La street-photographie a gagné en popularité ces dernières années. Le chef de file, et sans doute, le plus connu de tous, est sans aucun doute Brandon Stanton, le créateur et photographe de la page «Human of New York». De l’autre côté du Pacifique, un autre street-photographe trace les lignes d’un certain succès, immortalisant la population excentrique de Tokyo…
« Tokyo, vu par mes yeux, est un écosystème avec une somptueuse circulation ». C’est la première phrase que l’on lit en ouvrant le site web de Shinya Arimoto, photographe japonais de 45 ans. Né à Osaka, il est aujourd’hui professeur de photographie à la grande école d’Arts Visuels de Tokyo. Il est aussi le directeur de la Galerie «Totem Pole Photo». Quand l’homme ne travaille pas, il peut être vu sillonnant les rues de Tokyo à la recherche de potentiels sujets. Et il est clair que la capitale nippone n’en manque pas !
En effet, ce Professeur se spécialise dans la «street-photo», soit la photographie de personnes croisées dans la rue. Le principe paraît facile : il se balade dans Tokyo, appareil photo à la main, en restant attentif à l’effervescence éternelle des fourmis de la capitale. Cependant, ce n’est pas aussi simple que cela en a l’air. Il ne suffit pas de prendre une photographie à la volée d’une personne quelconque pour faire un bon cliché. Non, ce qui fait la réussite de Shinya Arimoto, c’est sans aucun doute son œil avisé pour dénicher des sujets qui sortent de l’ordinaire, mais c’est aussi la manière dont il interagit avec ses potentiels modèles. Il les tient en haute estime et prend le temps de leur parler pour gagner la permission de les photographier, une règle de base au Japon où le respect de l’image d’autrui est fondamental. De cette manière, il montre que son travail expose avant tout l’individu et non pas la société nippone.
Effectivement, si cet artiste s’est donné un but, c’est celui de casser les clichés. Quoi de plus perspicace que de le faire à l’aide de personnes uniques qui détonnent dans la société tokyoïte ? Très consciencieux, il exprime ce contraste par une distribution de l’espace équilibrée entre le sujet et le fond, à savoir les rues de Tokyo et leur atmosphère unique. Shinya Arimoto met ainsi un point d’honneur à prendre les gens dans leur « habitat naturel ». Il est intéressant de voir qu’il compare la capitale nippone à un véritable écosystème biologique dont les sujets s’apparentent à une partie vivante et sauvage de l’ensemble. Comme si les individus dans les rues étaient des sortes de créatures sauvages, il prend le temps de les chercher, les apprivoiser et enfin les photographier. Il apparaît véritablement méticuleux à propos de ses sujets, mettant en valeur leur importance et leurs spécificités dans une société tokyoïte parfois trop homogène où l’individu disparaît au profit de la masse. Ainsi, Monsieur Arimoto est très prolifique. Il estime qu’il utilise dix rouleaux de pellicule par jour, de midi jusqu’au coucher du soleil.
Bien qu’il soit reconnu pour ses photos de rue, Shinya Arimoto porte derrière lui de nombreux autres projets artistiques. Il a notamment passé près de dix ans au Tibet, photographiant des individus dans toutes les circonstances. Il est aussi passé par le Népal, l’Inde, et par de nombreuses autres régions du Japon. Toujours en noir et blanc, Shinya Arimoto garde cette même philosophie qui rend ses clichés uniques et fait ressortir chez les gens une beauté et une particularité qu’il n’est pas toujours possible de voir à l’œil nu. Ses clichés sont visibles au complet dans un ouvrage au nom de « Tokyo Circulation » (black ou silver) édité en 2016 à seulement 500 exemplaires chez ZEN FOTO GALLERY.
– S.Grouard
