« Love Life » , le nouveau film de Koji Fukada, nous narre une histoire d’amour bouleversée par le destin. Les sentiments peuvent-ils résister à tout ? Une goutte d’eau peut-elle tout remettre en cause ? Vaste sujet dans lequel s’engouffre le réalisateur japonais à la mise en scène feutrée, troublante et quasi théâtrale.

Love Life est le dernier film de Koji Fukada à sortir au cinéma en France après L’infirmière, Harmonium ou Hospitalité. On y suit Taeko (Fumino Kimura), qui vit avec son époux Jiro (Win Morisaki) et son fils Keita (Tetta Shimada, déjà croisé dans Call me Chihiro) en face de chez ses beaux-parents. Ils peuvent même se saluer par leurs balcons respectifs tellement la proximité est grande.

La trentenaire découvre soudain l’existence d’une ancienne fiancée de son mari. De son côté, elle voit également ressurgir dans sa vie le père biologique sourd de Keita. Contre toute attente, son couple sans histoire se retrouve alors dans une tourmente que seule la fatalité avait vue venir.

Love Life : la fragilité du bonheur

Avec Love Life, Koji Fukada continue de se plonger dans les relations amoureuses, ici japonaises, pointant du doigt la fragilité qui les caractérise toutes. Au début du film, Taeko et Jiro semblent filer le parfait amour. Ils sont jeunes, en bonne santé et Keita vient de gagner un championnat d’Othello. Une fête est organisée en son honneur, couplée à l’anniversaire du père de Jiro. Rapidement, on découvre que Taeko n’est pas en odeur de sainteté par rapport à ce dernier. Son mari l’a en effet rencontrée alors qu’il était en couple avec une autre femme. Autant dire que dans la société japonaise, même si avoir des aventures extraconjugales n’est pas rare, se mettre en couple avec sa maîtresse est un crime de lèse-majesté, encore plus quand elle amène avec elle un enfant dont le paternel s’est éclipsé à la naissance. La mère de Jiro ne se prive d’ailleurs pas d’assener à sa nouvelle belle-fille qu’il serait temps « de nous faire un enfant à nous ».

On sent que le vernis est déjà fragile dès ce début de film qui lance le scénario d’une manière très limpide. Puis un événement vient tout faire exploser et c’est là que le long-métrage prend un virage que l’on n’attendait pas.

Quand se bousculent les certitudes

Le réalisateur ayant demandé à ce que le scénario reste secret sur ce point, nous nous garderons bien de vous le dévoiler, mais après un peu plus de 20 minutes de film, le spectateur se retrouve aussi KO que les personnages du film. Comme si le monde qui les entoure venait de s’écrouler et que plus rien n’avait vraiment de sens. Il faut pourtant continuer à avancer mais dans quelle direction ? Doit-on même poursuivre le chemin ensemble ? Il y a beaucoup de peine dans les cœurs et personne ne sait vraiment comment l’exprimer.

Les Japonais sont reconnus pour ne pas ouvrir leurs cœurs facilement et Love Life le montre avec brio, alors que les silences et les regards accompagnent les errances de Taeko et Jiro qui ne savent plus si leur couple et leur amour sont bien réels. Le réalisateur les enferme par ailleurs dans un univers étriqué qui tourne inlassablement autour de lui-même.

Entre quatre murs

Koji Fukada réalise en effet son Love Life pratiquement comme une pièce de théâtre. Il y a les appartements du couple et des parents de Jiro, les rues autour, les bureaux dans lesquels les deux travaillent ensemble, un parc, et rien ne pousse vraiment les personnages à s’éloigner de cette prison aux murs invisibles. Ce train-train a rendu tout le monde un peu léthargique et, sans un événement radical, rien n’aurait probablement bougé pour le siècle à venir. Le réalisateur japonais enchaîne les plans fixes et les longs plans séquences, renforçant ainsi justement ce côté théâtrale qu’il affectionne tant.

Sa mise en scène est très posée et regorge de trouvailles très touchantes. On retient cette scène où Jiro se confie au père sourd de Keita, lui tournant le dos et ouvrant son cœur à la seule personne qui ne peut l’entendre. Autre émerveillement : ces rayons du soleil se reflétant dans un CD accroché sur le balcon de l’appartement et qui fait danser sa lumière sur les meubles et le sol alors que Taeko s’y rend pour la première fois depuis longtemps. Un vrai moment de poésie suspendue.

La distribution ne souffre d’aucun faux-pas. Mention spéciale à Atom Sunada qui incarne Park, l’ex-mari de Taeko, lui aussi sourd comme son personnage. Il nous fait alterner entre tendresse et agacement tant il joue sur la roublardise et la fragilité de cet homme qui n’a jamais vraiment su se placer dans son existence. Entre Corée et Japon, père et fantôme, amoureux ou menteur… Il est celui qui remet en question les sentiments amoureux du couple.

Love Life est une chronique subtile des relations humaines, où l’anodin, l’accidentel et les silences peuvent être sources d’explosions des accords de cœur. Koji Fukada nous berce dans la tempête et, même si on en ressort secoué, on sait au fond de nous que l’amour est partout. Le réalisateur s’est d’ailleurs inspiré du titre d’une chanson pour nommer son film. On y chante ces paroles qui résument bien le sentiment qu’il ne veut pas que l’on oublie : « Quelle que soit la distance qui nous sépare, rien ne m’empêchera de t’aimer. ».

Distribué par Art House, Love Life est à retrouver au cinéma en France depuis le 14 juin.