Lundi dernier, les internautes découvraient avec effroi une vidéo hallucinante : un passager ayant payé son billet d’avion était violemment débarqué de l’appareil par trois policiers. Son seul tort ? La compagnie avait besoin d’une place pour un membre d’équipage et personne ne se portait volontaire pour céder la sienne. Après tirage, celui-ci a été expulsé avec une violence rare. Une situation ubuesque qui n’a aucun risque de se produire au Japon où le service à la personne est porté en culte.

La vidéo a fait le tour du web : aux États-Unis, un passager a été violemment expulsé d’un avion de la compagnie United Airlines. Il était pourtant détenteur d’un billet en règle et ne posait aucun trouble à bord. Alors ? La faute au surbooking, une pratique légale couramment utilisée par certaines compagnies aériennes pour optimiser le remplissage de leurs appareils. Elle consiste à vendre plus de places qu’un avion n’en contient en misant sur les probables désistements de dernière minute pour que le vol reste complet. Et au cas où l’avion se trouve surbooké, les compagnies comptent sur le désistement volontaire de passagers (normalement avertis avant l’embarquement) assorti d’un dédommagement financier pour régler la situation. Elle a de plus l’obligation de leur trouver une place sur un autre vol pour la même destination quitte à ce que ce soit chez des concurrents.

C’est le point de départ de ce qui arrivé ce dimanche 9 avril : la compagnie United Airlines avait besoin de plusieurs places pour embarquer des membres de son personnel, or l’appareil était plein. Si un couple a accepté de descendre, libérant deux places, trois policiers ont recouru à la force pour contraindre un autre volontaire désigné par tirage au sort à céder sa place. La scène filmée par plusieurs passagers montre l’homme, par ailleurs docteur, arraché à son siège et traîné au sol brutalement, le visage ensanglanté, criant avant de s’évanouir. Des images glaçantes qui ont ému sur le web et qui ont valu à la compagnie aérienne une avalanche de critiques, la poussant à présenter des excuses officielles alors qu’elle avait dans un premier temps qualifié l’homme de « perturbateur » et « d’agressif » avant de revenir sur sa position. De son coté, les avocats du passager malmené ont déposé mercredi une demande en référé devant la justice.

Outre la violence du traitement, une autre polémique s’est dessinée : la communauté asiatique accuse la compagnie d’avoir fait preuve de discrimination. La victime, un médecin de nationalité américaine, est d’origine asiatique et de nombreux internautes, en particulier chinois, sont persuadés que le choix s’est porté sur cet homme en raison justement de son origine ethnique dénonçant au passage une « longue histoire de discrimination contre les Asiatiques » aux États-Unis et appellent au boycott de la compagnie. L’incident a également réveillé des craintes de racisme anti-asiatique chez les Japonais dont plusieurs se sont faits l’écho sur Twitter. Une internaute a ainsi raconté à quel point, lors d’un voyage aux États-Unis, elle avait été choquée par l’attitude désagréable du personnel de la United Airlines envers les passagers asiatiques. « Je n’ai plus revolé avec United Airlines depuis » a-t-elle tweeté et conclut : « Je ne pense pas que c’était un incident isolé. »

Cette affaire a suscité une telle onde de choc et une mauvaise publicité pour les compagnies aériennes que la compagnie nationale japonaise Japan Airlines et la All Nippon Airways ont pris la parole mercredi pour rassurer ses (potentiels) clients, affirmant que jamais sur leurs vols il n’y aurait un tel recours à la violence pour évacuer un passager en cas de surbooking, pratique tout aussi légale et commune au Japon qu’aux États-Unis. Lorsqu’ils sont confrontés à une telle situation, le volontariat avant l’embarquement est privilégié, avec une compensation financière (de 10 000 à 20 000 yen, soit de 86 à 172€) ou l’octroi de miles et une place sur le prochain vol disponible.

« Nous ne traînerions jamais nos clients hors de nos avions de cette façon… c’est inimaginable » a affirmé un porte-parole de la Japan Airlines au quotidien Japan Times. « Nous demandons aux passagers de céder volontairement leur place. Si personne ne se manifeste, nous continuons simplement à demander jusqu’à ce que quelqu’un accepte. Ce n’est pas si difficile de trouver des volontaires au Japon. » Un point confirmé par le porte-parole de la All Nippon Airways. Mais au delà de la bonne volonté des japonais, c’est surtout un profond respect pour les clients qui est le pilier fondateur de la plupart des entreprises japonaises.

Les sur-réservations sont surveillés de près le ministère des transports japonais : « Notre politique est de vérifier le nombre de sur-réservations tous les trois mois et nous avertissons les compagnies aériennes de prendre des mesures appropriées si ce chiffre est considéré comme excessif » a énoncé Yusuke Kondo, un représentant du ministère, qui ajoute que les autorités n’ont jamais eu a effectuer d’avertissement jusqu’à présent. Le ministère a calculé que, au Japon, seulement deux places tous les 10 000 passagers sont sur-réservées pour un à quatre refus de monter à bord tous les 100 000 passagers. Ce taux est nettement plus élevé aux États-Unis : il monte à un refus d’embarquer pour 1 000 passagers d’après les chiffres du Bureau des Statistiques des Transports après un pic à un pour 500 à la fin des années 90. Et donc un risque de manque de places nettement plus élevé, dont on a pu observer les conséquences dans la manière de résoudre le problème en faisant au passage fi du respect élémentaire dû à chaque personne.

Du moins aux États-Unis, car au Japon, pays où le respect du client est roi et la courtoisie reine, ce genre de situation est en effet tout simplement inenvisageable.

S. Barret


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Sources : japantimes.co / msn.com