Il y a des films qui vous laissent pantois et qui, même le mot « fin » inscrit sur l’écran, vous font vous demander ce que vous venez de voir ?! Et en la matière, les japonais savent y faire ! « House » est l’exemple parfait de ces œuvres qui jouissent d’une liberté totale et qui s’en servent pour transcender les genres. Enfin visible au cinéma en France, il est grand temps de le découvrir…et de l’aimer !

House est un film réalisé par Nobuhiko Ôbayashi en 1977. On y suit Belle, une jeune collégienne dont la mère est décédée et qui refuse de partir en vacances d’été avec son père et sa nouvelle compagne. Belle décide alors de contacter sa tante qu’elle n’a pas vue depuis des années et qui possède un grand manoir à la campagne au fin fond d’une forêt. Accompagnée de 6 de ses camarades de classe, elle part y séjourner, ne se doutant pas que ces vacances vont tristement tourner au cauchemar.

Une maison bizarrement construite

House, c’est un peu un film qui ne sait pas sur quel pied danser mais qui s’en fiche totalement. Lui, la seule chose qu’il veut faire, c’est justement danser ! Et que dire que sa danse est aussi hypnotisante qu’hallucinante ! Comment ne pas être subjugué par un tel délire ? À la fois film d’horreur et comédie, les séquences s’enchaînent en nous mettant une grande claque de créativité constante.

Fonctionnant selon le principe de la maison hantée, chaque pièce y est le théâtre d’un nouveau délire horrifique. Les pauvres jeunes filles pensaient pourtant passer de tranquilles vacances d’été.

Mais entre les murs, on crie beaucoup, on disparaît, on se pose d’innocentes questions et ceux qui profitent le plus du spectacle, ce sont la tante de Belle et son chat blanc maléfique. Il faut dire que le duo fait ce qu’il faut pour garder le spectateur éveillé. Le long-métrage est un grand voyage fou dans un monde qui n’a aucune frontière entre réel et irréel et où le macabre et l’angoisse font un avec l’humour et la comédie psychédélique. Ce qui n’était peut-être pas le but premier des producteurs.

House : un courant d’air de fraîcheur

À l’époque du lancement de sa production, House était en effet conçu comme la réponse japonaise à la vague de films d’horreur américains qui venait de déferler sur ses côtes. L’idée était donc de voguer sur les succès d’œuvres comme, par exemple, Les Dents de la mer (1975). La tâche est alors confiée à Nobuhiko Ôbayashi. Le réalisateur fait de House un film bien de son époque. On y retrouve ainsi toute la légèreté des années 70 avec son flower-power et ses hippies.

Les jeunes filles Japonaises sont insouciantes à souhait et veulent juste passer du bon temps ensemble, sans trop se poser de question. Elles ont toutes une caractérisation très simple et le scénario s’en amuse puisque même leurs prénoms résonnent de cette idée. Kung-fu est donc très sportive, Mélodie est musicienne, Fanta a beaucoup d’imagination, Belle est jolie, Binocle a toujours un livre à la main, Sweet est gentille et Mach (comme « estomac » ou Macdo, au choix) ne pense qu’à manger. Comme des personnages uniformes de jeux vidéo avec des spécialités, les collégiennes réagiront à tout avec ce seul trait de caractère. Un choix facile pour les actrices…qui n’en étaient d’ailleurs pas vraiment.

Une innocence non feinte ?

Ce qui apporte un vent de fraîcheur sur la pellicule, c’est en effet aussi le fait que les jeunes Japonaises jouaient ici leurs premiers rôles au cinéma. Elles étaient néanmoins habituées aux objectifs puisqu’elles avaient pour la plupart déjà tourné derrière celui de Nobuhiko Ôbayashi, mais dans des publicités. Ce sont d’ailleurs également les débuts du réalisateur au format long et on peut dire qu’il frappe fort !

Alors qu’il aurait pu se contenter d’un film propre et d’un rôle de béni-oui-oui, le Japonais prend la tangente et fait ce qu’il veut ! C’est simple : il se permet tout ! On assiste alors à un mélange d’humour, de comédie musicale et, bien sûr, d’horreur ! Et, encore une fois, cette dernière ne s’exprime pas par le biais de solutions de facilité aux ficelles éprouvées.

Au nom du fait main !

La mise en scène nous offre en effet des trésors d’inventivité et de psychédélisme. À la fin des années 70, tout est encore fait main et il faut donc user de tours de passe-passe mécaniques pour donner vie aux pires excès horrifiques qui souillent l’écran. Piano, miroir, puits,… tout est potentiellement capable de donner la mort ! House est néanmoins également connu pour être un des premiers films japonais à utiliser certains effets numériques. Découvert aujourd’hui, tout ça fait bien sûr un peu sourire, mais c’est justement ce qui lui donne aussi ce charme d’antan incroyable. House bénéficie en plus d’une restauration en 4K et les couleurs n’en sont que plus troublantes et éclatantes.

À sa sortie au Japon, House a connu un grand succès public et commercial. Il est même depuis devenu culte. Par une sorte de miracle dû à Potemkine Films, le film sort enfin au cinéma en France le 28 juin. Une belle opportunité de découvrir cette œuvre rare, pop, gore et rafraîchissante et de rendre hommage au réalisateur Nobuhiko Ôbayashi, disparu en 2020.

Peut-être même qu’il mérite finalement sa place dans notre Top 10 des films d’horreurs japonais.

Stéphane Hubert