête des lanternes) en février. Le lieu devient magique à la tombée de la nuit. Un régal pour les photographes.

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À voir également au nord de la ville le site archéologique de l’ancien palais impérial « Heijô » (de « Heijô-kyô », l’ancien nom de Nara). Si les bâtiments datant de l’époque où Nara était capitale du Japon ont disparu, une partie du complexe a été récemment reconstruite. On peut y admirer la reconstitution de la grande porte Suzakumon (ci-dessous), du hall principal Daigokuden et du jardin Toin Teien. Également hébergé sur le site, un musée consacré à l’histoire de la ville.

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Avec ces quelques informations, Poulpy espère qu’il vous aura donné envie de vous rendre à Nara, une ville qui a su conserver son charme historique. Elle est de plus facilement accessible aux détenteurs du JR Pass en partant de Kyoto.

S. Barret


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