La recherche de l’esthétisme et le souci du beau se nichent partout au Japon, surtout dans le détail : dans la présentation savamment étudiée d’un plat, le décor recherché d’un éphémère papier d’emballage, la garde ouvragée d’un katana, la sobre calligraphie d’une enseigne… C’est sans surprise donc que le pays du soleil levant a transformé en quasi œuvre d’art un élément souvent disgracieux de nos villes modernes : les plaques d’égout et d’incendie.

L’idée d’embellir ces plaques a germé dans l’esprit d’un haut-fonctionnaire du ministère de la Construction (devenu aujourd’hui le ministère du Territoire, des Infrastructures, des Transports et du Tourisme) en 1985. À cette époque, le gouvernement décida de moderniser son réseau national d’égout en l’enterrant ainsi que les bouches d’incendie pour permettre d’élargir les rues et de faciliter la circulation. Un projet alors mal accueilli par la population. Alors, pour sensibiliser les japonais à l’importance d’un réseau d’égout efficace pour la salubrité publique, l’autorisation fut donnée aux municipalités de personnaliser leurs plaques. Et ces dernières s’en sont données à cœur joie, rivalisant entre elles pour orner leurs rues des plaques d’égout et d’incendie les plus originales, allant même jusqu’à organiser des concours pour choisir le design des plus belles plaques ensuite réalisées. Ainsi, c’est plus de 95% des municipalités japonaises qui s’ornent de plaques décoratives dont le chiffre total dépasse les 19 000 plaques originales !

Source : Flickr

La plupart des motifs puisent leur inspiration dans la nature, thème cher aux japonais s’il en est : arbres, fleurs, animaux (surtout des oiseaux et des poissons), montagnes et paysages rappelant l’Ukiyo-e, sont légion. Mais les villes souhaitent aussi mettre en avant leur identité et les plaques deviennent d’inattendus supports publicitaires pour le tourisme figurant les monuments célèbres (comme le château d’Himeji), la spécialité culinaire ou artistique locale. Wajima, ville reconnue pour sa laque, a dédié une plaque à cet artisanat :

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Nara, célèbre pour ses centaines de cerfs apprivoisés, les a mis à l’honneur :

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La venue des Jeux Olympiques d’hiver en 1998 à Nagano a été immortalisé :

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Les évènements (comme la bataille navale de Yashima) et personnages historiques, les figures mythologiques et populaires ne sont pas oubliés : le samouraï , la légende de La fille du coupeur de bambous, le personnage de manga Détective Conan ou le célèbre chien Hachiko, incarnation de la fidélité, tous ont des plaques à leur effigie.

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Le musée Ghibli à Mitaka a, lui, crée une impressionnante plaque en relief que bien des visiteurs essaient de soulever en vain :

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Naturellement, le Mont Fuji, LE symbole du Japon, se devait d’apparaître sur quantité de plaques :

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Les bouches d’incendie représentent souvent des pompiers. Les Japonais sont attachés à ces combattants du feu dans un pays où historiquement les maisons traditionnelles sont faites de bois et sont donc particulièrement vulnérables aux incendies.

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Beaucoup de plaques sont peintes de couleurs vives attirant l’œil, et même une fois délavées, il s’en dégage toujours un charme certain.

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L’engouement pour ces plaques est tel qu’une société japonaise des plaques d’égout a été fondée, elle les répertorie et les classe sur son site internet. Un sommet se tient chaque année à Tokyo où sont présentées les plaques les plus belles venues des quatre coins du pays. Des livres ont été publiés, et évidemment au pays des goodies, des produits dérivés sont apparus : on peut acheter des accroches-portables, des horloges, des magnets, des dessous de verre… Les plus mordus collectionneront des petites cartes illustrées des plus belles plaques renseignant sur l’histoire de chacune et leurs coordonnées GPS.

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Un photographe japonais, S. Morita, a sillonné le Japon pendant des années et dans chaque ville qu’il visitait, nez au sol, il a repéré et photographié les plaques qu’il découvrait. Il a publié sa collection de plus de 1500 photos sur son compte Flickr, où nous vous enjoignons à aller faire un tour pour découvrir encore plus de plaques surprenantes. Sur Instagram également certains japonais s’attèlent à les photographier une par une dont Manholecovers.

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木古内町 #マンホール #manhole

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S. Barret


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Sources : thisiscolossal.com / flickr.com / saveursdujapon.me

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